Au Burkina Faso, une dizaine de militaires et de civils soupçonnés de préparer un coup d’Etat

Au Burkina Faso, une dizaine de militaires et de civils soupçonnés de préparer un coup d’Etat
Au Burkina Faso, une dizaine de militaires et de civils soupçonnés de préparer un coup d’Etat

Africa-Press – Burkina Faso. Le mystère demeure au Burkina Faso, depuis l’annonce, mardi 11 janvier, de l’arrestation de plusieurs militaires soupçonnés de préparer un « projet de déstabilisation des institutions de la République », selon le communiqué du parquet militaire, saisi « par dénonciation d’un membre de la bande ». Au cours de la semaine, la gendarmerie a procédé à de nouvelles arrestations.

Au total, quinze personnes ont été interpellées, « deux officiers, sept sous-officiers, un militaire du rang et cinq civils », a annoncé, jeudi 13, le ministre des armées, Aimé Barthélémy Simporé. Deux civils et un militaire ont été relaxés à l’issue des premières auditions et douze personnes sont toujours en détention préventive « pour les besoins de l’enquête », a ajouté le ministre, sans donner plus de précisions.

Le groupe de militaires préparait-il un putsch ? Les services de sécurité ont-ils préféré anticiper un projet de coup de force en gestation ? Rien ne filtre du côté des autorités burkinabées. « On laisse la justice faire son travail, aucune fuite ne doit compromettre l’enquête », dit une source au sein de la gendarmerie.

« Respecté et apprécié »

Au Burkina Faso, ces informations encore parcellaires n’ont guère surpris, tant les rumeurs de coup d’Etat sont persistantes depuis une série de manifestations contre les autorités, en novembre 2021. Une nouvelle marche est prévue le 22 janvier dans la capitale, Ouagadougou, alors que la population est excédée par l’aggravation des violences dans le pays. Depuis 2015, les attaques attribuées à des groupes armés djihadistes, affiliés à Al-Qaida et au groupe Etat islamique, ont fait plus de 2 000 morts et forcé 1,6 million de personnes à fuir leur foyer.

Des militaires arrêtés, seul un nom a filtré, celui du « plus haut gradé », le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, confirme une source sécuritaire. Agé d’une quarantaine d’années, il était le chef de corps du 12e régiment d’infanterie commando, basé à Ouahigouya, dans le nord du pays. L’officier supérieur avait été relevé de son poste en décembre et attendait d’être réaffecté, à la suite de l’attaque d’un détachement militaire à Inata, dans le Nord, mi-novembre. Ce massacre, le plus sanglant à ce jour contre l’armée, avait fait cinquante-sept morts officiellement.

Dans les rangs, le lieutenant-colonel Zoungrana était réputé pour être un combattant aguerri aux combats et un « homme de terrain », selon nos informations. « Il a défendu de nombreuses positions en première ligne, confie un militaire ayant effectué une mission avec lui dans le Nord. Il était respecté et apprécié par les soldats. » Une source proche affirme que l’officier n’hésitait pas à dénoncer les difficiles conditions de vie des troupes et prenait parfois des décisions, « sans l’aval de sa hiérarchie ».

Dans les casernes, la grogne ne cessait de monter depuis le drame d’Inata, qui avait mis au jour de graves dysfonctionnements dans le ravitaillement alimentaire et logistique des forces de sécurité déployées sur le terrain. Avant l’attaque, le chef du détachement avait lancé un appel à l’aide à sa hiérarchie, rapportant manquer de nourriture au point d’être obligé de chasser en attendant la relève.

Limogeages

Le 27 novembre, des milliers de personnes avaient manifesté dans plusieurs villes du pays pour dénoncer l’« incapacité » du pouvoir à endiguer les violences et pour exiger la démission du chef de l’Etat. Pour la première fois dans le pays, le gouvernement burkinabé avait suspendu l’accès à l’Internet mobile pendant huit jours, pour des « raisons de sécurité ».

En décembre, cinq leaders de la société civile ont été condamnés à des peines de six à douze mois de prison avec sursis pour « manifestation illégale ». Face à la colère populaire, le président, Roch Marc Christian Kaboré, a procédé à une série de limogeages au sein de l’armée et nommé un nouveau premier ministre.

Lundi après-midi, la veille des arrestations, la connexion Internet a de nouveau été suspendue pendant près de quinze heures, selon l’ONG NetBlocks, sans qu’aucune explication ne soit donnée par les autorités. « Nous demandons à l’opinion nationale de s’en tenir aux informations officielles et de se démarquer de tout ce qui circule dans la presse et sur les réseaux sociaux », a insisté le ministre des armées, jeudi.

En attendant les résultats de l’enquête, le flou persiste sur les motivations réelles du groupe de militaires arrêtés. « Etaient-ils frustrés, ont-ils voulu profiter d’une opportunité ?, s’interroge un analyste burkinabé, ou bien paient-ils les frais de rivalités entre responsables militaires ? »

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