Bruno Jaffré au sujet du procès Sankara : « L’absence de Salifou Diallo va se faire sentir »

Bruno Jaffré au sujet du procès Sankara : « L’absence de Salifou Diallo va se faire sentir »
Bruno Jaffré au sujet du procès Sankara : « L’absence de Salifou Diallo va se faire sentir »

Africa-PressBurkina Faso. A quelques jours de l’ouverture du procès Thomas Sankara et de ses douze compagnons d’infortune, nous avons rencontré Bruno Jaffré, historien de la Révolution burkinabè et auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire du Burkina. Considéré comme principal biographe de Thomas Sankara, dont il était l’ami, Bruno Jaffré a été, durant les 34 ans d’attente d’un procès, très actif aussi bien en production littéraire et qu’en termes de combat sur le terrain. Dans cette « ultime » interview avant l’ouverture du procès, il revient sur le dossier et ses contours.

: Vous qui avez consacré toute une partie de votre vie dans le combat pour que la lumière soit faite sur la mort de Thomas Sankara, comment avez-vous accueilli l’information de l’ouverture du procès ?

Bruno Jaffré :

J’ai bien sûr très bien accueilli cette nouvelle. Je sais que de nombreux Burkinabè ont du mal à y croire, tellement ils ont attendu. Malheureusement, les manœuvres engagées récemment par les avocats de Blaise Compaoré, la décision de boycott de leur part, semblent destiner à saboter le procès.

Lors d’une interview que vous nous accordiez en septembre 2016, vous avez déclaré que « le gouvernement actuel ne veut pas de justice pour Thomas Sankara ni de jugement pour Blaise Compaoré ». Quel commentaire faites-vous aujourd’hui de cette affirmation ?

Vous avez bien raison de me reprendre. C’était une erreur de ma part, je le reconnais…. Du moins, en partie. Il est bon que vous me questionniez sur cette phrase. Je suis bien sûr satisfait d’être démenti par les faits. A l’époque, nous avions très peu d’information sur l’avancement de l’enquête. Si la commission rogatoire et la demande de levée du secret-défense ont été lancées en mars 2016, l’information n’a été rendue publique qu’en octobre 2016, après notre interview.

Cette phrase faisait référence au fait que les principaux dirigeants du MPP, Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et Salifou Diallo, avaient tous été longtemps proches de Blaise Compaoré.

Effectivement, le gouvernement actuel ne semble pas avoir tenté de perturber l’enquête, mais nous ne savons pas s’il n’y a pas eu de pression. Quoiqu’il en soit, le juge François Yaméogo a, par la suite, fait preuve de son indépendance et de sa volonté d’aller au bout de son enquête.

Cela dit, puisque vous me posez la question, allons au fond des choses. Il n’y a eu aucun jugement sur les dignitaires du régime de Blaise Compaoré, les exactions et atteintes aux droits de l’homme comme de la corruption généralisée et les détournements de fonds. Certains sont revenus aux affaires. Peu sont inquiétés. Mon affirmation n’est donc pas non plus totalement inexacte.

La disparition de Salifou Diallo, qui a tenté de s’offrir une virginité de démocrate dans la dernière période, a évité bien des problèmes et des révélations, si tant est qu’il les aurait faites effectivement. On se rappelle que Salifou Diallo est cité dans le procès de Charles Taylor, qu’il est accusé par le syndicat étudiant d’être responsable de la mort de Dabo Boukary et que Valère Somé a publié des témoignages effroyables non-démentis sur la présence de Salifou Diallo lors de tortures à l’encontre de Mme Saran Sérémé qu’elle n’a pas démenties. Enfin, en ce qui concerne l’assassinat de Thomas Sankara, il était dans la maison de Blaise Compaoré d’où est parti le commando. Difficile pour moi de penser qu’il est totalement étranger à ce complot.

Excusez-moi, mais je profite de ces questions pour en poser une autre sur les insuffisances de la justice. Comment se fait-il qu’après les différents témoignages non-démentis de cas de tortures, aucune procédure judiciaire n’ait été engagée contre Jean-Pierre Palm par exemple, et que ce dernier ne soit jugé que pour l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons ?

Vous avez toujours été partagé entre productions littéraires sur Thomas Sankara et actions sur le terrain pour la vérité et la justice. Quels sont les moments phares que vous retenez de tout ce combat, de 87 à ce jour ?

