Pénurie de puces et impact sur smartphones en Afrique

Pénurie de puces et impact sur smartphones en Afrique
Pénurie de puces et impact sur smartphones en Afrique

Africa-Press – Burkina Faso. Une pénurie de composants électroniques pour smartphones est en cours dans le monde. Jeune Afrique vous explique les conséquences qu’elle aura en Afrique sur l’approvisionnement et les prix de ces outils ô combien utiles sur le continent.

À force de la pousser dans ses retranchements, la machine s’est grippée. Depuis quelque mois, la perspective d’une pénurie mondiale de composants électroniques vitaux pour le bon fonctionnement des smartphones se précise. Elle est confirmée par l’ensemble des experts que Jeune Afrique a interrogé pour les besoins de cet article et est en cours à l’heure où sont écrites ces lignes.

Les effets devraient commencer à se faire sentir d’ici à la fin du mois de décembre et dès le début de l’année 2026. « Ils pourraient commencer à s’atténuer à partir de 2027 », estime néanmoins Ramazan Yavuz, directeur Europe, Afrique et Moyen-Orient du cabinet d’étude International Data Corporation (IDC).

« L’Afrique est l’une des régions les plus touchées, car elle dépend fortement des smartphones 4G d’entrée de gamme, qui constituent précisément le segment confronté à une offre limitée de puces », confirme pour sa part Manish Pravinkumar, analyste principal au sein du cabinet Omdia, au sein duquel il dirige les recherches sur le marché des technologies grand public pour le Moyen-Orient et l’Afrique.

La mécanique d’une pénurie

En cause? Une demande plus forte que les capacités de production concernant des puces utilisées principalement pour les capacités de mémoire vive (DRAM) des smartphones d’entrée de gamme (moins de 150 dollars) et de moyenne gamme (entre 150 et 250 dollars), compatibles 4G.

« Ce qui a commencé il y a plusieurs années comme une transition discrète de l’industrie d’un modèle de puces appelé LPDDR4 vers la LPDDR5 s’est aujourd’hui transformé en une crise mondiale de l’approvisionnement, qui touche le plus durement les smartphones d’entrée de gamme, explique Ahmad Shehab, analyste au sein du cabinet d’étude de marché Counterpoint. Les fabricants de DRAM, tels que Samsung Electronics, SK Hynix, Micron et d’autres, ont réaffecté leurs capacités à des mémoires plus récentes et plus rentables, la production de LPDDR4 a diminué plus rapidement que prévu, laissant un vide là où cela compte le plus, à savoir dans les appareils abordables », poursuite l’analyste.

Ce choix industriel d’une transition de la production vers des puces de nouvelles générations est incité par la forte demande issue des géants de l’intelligence artificielle. « La demande reste forte sur les marchés émergents, mais les fonderies réorientent leurs capacités de production vers les puces 5G et IA à plus forte marge, ce qui entraîne des pénuries dans le bas de gamme », précise Manish Pravinkumar.

En d’autres termes, pour les besoins des datacenters géants consacrés à l’entraînement de grands modèles de langages, les acteurs du secteur comme OpenAI, Google, Oracle, Meta, DeepSeek, Mistral AI ou Anthropic ont besoin d’énormes quantités de composants et poussent les fabricants à réattribuer leurs chaînes de production dans ce sens, ce qui finit par assécher les filières autrefois dédiées aux composants de smartphones d’entrée de gamme.

Un effet sur les prix des téléphones

La rareté croissante des puces anciennes générations, combinée à la persistance de la demande dans les marchés émergents, grands consommateurs de téléphone entrée/moyenne gamme, entraîne de fait une hausse des prix du composant de base « de près de 50 % », estime Ahmad Shehab. Mécaniquement, cette hausse devrait être reportée sur les prix des téléphones par les fournisseurs stars du continent comme Transsion (qui commercialise les marques Tecno, Infinix et Itel), Xiaomi, Samsung (notamment sa série A) et les acteurs locaux qui produisent en marques blanches.

« Alors que le prix moyen estimé par IDC pour un smartphone sur le marché africain était initialement prévu à 149 dollars américains, il devrait passer à 155 dollars américains en 2026 », complète Ramazan Yavuz.

Une double sanction pour l’Afrique

Dans cette mécanique délétère, l’Afrique devrait subir une double peine: la hausse des prix des téléphones combinée à des perturbations sur l’approvisionnement des distributeurs locaux. Et ce, parce que les consommateurs africains sont davantage séduits par les gammes de modèles les plus concernés par la pénurie en cours.

Selon Manish Pravinkumar, les marchés africains doivent se préparer à des ruptures de stocks pour les modèles de téléphones dits « à forte rotation » (c’est-à-dire, de 80 à 150 dollars) ainsi qu’à des cycles de réapprovisionnement plus longs et des flux d’expédition plus irréguliers. En effet, dans ce contexte où l’offre est limitée, les grands fournisseurs de smartphones, tels qu’Apple, Samsung ou Xiaomi priorisent d’autres régions du monde, affirme l’expert de Omdia. Contacté, Transsion, numéro un en Afrique avec plus de 50 % de parts de marché, n’avait pas formulé de réponse à la publication de cet article.

Comment atténuer le choc à venir

Connu pour être un relais de croissance pour les fournisseurs de smartphones, le marché africain devrait, sous l’effet de la pénurie, connaître un léger ralentissement en 2026. Quand Omdia prédit un recul de 6 % des livraisons sur le continent en 2026, IDC réduit ses prévisions de croissance de 2,6 % à 2,1 % en glissement annuel pour la même année.

Pour atténuer ce choc, les distributeurs africains doivent veiller, selon Manish Pravinkumar, à travailler sur leurs stocks en effectuant des commandes anticipées et concevoir de nouvelles offres qui comprendraient « des références 4G et 5G légèrement supérieures, dont la disponibilité s’améliore ».

D’autant qu’avec la hausse des prix qui se profile sur les composants, « les fabricants donnent la priorité aux modèles de milieu de gamme, laissant fortement entendre qu’ils pourraient supprimer certains modèles d’entrée de gamme, ce qui réduirait le choix d’options à bas prix pour les consommateurs africains », prévient l’analyste de Counterpoint.

Mauvais timing pour les télécoms africaines

Problème, depuis deux ou trois ans, les principaux acteurs du mobile que sont les opérateurs des télécommunications sont confrontés au besoin de basculer leurs usagers de la 2G vers la 3G et ceux de la 3G vers la 4G ou 5G. Selon eux, cette transition doit passer notamment par une baisse des prix des terminaux et la création de nouveaux outils de financements à même de faciliter l’achat d’appareil.

Et Ahmad Shehab de Couterpoint de conclure: « Si le passage de l’industrie à la technologie LPDDR5 est inévitable et tourné vers l’avenir, son impact à court terme met en évidence la manière dont les transitions technologiques dans les chaînes d’approvisionnement mondiales peuvent affecter de manière disproportionnée les régions émergentes comme l’Afrique ».

Source: JeuneAfrique

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here