Ici Au Faso | Abdoul Razack Konaté donne une seconde vie aux pneus usés

Ici Au Faso | Abdoul Razack Konaté donne une seconde vie aux pneus usés
Ici Au Faso | Abdoul Razack Konaté donne une seconde vie aux pneus usés

Africa-Press – Burkina Faso. Abdoul Razack Konaté est un jeune burkinabè caressant la vingtaine d’années. Après un brillant parcours scolaire et universitaire, le détenteur d’une licence en statistiques refuse de se laisser entrainer dans la spirale du chômage. Dès lors, il se lance dans l’entrepreneuriat en créant son entreprise de recyclage des déchets. « Faso Innovation » est le nom de son entreprise. Et depuis, il l’y fabrique des mobiliers de tout genre avec des pneus usés qui jonchent certains espaces publics des fois. Du plastique, des barriques usées ou abandonnées qu’il met en valeur à travers ses mobiliers. Une manière pour lui de participer à la protection de l’environnement en le débarrassant de ces déchets polluants. Dans sa création, Abdoul Razack Konaté valorise également le koko dunda, ce pagne emblématique conçu localement à Bobo-Dioulasso, la capitale économique du Faso avec quoi, il habille ses mobiliers… Découverte !

Assis sur l’une de ses créations, les yeux rivés vers le néant comme en quête d’inspiration, le bras en perpétuel mouvement, ce jeune homme a l’air d’avoir du temps. Et pourtant ! Il honore un rendez-vous pour faire valoir davantage son savoir-faire. A côté de lui, plusieurs objets « travaillés » ou en attente d’être « reconvertis ».

Lui, c’est Abdoul Razack Konaté, détenteur d’une licence en statistiques obtenue à l’université Nazi Boni de Bobo-Dioulasso. Il est le maître des lieux. Le non averti verra une sorte de désordre dans son lieu de travail. Seul, le « petit Razack » se retrouve dans cet atelier qui donne l’impression d’un capharnaüm…

Pour contrer le risque de péril environnemental qui se profile à l’horizon, l’ingénieur des travaux statistiques de formation, contraint par le chômage, se lance dans le recyclage des déchets afin de sortir de la léthargie et des stéréotypes de fainéantise collés à certains jeunes de Bobo-Dioulasso. Fils d’un tapissier à la retraite, ce roi du recyclage décide d’emboîter les pas à son géniteur avec pour motivation de protéger l’environnement.

Il révèle qu’au départ, il envisageait de mettre sur pied une entreprise d’assainissement qui devrait collecter des ordures dans les ménages et des espaces publics afin de promouvoir la salubrité et surtout préserver l’environnement. Par manque de moyens, son projet n’a pas encore vu le jour. C’est ainsi qu’il décide alors de faire du recyclage. Cependant, voué à la déchetterie, il affirme qu’il tient à ce qu’un jour ce projet naisse et grandisse.

« On a voulu mettre en place une entreprise qui peut prendre les déchets dans les familles, les écoles et les déposer dans les dépotoirs comme ce que fait la mairie. On a vu que pour réaliser ce projet, ça demande beaucoup de moyens pour le démarrage. Vous devez avoir des voitures, des agents pour pouvoir transformer les déchets.
Comme on n’a pas de moyens, pourquoi ne pas pousser l’idée, pourquoi ne pas prendre ses déchets transformer en d’autres produits qu’on peut réutiliser ? Cela est encore plus facile et moins couteux pour nous. Donc c’est là, on a vu maintenant que les déchets tels que les pneus parce que lors des manifestations, les gens prenaient les pneus pour bruler et les odeurs des pneus sont très toxiques pour la santé », explique-t-il.

Finalement c’est en fin 2019 qu’Abdoul Kader Konaté met sur pied « Faso Innovation ». Résilient et ingénieux, il confectionne tout type de mobiliers à partir des pneus usés et abandonnés. Son canevas est essentiellement composé de chaises, de tables, de bureaux, de fauteuils, de pots de fleurs, de poubelles et de puffs… Des pots de fleurs aux meubles, les prix varient entre 2500 FCFA à 250.000 FCFA. Dans son travail, le jeune « grouilleur » utilise non seulement le matériel recyclé mais aussi du bois.

C’est à travers les réseaux sociaux notamment que Abdoul Razack Konaté expose ses produits. Par conséquent, c’est de là que viennent la plupart de ses clients. Même s’il n’a pas encore participé à certains grands rendez-vous artistiques comme le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) dont l’édition de 2020 a été avortée à cause de la pandémie de covid-19.

« Il faut dire que notre politique managériale pour faire la promotion de notre produit, ce sont les réseaux sociaux, les activités où les gens peuvent se réunir. Nous faisons la promotion de nos produits sur Facebook, WhatsApp. Pour le moment, on n’a pas pu participer à un SIAO, ou FESPACO », nous renseigne-t-il.