Ma rencontre avec Thomas Sankara en juillet 1987 est à l’origine de tout le travail de recherche par lequel tout a commencé. C’est cette rencontre qui m’a poussé vers l’écriture d’ouvrages. Un travail long et difficile, mais tellement passionnant. Il s’est concrétisé d’abord par un travail de reconstitution de ce que fut la Révolution (publication en 1989 de l’ouvrage « Burkina Faso les années Sankara de la Révolution à la Rectification ») suivi des recherches sur sa biographie (publication en 1997 de « Biographie de Thomas Sankara, La Patrie ou la mort »… complétée par une nouvelle version augmentée en 2007), puis tout récemment, en 2017, par le recueil de discours commentés, intitulé « La Liberté contre le destin ».

Je retiens aussi le magnifique moment de l’anniversaire en 2007 de l’assassinat de Thomas Sankara à Ouagadougou. Les organisateurs étaient unis et l’engouement était fort, malgré les obstacles mis sur notre chemin par le pouvoir. Permettez-moi de citer les noms des plus actifs alors, car les jeunes ont oublié mais il est bon qu’ils sachent qui se mobilisaient à l’époque : Chériff Sy, Jonas Hien, Vincent Ouattara, Hubert Bazié, Bénéwendé Sankara, Hermann Traoré, Sams’K Le Jah… Il y a eu aussi d’autres. Il y avait aussi une Française, Françoise Gérard. Ce fut un moment extraordinaire qui a donné pour la première fois l’occasion au Burkina, en dehors des quelques manifestations sauvagement réprimées après son assassinat, d’exprimer son attachement à son président Thomas Sankara. Ce fut un moment extraordinaire. Une rubrique consacrée à cet évènement est disponible.

Nous avons aussi mené beaucoup d’actions via le réseau international « Justice pour Thomas Sankara, justice pour l’Afrique ». Je retiens les pétitions qui ont rassemblé plusieurs dizaines de milliers de signatures, des conférences de presse, dont deux à Ouagadougou, des rencontres à l’Assemblée nationale française, dont une en présence de Mariam Sankara, et de très nombreuses réunions publiques, notamment dans mon pays la France ; et aujourd’hui, nos nombreux communiqués de presse apportant de nombreuses informations.

Si le réseau a des représentants au Burkina, et pas seulement au sein du Balai citoyen qui a participé à sa création, il a été particulièrement actif avec des membres en Italie, en Allemagne, en Espagne, en Belgique et bien-sûr en France. Nous avons suscité un courrier de députés burkinabè, sous Blaise Compaoré, et un autre de membres du Conseil national de la transition qui nous ont permis de pousser des députés français à demander officiellement une enquête indépendante. Celle-ci n’a jamais été obtenu, mais ces actions ont permis que plusieurs députés français interpellent leur gouvernement plusieurs fois.

Quels ont été les risques auxquels vous étiez exposé dans cette détermination à la justice, quand on se réfère surtout aux personnes et puissances présumées impliquées dans l’assassinat ?

Ecoutez, je ne sais pas si j’ai pris des risques. Mais, je n’ai jamais cessé de venir au Burkina, tout au long du régime de Blaise Compaoré, rencontrant les compagnons de Thomas Sankara. Je ne me rappelle pas d’avoir vraiment ressenti la peur. Je connais tellement de monde dans votre pays que je me sentais comme protégé. Je pense tout simplement que pour le gouvernement d’alors, il ne fallait pas attirer l’attention. Je me gardais aussi des provocations gratuites. Je ne venais pas pour faire des scandales, mais pour travailler et il fallait que mes séjours soient fructueux. Il m’est arrivé aussi d’écrire des articles sous un pseudonyme. Et le gouvernement cherchait à se parer d’un vernis démocratique, notamment aux yeux de la France …

L’absence d’acteurs-clés, notamment Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando, ne va-t-elle pas occulter une partie de la vérité autour du dossier ?

La vérité serait-elle venue de ce qu’ils auraient déclaré ? J’en doute fort. Mais nous aurions au moins leur parole. Vous allez voir que les avocats des accusés, en tout cas ceux qui ne boycotteront pas le procès, vont reprendre la thèse éculée et clairement remise en cause par l’instruction, selon laquelle l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons était un accident. Que Hyacinthe Kafando voulait simplement les arrêter et qu’il en a pris seul l’initiative. Et que Thomas Sankara voulait, lui-même, arrêter Blaise Compaoré le soir du 15 octobre. La vérité viendra de l’instruction qui sera épluchée et des différents témoins qui vont être cités.

