Transparence Budgétaire et Dialogue Financier UEMOA

Transparence Budgétaire et Dialogue Financier UEMOA
Transparence Budgétaire et Dialogue Financier UEMOA

Africa-Press – Burkina Faso. International Budget Partnership (IBP) Bureau Afrique francophone, basé à Dakar, a, en partenariat avec l’UEMOA et le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), tenu, les 11 et 12 septembre 2025 à Ouagadougou, du 1er Forum ouest-africain sur la gestion des finances publiques francophones. Deux jours durant, les participants, venus des huit pays de l’UEMOA, du Cameroun et de Madagascar, ont mené les réflexions à travers quatre grands panels. Au terme des travaux, le directeur des programmes de IBP, Djibril Badiane, principal artisan de ce colloque, revient sur le bilan, les motivations et les perspectives de ce rendez-vous qui a mobilisé des experts, des décideurs (ministères des Finances, institutions supérieures de contrôle), des parlementaires, des partenaires techniques et des acteurs de la société civile. Interview… !
: Après deux jours d’intenses réflexions, précédées de longs moments de préparation, de mobilisation, le 1er Forum ouest-africain sur la gestion des finances publiques francophones vient de s’achever. Alors, sentiment de mission accomplie?
Djibril Badiane: C’est à la fois un sentiment de satisfaction et de fierté en voyant l’aboutissement de ce forum qui, sans nul doute, nous conforte dans notre position d’organisation d’assistance technique au sein des pays d’Afrique francophone lorsqu’il s’agit d’accompagner des politiques publiques qui répondent aux préoccupations de nos concitoyens. Comme vous le savez, IBP est une organisation de développement, qui vise à rendre les finances publiques beaucoup plus inclusives, donc à prendre en compte les besoins des plus vulnérables de notre société.

Et sous ce rapport, depuis plus de sept ans, nous sillonnons l’Afrique francophone en ayant comme bandoulière l’ambition de former les organisations de la société civile (OSC) sur ces questions techniques des finances publiques, pour qu’elles puissent jouer pleinement leur rôle de contrôle citoyen, mais également de plaidoyer pour une meilleure prise en compte des préoccupations de nos populations.

Le forum ouest-africain des finances publiques a été une initiative que nous avons proposée aux États après plusieurs années d’intervention dans la sous-région d’Afrique francophone. C’est une plateforme de discussions, de partages d’expériences et surtout de proposition de solutions pour relever ensemble les nombreux défis auxquels nos États sont confrontés dans la mise en œuvre des réformes communautaires.

En effet, depuis 2009, l’UEMOA a introduit des réformes majeures pour une meilleure harmonisation des finances publiques dans les pays membres.

Il s’agit des six directives qui touchent la transparence, les lois organiques relatives aux lois de finances, le règlement général sur la comptabilité publique, la nomenclature budgétaire, le plan comptable et le tableau des opérations financières de l’État. Plus de quinze ans après, nous avons jugé nécessaire de créer un espace de dialogue et d’échanges entre États pour mesurer les acquis, partager les bonnes pratiques et formuler des recommandations autour des faiblesses identifiées. Et le thème général du forum montre à suffisance les résultats recherchés: « Repenser la performance, la transparence et la redevabilité budgétaires à l’aune des réformes ».

Les deux jours ont été marqués par quatre panels de haut niveau: un panel des ministres en charge des finances, qui a traité la question de la transparence et de la gestion budgétaire ; le panel des institutions supérieures de contrôle qui a regroupé les cours des comptes pour traiter des questions de l’analyse situationnelle du contrôle et de la vulgarisation des rapports d’audit.

Le panel 3 a regroupé les commissions des finances des assemblées nationales, pour poser la lancinante question du contrôle parlementaire dans l’évaluation des politiques publiques. Le dernier panel a été celui des organisations de la société civile, des organisations de développement sur la question des défis et perspectives pour une bonne participation des citoyens aux processus budgétaires. Les débats étaient de haute facture avec le concours des ministères, des assemblées nationales, des cours des comptes, des organisations de la société civile et de partenaires de développement, dont certains ont participé en ligne depuis leur siège.

