Production Maraîchère à Gon-Boussougou et Résilience

Production Maraîchère à Gon-Boussougou et Résilience
Production Maraîchère à Gon-Boussougou et Résilience

Africa-Press – Burkina Faso. L’un des corollaires de la crise sécuritaire au Burkina Faso est le déplacement des populations vers des zones plus sécurisées avec des conditions de vie souvent difficiles. Pour être plus résilientes face à cette situation, nombreuses sont les Personnes déplacées internes (PDI), notamment les femmes qui se sont investies dans diverses activités génératrices de revenus. Dans la commune de Gon-boussougou, province du Zoundwéogo, c’est la production maraichère qui est leur principale activité. Reportage !

En ce mois de mai finissant, la saison pluvieuse s’annonce dans la quasi- totalité des localités du Burkina Faso. Ils sont nombreux, ces agriculteurs et autres travailleurs de la terre, à souhaiter une pleine installation des pluies pour reprendre leurs activités agricoles quotidiennes. Gon-boussougou, commune rurale située à une cinquantaine de km de Manga, province du Zoundweogo et chef-lieu de la région du Centre-Sud, ne fait pas exception à cette réalité.

Nous sommes dans la matinée du jeudi 22 mai 2025. C’est le jour de marché de cette commune, peuplée de plus de 70 000 âmes, selon le Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH) de 2019. Le soleil a déjà entamé son ascension matinale, illuminant à suffisance la population de ses rayons. Sur la place du marché, les boutiques sont déjà ouvertes.

Les femmes s’attèlent à l’étalage de leurs diverses marchandises pendant que le marché de poissons, jouxtant l’artère principale de la commune, grouille de monde. Toutefois, d’autres acteurs de la population ne connaitront pas cette ferveur quoti-dienne du marché, faite souvent de retrouvailles et dans une atmosphère empreinte d’allégresse. Au nombre de

ceux-là, les Personnes déplacées internes (PDI). En effet, même si leur nombre n’est pas important, on en trouve dans cette partie du Bur-kina Faso, en raison de la crise sécuritaire. Selon les autorités communales, elles sont estimées à 150, réparties dans les villages environnants de Gon-boussougou.

Elles ont été accueillies et logées par les populations hôtes avec toutes les commodités. Mais, faute de moyens financiers pour mener des activités commerciales, elles s’adonnent à d’autres activités comme la pratique de la maraicher-culture. Une culture qui leur permet de subvenir à leurs besoins primaires. Adissa Konditamdé, la quarantaine bien révolue, en est une. Elle est une Personne déplacée interne (PDI) de la commune, depuis plus de deux ans. Cela, fait-elle savoir, à la suite d’une incursion d’hordes terro-ristes dans sa localité d’origine, à Yalga. Situé à une dizaine de km de Gon-boussougou.

C’est ainsi qu’avec ses cinq enfants, Adissa Konditamdé trouve refuge, démunis de tout, dans le chef-lieu de la commune de Gon-boussougou. « Nous n’avions pas eu de difficultés lorsque nous sommes arrivés ici. Il n’y a pas eu de problème, sauf que par moments, certains besoins existaient », se remémore-t-elle, l’air chagriné par ce douloureux souvenir. Mais, loin de se laisser dominer par sa situation, dame Konditamdé, avec l’aide de ses hôtes et en intelligence avec d’autres déplacées internes, s’est lancée dans la pratique de la maraicher-culture. Cela, laisse-t-elle entendre, afin de pouvoir satisfaire à ses besoins et s’occuper de ses cinq enfants. Il est 11h, lorsque nous allions à sa rencontre dans le jardin potager dans lequel elle cultive, avec d’autres déplacées.

Le site, d’une superficie d’un hectare (ha) et demi, est situé dans le village de Kiaramom, rattaché à la commune de Gon-boussougou, juste à deux km. Sur les lieux, on y aperçoit des périmètres aménagés où sont cultivés de l’oignon, de la tomate, de l’aubergine, des choux, etc. Sous le soleil, alors que certaines femmes aménagent des espaces, d’autres, enfants au dos, se l’arrosent des plants. Ce jour-là, indique-t-on, l’eau était disponible dans le château.

« Grâce à cette activité, nous nous occupons bien. Et, avec ce que nous produisons, nous parvenons à réduire nos besoins dans notre situation de personnes déplacées », indique Adissa Konditamdé, tout en allaitant sa fillette de 4 ans. La pratique du maraichage, de nombreuses femmes déplacées internes de Gon-boussougou, par la force des choses, en ont fait leur principale activité quoti-dienne dans cette exploitation.

Cet espace potager, qui dispose d’un château d’eau et d’un forage, confie Adissa Konditamdé, leur a été donné gracieusement par El hadj Yacouba Maré, un natif de la localité. Ce sont au total 32 femmes dont des veuves de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) qui y consacrent l’essentiel de leur journée dans ce site de production maraichère. Balkissa Bagagnan est l’une de ces braves dames.