L’opinion n’est-elle déjà pas toute faite sur les coupables avant jugement ? Que pourrait-il se passer, si les personnes indexées comme présumées coupables venaient à être blanchies, relaxées ?

Mais c’est déjà arrivé, puisque par exemple Gabriel Tamini, préalablement accusé, a été enlevé de la liste des accusés après la confirmation des charges. Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’y ait pas d’autres civils, car il y a bien en tout cas un complot politique à partir de l’été 1987 pour isoler Thomas Sankara. Ici, l’absence de Salifou Diallo va se faire sentir. Si des personnes sont blanchies à l’issue du procès, je ne sais pas si ça sera le cas, il y a des procédures judiciaires pour contester le jugement.

En quoi ce procès Sankara et compagnons peut-il être une leçon pour le Burkina et pour l’Afrique ?

Une belle leçon, oui ! Tout cela est le résultat de cette magnifique insurrection et la transition qui a suivi, sur lesquelles j’ai consacré mon dernier ouvrage (L’insurrection inachevée Burkina Faso, 2014). La Transition a produit des avancées importantes dans le sens de la démocratie et des réformes. Bien-sûr, il reste beaucoup à faire. Mais la lutte contre le terrorisme qui meurtrit votre pays est aujourd’hui la priorité et bloque toute avancée.

Je ne vais pas revenir sur les insuffisances de la justice dans votre pays. Mais de ce que je sais sur ce qui s’est passé lors de l’enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons, la procédure judiciaire apparaît plutôt exemplaire. Et l’afflux de journalistes attendu sera aux yeux du monde une belle démonstration qu’en Afrique et au Burkina Faso, on est capable de rendre justice. Mais redisons-le, encore, tout cela n’a été possible que par la mobilisation du peuple burkinabè.

Cela dit, j’avoue ma colère et mon dégoût suite aux déclarations scandaleuses et indignes des avocats de François Compaoré envers le Burkina et sa justice, contre lesquels je me suis publiquement élevé dans mon blog sur Mediapart. Elles dénotent le mépris dont ces gens-là font preuve envers votre pays. Pierre Olivier a par exemple affirmé que si François Compaoré était extradé, il serait découpé en rondelles ! Quelle honte !

Et voilà qu’ils décident de boycotter le procès avançant même sans aucun scrupule, des mensonges éhontés comme par exemple qu’il n’y aurait pas de mandat d’arrêt contre Blaise Compaoré. C’est un argument assez fourbe, car l’annulation du mandat international concernait le procès du putsch. Il joue sur la confusion. J’ai fait une recherche sur Google par exemple et rien n’est clair. Alors que les avocats vous le confirmeront. Le mandat d’arrêt international contre Blaise Compaoré pour l’assassinat de Thomas Sankara et de ses compagnons n’a jamais été annulé. Une demande d’extradition a même été lancée en mars 2018 ainsi que contre Hyacinthe Kafando.

Des organisations de la société civile souhaitent que l’audience de jugement soit publique, retransmise sur les ondes radiophoniques. Partagez-vous une telle idée ?

Elles ont parfaitement raison, Et c’est aussi mon souhait. Ce procès a été tellement attendu que les Burkinabè ont bien-sûr envie de la suivre en direct. Mais ce n‘est pas tout. Ce procès doit aussi être filmé, comme le procès de Nuremberg contre les Nazis après la deuxième Guerre mondiale. Il faut que ce procès soit archivé pour être versé dans les archives et être disponibles pour les historiens.

En octobre 2019, vous avez publié un livre intitulé « L’insurrection inachevée ». Vous dites que « la Transition terminée, le pays est vite retombé dans les mauvaises habitudes ». Partant de votre affirmation, peut-on espérer une justice objective, lorsqu’on sait effectivement que ces mauvaises habitudes peuvent cacher tant de pratiques nuisibles à la manifestation de la vérité ?