Bobo-Dioulasso est aussi réputée comme une ville artisanale, grâce notamment à des activités comme la Semaine Nationale de la Culture (SNC). Cependant ce jeune, à l’entendre, éprouve des difficultés d’écoulement de ses produits.

Aussi, déplore-t-il, le fait que les gens ne considèrent pas vraiment à juste valeur son travail qui, soutient-il contribue à la promotion environnementale. « C’est vraiment compliqué que les gens ne s’intéressent pas trop à l’écologie, aux produits recyclés, c’est vraiment difficile de pouvoir convaincre les gens à payer les produits », se lamente Abdoul Razack Konaté.

Malgré la morosité du marché, ce jeune entrepreneur assure être à l’abri du besoin. Toutefois, il souligne que le démarrage n’a pas été chose facile ! À l’en croire, il a dû économiser grâce à de « petits jobs » qu’il faisait tout en étant étudiant.

« J’ai démarré avec des fonds propres, avant ça je faisais des cours à domicile quand j’étais étudiant, les fonds que j’ai pu récolter, c’est avec ça que j’ai pris pour démarrer l’entreprise avec aussi le soutien de mon grand frère, on n’a pas eu d’appui financier venant de quelqu’un d’autre », avance-t-il.

Également, Abdoul Razack Konaté tend à mettre en exergue le Koko dunda, un pagne mythique tant affectionné des Bobolais en particulier que des Burkinabè en général. Dans la confection de ses différents mobiliers, l’utilisation de ce pagne apporte une touche particulière à sa création.

« Le koko dunda a plusieurs valeurs que les gens souvent oublient. On peut faire plusieurs types de créations avec ce pagne, parce que le design qu’on fait avec le koko dunda, c’est vraiment un design exceptionnel. C’est un design qui attire les clients, l’esthétique et aussi le koko dunda est facile à utiliser, quand on veut faire les meubles. Il est très facile à utiliser.
Donc c’est un produit bobolais, c’est une façon pour nous de valoriser un produit qui vient de chez nous, c’est pourquoi nous utilisons plus les Koko Dunda », justifie-t-il.

Le dernier recensement général de la population réalisé en 2019 rapporte que la région des Hauts-Bassins enregistre un taux de chômage qui avoisine 5,5%. Ainsi, Razack Konaté estime que la jeunesse a la capacité et peut bien s’en sortir, si elle décide d’entreprendre.

Se basant sur son cas, il admet que son activité nourrit son homme mais comme la majorité des jeunes entrepreneurs les difficultés financières n’en demeurent pas moins. Et c’est à juste titre qu’il en appelle aux bonnes volontés pour soutenir l’entrepreneuriat des jeunes. La suite dans la vidéo… ⤵

Concernant la situation précaire que vit la jeunesse de Bobo-Dioulasso en particulier et celle du Burkina en général, Abdoul Karim tient les autorités pour responsables. À l’écouter, si les jeunes de cette région sont taxés de tous les stéréotypes péjoratifs, cela vient du sommet, s’en prend-il aux gouvernants.

« On n’a pas un programme d’activités, on n’a pas un programme de développement à Bobo que ce soit la mairie, que ce soient les autorités, la population est laissée à elle-même. Et elle fait ce qu’elle peut. Et cette insouciance n’encourage pas les jeunes à entreprendre.
Je peux dire qu’aujourd’hui, les gens sont en train de prendre conscience, les gens veulent travailler, les gens veulent avoir du travail mais il n’y en a pas. C’est extrêmement difficile d’en avoir, sinon quand on prend dans le football, ce sont les Bobolais qui sont devant. Même la culture, ce sont les hommes de Bobo qui sont devant. Mais aujourd’hui, il y a des jeunes qui sont en train de se battre aussi pour pouvoir mettre en place leurs projets et je pense qu’on doit les soutenir », lance Abdoul Razack Konaté qui salue l’éveil de prise de conscience des jeunes ces dernières années.

Pour l’avenir, Razack Konaté ne s’éloigne pas de son objectif. Mais pour l’heure, il souhaite ajouter d’autres cordes à son arc en agrandissant son entreprise pour s’essayer dans la décoration intérieure et dans la logistique évènementielle. Nonobstant, il reste focus sur son désir d’une ville éco citoyenne dépourvue des déchets, son idée de départ.

« Ma vision est assez large parce que dans les années à venir, mon ambition c’est d’avoir un centre de recyclage des déchets. Installé des poubelles dans les entreprises, dans les familles, des poubelles de plusieurs types, puisqu’on a des déchets alimentaires, qui peuvent être transformés en bio gaz, ou d’autres produits.
Des déchets aussi solides comme les plastiques qui peuvent être transformés en d’autres produits et aussi on a les déchets matériels tels que les matériels informatiques. Inculquer aux familles, à la population pourquoi recycler les objets, pourquoi conserver notre environnement. Parce qu’aujourd’hui, on parle de changement climatique, c’est essentiellement, ces perspectives là que nous voulons poursuivre avec notre projet », espère-t-il.

Aminata Catherine SANOU

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