Cela montre également que l’Afrique francophone regorge de talents et de ressources capables de porter le développement des politiques publiques. Nous avons eu droit à de grandes propositions pour améliorer le financement et l’accès aux services publics, que ce soit dans la santé, l’éducation, la protection de l’enfant, l’accès à l’eau et à l’assainissement et la gestion des changements climatiques.

Vous étiez là au mois de mai 2025, pour un renforcement de capacités des organisations de la société civile, et au cours duquel séjour, vous aviez annoncé la tenue de ce forum. Vous avez insisté sur le lieu pour ce premier forum, Ouagadougou. C’est quoi la principale motivation ou le message primordial que vous avez ainsi tenu à véhiculer?

Effectivement, au mois de mai, nous étions là, et nous avions annoncé la tenue de ce forum dans le cadre de la mise en œuvre de notre projet dénommé COAB (Collaborer pour des Budgets plus Ouverts et plus Redevables). Chose promise, chose faite, par la grâce de Dieu et par le concours des autorités burkinabè. J’ai dit, durant mon discours de clôture, que nous n’en serions pas là sans l’accompagnement, la bénédiction et l’engagement des autorités burkinabè. Mais aussi et surtout, grâce à notre partenaire local, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD). C’est donc le lieu pour moi de les remercier au nom de IBP pour leur disponibilité et leur collaboration dans la réalisation de ce forum.

Encore une fois, c’est un sentiment de satisfaction, parce que l’objectif a été atteint malgré un contexte sous-régional difficile. IBP a toujours défendu l’idée selon laquelle c’est en temps de crise qu’il faut davantage mener le plaidoyer budgétaire pour ne pas affaiblir le fonctionnement des services sociaux de base. Et c’est en contexte de crise qu’il faut effectivement poser les débats sur ces questions-là, parce qu’en contexte pareil, les services essentiels sont souvent menacés de sous-allocations, en ce sens que le financement est orienté vers la logique de guerre. Donc, il ne faudrait pas abandonner le Burkina Faso, il ne faudrait pas tourner le dos aux financements des activités des services sociaux de base au niveau du Burkina. Nous avons fait le pari de tenir cette édition ici à Ouagadougou, pour ce que le pays représente dans l’histoire de notre Union, ce qu’il représente dans la promotion de la culture patriotique et dans la gestion des finances publiques malgré des situations difficiles.

Le forum vient de s’achever sur de bonnes notes. Ce qu’il nous reste à faire, c’est de continuer d’affiner la réflexion. Nous allons donc, dans les semaines à venir, sortir le rapport du colloque, qui sera partagé à l’ensemble des acteurs ici présents, l’ensemble des délégations qui étaient présentes à ce forum ; pour que les autorités d’ici et d’ailleurs sachent quelles ont été les grandes résolutions du forum de Ouaga. C’est dire aussi que nous allons continuer à faire d’autres foras (le forum de Dakar, le forum de Yaoundé, le forum de Cotonou, etc.). Nous continuerons, autant que faire se peut, de tenir ces foras-là, pour permettre à nos pays francophones de s’inspirer des bonnes pratiques en termes de mise en œuvre de politiques publiques inclusives.

Le forum a également révélé que les pays de l’UEMOA ont encore des faiblesses dans la transposition complète des directives communautaires. En attendant le rapport détaillé, quelles sont les difficultés communes que vous retenez à l’issue de ces réflexions?

Effectivement, malgré ces belles innovations communautaires avec les directives de l’UEMOA, la transposition et la mise en œuvre effective au sein des États membres demeurent encore faibles. Ce qui représente un grand défi pour les performances budgétaires et leur impact sur la vie de nos concitoyens. Le cas de la publication dans les délais, de façon exhaustive et dans les canaux de diffusion adaptés des documents budgétaires dans la zone communautaire, représente un obstacle majeur pour davantage promouvoir la transparence budgétaire (7/100 de moyenne régionale, durant les deux dernières éditions de EBO 2021 et 2023 de IBP).