Vous allez voir par exemple que les avocats des accusés vont tout faire pour tenter de saboter le procès ; ça a déjà commencé avant même l’ouverture du procès. Mais pour ce qui est du dossier judiciaire, j’ai été plusieurs fois auditionné par le juge François Yaméogo et j’en ai retiré le sentiment que c’était quelqu’un de particulièrement sérieux, honnête et rigoureux. A-t-il subi des pressions ? C’est possible. On a vu qu’il a refusé de clore le dossier sur le volet international, faute d’éléments suffisants. Cette décision a permis que le procès puisse s’ouvrir et que l’instruction se poursuive sur le complot international. Les Burkinabè, dans leur ensemble, faisaient pression pour que le procès s’ouvre vite. Il est possible aussi le gouvernement ait fait pression pour ne pas retarder le procès, du fait qu’il veut lancer la « réconciliation » après avoir sans doute compris qu’elle était impossible sans la justice.

Peut-on faire la lumière autour de ce dossier sans faire passer au prétoire les dirigeants actuels, eux qui ont constitué et accompagné le pouvoir issu de ce drame du 15 octobre 87 ?

Le plus impliqué à l’époque était Salifou Diallo qui est décédé. Mais je pense que vous avez raison. Il n’y a aucun civil parmi les accusés. Mais, il y a beaucoup d’anciens partisans de Blaise Compaoré, vivants, qui ont participé à la fronde contre Thomas Sankara, fin 1987, qu’il serait bon d’interroger durant le procès. La jeunesse burkinabè est avide d’histoire. Ce pourrait être l’occasion de l’instruire, mais aussi de rappeler les itinéraires de certains hommes politiques. Si ce n’est pas abordé durant le procès, la presse burkinabè peut s’en charger. Des gens comme moi, d’un âge avancé, connaissent le trajet tout à fait opportuniste de nombreux d’entre eux, mais les jeunes pas du tout.

Vous qui avez refusé de soutenir le projet de Mémorial Thomas Sankara, du fait que l’implication du gouvernement peut saper la marche du dossier vers la vérité, votre position a-t-elle évolué avec l’ouverture effective du procès ?

Effectivement, je reconnais mon erreur à l’époque sur ce sujet en particulier, puisque la justice va parler. Mais sur le Mémorial, je continue à penser que la méthode qui a prévalu à l’époque n’était pas la bonne. Le Mémorial reste trop proche et dépendant du pouvoir et il s’en rapproche encore plus. Alors que ce devrait être un lieu de rencontre et d’échanges qui donne de l’écho à toutes les luttes au niveau international pour la libération des peuples et contre l’impérialisme, un lieu qui fasse vivre la solidarité internationale.

Je vois arriver dans l’équipe du Mémorial d’autres compagnons de Thomas Sankara qui vont, j’espère, en améliorer le positionnement. Il y a des gens avec qui j’échange régulièrement, dont je respecte la sincérité. Quelques-uns, très jeunes, préfèrent m’insulter ou me salir, espérant me faire taire pour éviter les critiques. Peine perdue. Ils ne savent pas à qui ils ont affaire.

Pour ce qui est d’honorer la mémoire de Thomas Sankara et du travail pour le faire connaître, il y a mes ouvrages et le site thomassankara.net, créé au départ par un Burkinabè. Nous comptons aujourd’hui beaucoup de Burkinabè dans l’équipe, mais aussi issus d’autres pays. Nous cherchons d’ailleurs de jeunes journalistes débutants, mais tout est bénévole. Ils pourront venir se faire la main avant de trouver un emploi.

Nous continuons à découvrir de nouveaux discours de Thomas Sankara, que nous mettons en ligne, mais recherchons aussi les discours en langue nationale de Thomas Sankara. Ce site est la référence pour connaître Thomas Sankara et la Révolution burkinabè, un mémorial virtuel en quelque sorte. Ce site existe depuis 2006 ! Nous mettons en ligne un article tous les cinq jours et nous approchons les 2 000 articles. Il convient d’organiser ma relève comme animateur.

Les déclarations récentes du comité du Mémorial laissent entrevoir les difficultés auxquelles le Mémorial est confronté. La guerre qui sévit au Burkina ne permet pas au gouvernement de le financer et les fonds vont donc être difficiles à rassembler. Et le projet choisi est trop ambitieux et coûteux. Je sais que certains réfléchissent à un projet moins coûteux.

La France a levé le secret-défense sur une partie des archives concernant l’affaire. Elle a même transmis au Burkina des lots de documents. N’est-ce pas une façon pour cette puissance, que vous n’avez de cesse d’indexer d’être complice dans l’assassinat, de montrer patte blanche ?