Elle est mère de 6 enfants et également originaire du village de Yalga. Elle explique qu’à la suite de leur installation dans la commune de Gon-boussougou, il était nécessaire de trouver une activité génératrice de revenus, petite soit-elle, qui puisse l’occuper sainement. C’est ainsi, poursuit-elle, qu’elle rejoint le groupe de femmes dans la production maraichère. « Depuis que j’ai commencé à travailler, ici dans cette exploitation, j’arrive à avoir de quoi nourrir mes enfants.

A la récolte, on vend ce que nous produisons et on s’occupe de la nourriture dans nos ménages », affirme Balkissa Bagagnan, détendue. En effet, de son point de vue, le maraichage qu’elle pratique depuis deux ans a un apport dans l’amélioration des conditions de vie des femmes déplacées. La preuve, clame-t-elle, chacune d’entre elles peut se retrouver avec la somme de 25 000 F CFA à chaque vente des productions.

Et, d’appuyer que la saison écoulée, par exemple, sur une super-ficie de 0,25 ha, 600 kg d’oignons ont été récoltés et écoulés sur le marché local à hauteur de 270 000 F CFA. Pour ce qui est de la tomate, 40 caisses ont été obtenues et vendues à 880 000 F CFA. La vente de ces récoltes, à en croire madame Bagagnan, contribue un tant soit peu,

à leur autonomisation. « Notre activité est rentable parce qu’elle nous permet d’être à l’abri de certains besoins élémentaires. En plus, même si ce n’est pas en grande quantité, nos productions approvisionnent le marché local de Gon-boussougou », soutient fièrement, Balkissa Bagagnan.

Pour elle, c’est grâce à la bonne cohabitation avec la population hôte que l’activité de maraichage arrive à prospérer et surtout, insiste-t-elle, à la bonne volonté du donateur du site. C’est pourquoi, ces femmes PDI ne finissent pas de traduire leur reconnaissance à leurs hôtes, mais bien plus, aux autorités administratives pour les divers appuis de tout genre dont elles bénéficient, dans les activités de maraichage.

En effet, ces productrices, selon l’une d’elles, Awa Sawadogo, reçoivent l’encadrement régulier des techniciens chargés de l’agriculture de la commune. Elle relate que depuis le début de leurs travaux sur le site, les techniques culturales du maraichage leur ont été démontrées et des semences reçues des services d’agriculture. Ce qui, à l’entendre, a contribué à dynamiser leurs exploitations. « Seulement, c’est le manque parfois de l’eau du château qui entrave le bon fonctionnement de nos activités.

Sinon, ce travail de maraichage nous sauve énormément. Il nous permet non seulement de nous occuper, mais aussi de nous procurer aussi quelques revenus », souligne Awa Sawadogo. Les rendements des exploitations sont en effet appréciés par les services techniques d’agriculture qui accompagnent ces femmes dans leurs travaux maraichers. De l’avis du chef de zone d’appui technique en agriculture de la commune de Gon-boussougou, Youssouf Kindo, les politiques mises en place par le ministère de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques ont permis d’apporter un appui conséquent à la maraicher-culture des femmes PDI dans la localité.

En plus des encadrements qu’elles reçoivent, fait savoir M. Kindo, elles ont accès gratuitement aux semences et aux intrants. « Nous leur apportons les techniques nécessaires sur comment pratiquer la production maraîchère, comment faire les écartements, la mise en place des pépinières jusqu’au repiquage. On les a formées comme il se doit », révèle-t-il.

Et de se réjouir de l’engagement et de la détermination des femmes déplacées internes dans le périmètre maraicher, preuve de leur résilience face à leur situation actuelle, selon lui. Il fait observer que les fruits de leur labeur, en plus d’améliorer leurs conditions de vie tout en les autonomisant, participent également à l’atteinte de la sécurité alimentaire dans la localité. « Elles soutiennent beaucoup la population en produits marai-

chers. Et, le panier de la ménagère est bien garni parce ce qu’elles mettent assez de leur production sur le marché local », affirme Youssouf Kindo.

Par ailleurs, le technicien d’agriculture salue la très parfaite collaboration de la population de Gon-boussougou qui, de son point de vue, a favorisé la bonne intégration des PDI. « C’est cette collaboration qui a fait qu’elles ont obtenu le périmètre maraicher pour leurs activités », soutient-il, en les invitant à la persévérance, à plus de résilience pour relever les défis.