La méconnaissance du calendrier budgétaire par les citoyens et leurs représentants (parlementaires et société civile) freine la pleine participation du public au processus budgétaire (4/100 de moyenne régionale, durant les deux dernières éditions de EBO 2021 et 2023 d’IBP).

Les moyens d’action limités de nos institutions de contrôle budgétaire (Assemblée nationale et Cour des comptes) et les retards dans la publication des rapports d’audits rendent encore faible le contrôle des finances publiques dans la zone de l’UEMOA.

Il s’y ajoute la faible maîtrise des nouvelles problématiques des finances publiques modernes telles que la fiscalité, la dette, la masse salariale, le genre et les changements climatiques qui ont fini de bouleverser la situation socio-économique de nos populations.

Le forum a permis de comprendre que vous avez effectué un travail de fond avec les organisations de la société civile dans ces pays, en tissant un grand réseau d’OSC. Au quotidien, comment entretenez-vous la flamme avec ces organisations qui ont, quoi qu’on dise, des acquis considérables sur le terrain?

Ces organisations font notre fierté de par la qualité de leurs analyses et plaidoyers autour des politiques publiques de la sous-région. Nous les formons depuis plus de sept ans sur les techniques d’analyses budgétaires pour rendre leur plaidoyer beaucoup plus impactant auprès des décideurs publics. Et vous l’aurez perçu, la qualité des débats et des propositions lors du panel 4 avec les OSC a montré à suffisance notre intervention au sein de ces organisations-là. Pourtant, il y a environ dix ans, les connaissances sur ces questions techniques des finances publiques n’étaient pas comme telles.

Mais nous avons contribué à renforcer leurs connaissances, en leur donnant des outils et les compétences nécessaires pour s’asseoir à la table de décisions avec l’État sur ces questions stratégiques. Il y a encore la phase III de notre programme COAB qui sera mise en œuvre dans quelques pays d’Afrique francophone et nous allons continuer à renforcer davantage notre contribution en termes de formation, de plaidoyer, mais aussi de réseautage, parce qu’il faut un tout pour pouvoir davantage impacter les finances publiques.

Quel message peut-on vous arracher pour l’ensemble des citoyens de ces espaces qui, comme l’a soulevé un participant, contribuent au budget de l’État, mais semblent ne pas y veiller, notamment par la recherche de l’information sur comment leurs impôts et taxes sont utilisés !

Il faut dire à l’ensemble des citoyens de l’Afrique francophone que les finances publiques ne sont pas des questions taboues. Qu’ils doivent voir les finances publiques comme s’ils étaient en train de défendre des choses qui impactent leur santé, leur éducation, leur assainissement, leur cadre de vie. Le budget n’est que la traduction chiffrée et budgétaire de vécus de nos populations. Partant de ce postulat, il faut davantage s’intéresser aux questions de finances publiques et non les laisser à l’exclusivité des administrations budgétaires et fiscales.

C’est un appel que je lance, pour que nos OSC continuent donc de faire intéresser et d’aimer les finances publiques à nos concitoyens d’Afrique francophone et surtout d’appeler les gouvernements à plus d’ouverture, quand il s’agit de gérer les deniers publics. Et je pense qu’il y a espoir. Il y a espoir, parce qu’il y a un vent nouveau qui souffle en Afrique francophone ; on a de nouveaux régimes qui ont soif de reddition des comptes, de transparence et qui ont soif de bien gérer l’argent public. Je pense que c’est un nouveau message et il ne faudrait pas que ce nouveau souffle et ce vent de changement-là soient utilisés à des fins politiciennes, mais plutôt pour promouvoir des partenariats gagnant-gagnant qui permettront à l’Afrique d’enclencher vigoureusement son émergence économique.

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