Non, la France n’a pas levé le secret-défense. Je me préoccupe de la politique française, parce que je suis Français. C’est de mon devoir en tant que citoyen français. Il y a peut-être quelques documents secret-défense fournis, mais ils n’ont pas permis d’avancer dans l’enquête. J’ai maintes fois dit que la France n’ouvrait que très rarement, voire jamais. Je vous rappelle que la promesse d’Emmanuel Macron était claire : « Déclassifier tous les documents secret-défense et les fournir à la justice burkinabè ».

Nous avons fait intervenir plusieurs députés et allons continuer à le faire. Les documents transmis, dont une partie a été dévoilée, ne permettent pas d’avancer. La preuve en est que la présence de Français pour effacer les écoutes téléphoniques prouvant que Blaise Comparé et Jean-Pierre Palm préparaient un complot, ne vient pas des documents fournis par la France, mais bien de témoignages recueillis au Burkina.

Et je le redis ici. Cet épisode est la première preuve formelle de l’implication de Français dans le complot. Car, effacer les preuves d’un complot, c’est être complice d’un complot.

Ces nouveaux éléments devraient permettre la demande d’une nouvelle commission rogatoire pour poursuivre l’enquête, si la précédente s’est arrêtée. J’espère que c’est possible. Mais ce qui est sûr, une coopération sincère de la France devrait se manifester par le fait que les autorités françaises fournissent l’identité de ces personnes. Et qui les a envoyés et leur a donné l’ordre de « nettoyer » les preuves du complot. Ces éléments ne peuvent être précisés que si une enquête s’ouvre de nouveau en France.

L’affaire Sankara fait partie d’un ensemble de dossiers que vous suivez à travers le continent : affaire Borrel, assassinat des journalistes Claude Verlon et Ghislaine Dupont, accès aux archives sur le génocide des Tutsis au Rwanda, massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye en 1945, massacre de Sétif en 1945, massacre lors de la manifestation du FLN (Front de libération nationale) à Paris, assassinat de Mehdi Ben Barka, assassinat de Maurice Audin, militant communiste mort sous la torture en Algérie. Quel intérêt avez-vous à tant lutter pour la justice sur ces affaires ?

Alors, je vais vous apprendre une chose non-dénuée d’importance. C’est l’affaire Sankara et ses compagnons qui est à l’origine de la création du collectif secret-défense en France. L’idée, avec quelques personnes, nous est venue lorsque le juge François Yaméogo a demandé la levée du secret-défense. J’ai découvert combien ces fameux secrets empêchaient de découvrir la vérité sur des « accidents » ou des assassinats. Et ça ne concerne pas que des cas africains. Il y a par exemple le cas d’un immeuble qui s’est écroulé, « la maison des têtes à Toulon », avec un fort soupçon que ça vienne d’un missile militaire. Il y aussi le bateau de pêche Bugaled Breizh qui a fait la Une de l’actualité en France qui a coulé au fond. Cette fois, on soupçonne que ce soit un sous-marin militaire qui l’aurait entraîné. On a commencé avec sept affaires, on doit en être à une vingtaine.

D’où me vient tout ça ? Mes parents étaient des militants du parti communiste en France. Ils m’ont éduqué politiquement. Mon père a été arrêté en Algérie pour des actes anti-colonialistes, puis expulsé avec ma mère. Ils ont dû subir une affectation punitive en France, J’ai commencé à militer aux jeunes communistes très jeunes, puis je suis rapidement entré au parti communiste que j’ai quitté en réalité en 1986, car je trouvais que ce parti ne soutenait pas suffisamment la révolution burkinabè. Dois-je rappeler aux jeunes que tous les révolutionnaires aux côtés de Thomas Sankara se disaient tous communistes ? On a un peu tendance à l’oublier au Burkina.

Mais je le répète encore une fois, mon intérêt pour le Burkina et la Révolution a été déclenché lors de l’unique rencontre que j’ai eue avec Thomas Sankara en juillet 1987, alors que j’étais envoyé par un hebdomadaire du parti communiste. Cette rencontre a, en quelque sorte, donné un sens à ma vie… Mais l’heure de la relève a sonné… Interview réalisée en ligne par Oumar L. Ouédraogo

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