Pour le donateur du site, El hadj Yacouba Maré, il fallait trouver des voies et moyens pour venir en aide aux déplacées qui, fait-il savoir, se trouvaient dans une situation de précarité. M. Maré explique que suite à l’appel à la solidarité et au soutien des autorités, en faveur des déplacés, et du cri du cœur du chef du village de Gombo-Bourfou (première localité d’accueil des déplacées), il a personnellement décidé de mettre à leur disposition son périmètre maraicher d’une superficie d’un hectare et demi.

« Elles avaient vraiment des difficultés à se prendre en charge et même pour trouver de quoi manger. Et, l’une d’entre elles a perdu sa grossesse à cause de cette situation de précarité. Cela m’a vraiment touché. C’est pour cela que je leur ai donné une partie de mon périmètre », détaille M. Maré. Avant le début des travaux, ajoute-t-il, il a remis à toute l’équipe de production, une tonne de maïs et la somme de 350 000 F CFA pour leurs besoins nécessaires. Ainsi, pour lui, loin de lui l’intention de se jeter des fleurs, Yacouba Maré dit être satisfait de son œuvre et de l’exploitation maraichère des PDI.

Cela, relève-t-il, au vu des résultats sur les conditions de vie des dames et de leurs familles. « Elles parviennent à avoir quelque chose avec ce qu’elles font. Ce sont de braves femmes qu’ils convient de soutenir », estime-t-il. Son souhait est qu’elles puissent améliorer davantage leurs conditions de vie dans leurs ménages respectifs et être à même de relever les défis liés à l’effet de la crise sécuritaire. Le chef du village de Kiarmon, dont relève le site maraicher, Naaba Koanga, partage aussi cette volonté.

Par voie de conséquence, il réitère l’engagement de sa communauté à poursuivre dans sa dynamique, à travailler pour une bonne intégration des PDI dans sa localité. Se félicitant de la cohabitation en bonne intelligence entre PDI et population hôte, Naaba Koanga, cependant déplore, en termes de renforcement de la capacité de production, les soucis liés à l’insuffisance de l’eau du forage pour l’arrosage et au renforcement de l’encadrement technique. En effet, fait-il savoir, bien que le site dispose d’un château d’eau, « l’or bleu » se fait souvent rare, impactant négativement les cultures.

C’est pourquoi, il lance un appel aux autorités administratives locales pour que des solutions idoines soient trouvées diligemment. « Nous les avons reçus comme nos femmes, nos enfants. Ce que nous souhaitons, c’est qu’elles puissent vivre comme chez elles. C’est pourquoi, on doit continuer de les aider pour que leurs activités prospèrent », suggère le dignitaire coutumier. Cette situation, le Président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Gon-boussougou, Pangassu Gninkan, dit en être conscient.

C’est d’ailleurs dans ce sens, note-t-il, que les autorités communales effectuent des sorties de terrain sur les sites d’exploitations maraichères. Cela, dit-il, dans l’objectif d’encourager ces braves femmes dans leurs acti-vités. A entendre le PDS, des actions d’accompagnement sont développées en vue d’appuyer les efforts des PDI. Au titre des appuis aux productions maraichères, M. Gninka affirme qu’en collaboration avec le service départemental de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques, des intrants et des semences leur ont été remis.

« C’est une résilience salutaire qu’il faut accompagner d’autant plus que ce maraichage leur permet de s’auto-suffire et de se prendre en charge », laisse entendre le PDS. Afin de permettre aux femmes de dynamiser leur activité, il les exhorte à s’organiser en association ou en groupement. Toute chose, se convainc l’autorité communale, qui leur permettra d’être mieux accompa-gnées.

Du reste, en cette saison agricole débutante, rassure Pangassu Gninkan, des initiatives sont prévues pour renforcer cet accompagnement des femmes PDI, notamment celles qui font dans le maraichage, en matériels agricoles adéquats pour plus d’efficacité. Au-delà, il invite l’ensemble des PDI de la localité à plus de résilience, à avoir des initiatives innovantes pour surmonter leur situation actuelle. Par ailleurs, M. Gninkan traduit ses reconnaissances à la population de sa localité pour son hospitalité, sa solidarité envers les PDI qui, grâce aux activités diverses comme la maraicherculture, parviennent à améliorer leurs conditions de vie.

Soumaïla BONKOUNGOU
Un exemple d’intégration

La pratique de la culture du maraichage des femmes PDI de la commune de Gon-boussougou est bien appréciée par la population hôte. En plus du don, à titre gracieux, du périmètre maraicher par un fils de la localité, elles bénéficient également des appuis nécessaires de tous genres. Trouvant leur compte dans leurs activités, elles sont nombreuses à vouloir y résider permanemment parce que mieux intégrées. Le quotidien des PDI est perçu donc comme un exemple d’intégration réussie par les autorités locales. Toute chose qui est à l’actif des autorités du pays qui n’ont de cesse d’appeler à la cohésion, à la solidarité pour faire face à la crise sécuritaire et ses corollaires.

S.

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