Burkina Faso : le chef de la junte refuse de quitter le pouvoir, Paris condamne les violences contre son ambassade

Burkina Faso : le chef de la junte refuse de quitter le pouvoir, Paris condamne les violences contre son ambassade
Burkina Faso : le chef de la junte refuse de quitter le pouvoir, Paris condamne les violences contre son ambassade

Africa-Press – Burkina Faso. La confusion règne au Burkina Faso. Démis de ses fonctions par un groupe de militaires lors d’une annonce télévisée vendredi 30 septembre, le chef de la junte, Paul-Henri Sandaogo Damiba, a fait savoir samedi, par un texte publié sur la page Facebook officielle de la présidence, qu’il n’avait pas abdiqué. Il appelle les putschistes « à revenir à la raison pour éviter une guerre fratricide dont le Burkina Faso n’a pas besoin dans ce contexte ». C’est la première communication officielle signée de M. Damiba depuis vendredi.

« Je démens formellement m’être réfugié dans la base française de Kamboinsin. Ce n’est qu’une intoxication pour manipuler l’opinion », a-t-il également ajouté, répondant aux accusations des putschistes. Plus tôt dans la journée, dans une intervention à la télévision nationale, ils avaient affirmé que M. Damiba « planifiait une contre-offensive » depuis une « base française » près de Ouagadougou. Paris avait rapidement démenti. « Le camp où se trouvent nos forces françaises n’a jamais accueilli Paul-Henri Sandaogo Damiba, pas davantage que notre ambassade », a précisé le ministère des affaires étrangères français. Pour l’heure, le sort et la localisation de M. Damiba restent inconnus.

De son côté, l’armée burkinabée a publié samedi un communiqué dans lequel elle affirme ne pas reconnaître le coup d’Etat de la veille. Dans sa première réaction depuis vendredi soir, l’état-major général des armées a reconnu traverser « une crise interne », mais a déclaré que les « concertations » se poursuivaient. « Quelques unités ont pris le contrôle de certaines artères de la ville de Ouagadougou, demandant une déclaration de départ du lieutenant-colonel Damiba », ajoute le communiqué, qui précise que cette tension « ne représente pas la position de l’institution ».

Paris dément aider Damiba et condamne les violences

En fin d’après-midi, deux institutions françaises ont été prises pour cible par des manifestants : un incendie s’est déclaré devant l’ambassade de France à Ouagadougou, a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP), et un autre devant l’Institut français à Bobo-Dioulasso, selon des témoins dans cette ville de l’ouest du pays. Des violences condamnées par la France, qui a assuré que « la sécurité de [ses] compatriotes » était une « priorité ».

Ces attaques « sont le fait de manifestants hostiles, manipulés par une campagne de désinformation à notre encontre », a déclaré la porte-parole du ministère des affaires étrangères, Anne-Claire Legendre, en « appelant les parties prenantes à assurer la sécurité » des bâtiments diplomatiques. Le calme était revenu en début de soirée dans les rues de la capitale mais tard samedi soir, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés près de la base militaire de Ouagadougou pour soutenir les putschistes, selon un correspondant de l’AFP.

Vendredi, quelques heures avant le coup d’Etat, plusieurs centaines de personnes avaient manifesté dans la capitale pour réclamer le départ de M. Damiba, mais aussi la fin de la présence militaire française au Sahel et une coopération militaire avec la Russie. Dans leur déclaration de samedi après-midi, signée du capitaine Ibrahim Traoré, autoproclamé nouveau chef de la junte vendredi soir, les putschistes mentionnent leur « ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à aider dans la lutte contre le terrorisme ». L’influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone ces dernières années, et il n’est pas rare de voir des drapeaux russes dans de telles manifestations.

Crainte d’affrontements Après une nuit et une matinée calmes, la situation s’était de nouveau tendue dans Ouagadougou à la mi-journée, à la suite de tirs et des déploiements de militaires dans les rues, laissant craindre des affrontements entre les partisans de M. Damiba et les nouveaux putschistes. Les principaux axes de la ville étaient bloqués, notamment le quartier de Ouaga 2000, qui abrite la présidence. Des hélicoptères survolaient à faible altitude le centre-ville, selon un journaliste de l’AFP.

Vendredi soir, des soldats étaient intervenus à la télévision nationale pour annoncer qu’ils démettaient de ses fonctions M. Damiba. Ils ont annoncé la fermeture des frontières, la suspension de la Constitution et la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée législative de transition. Un couvre-feu a également été mis en place de 21 heures à 5 heures, heure locale.

Le nouveau chef autoproclamé de la junte, le capitaine Traoré, était jusqu’à présent le chef de corps du régiment d’artillerie de Kaya, dans le nord du pays, particulièrement touché par les attaques djihadistes. Selon plusieurs sources sécuritaires, ce coup de force révèle de profonds désaccords au sein de l’armée, l’unité d’élite des « Cobras » déployée dans la lutte antidjihadiste ayant notamment reproché à M. Damiba de ne pas mobiliser toutes les forces sur le terrain. Condamnations internationales

La communauté internationale a condamné cette nouvelle tentative de coup d’Etat. Samedi, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a « fermement » dénoncé dans un communiqué « toute tentative de prise de pouvoir par la force des armes ». L’Union africaine (UA) a, elle, fustigé un « changement anticonstitutionnel de gouvernement », et l’Union européenne (UE) a estimé que cela mettait « en danger les efforts engagés depuis plusieurs mois » pour la transition.

Les Etats-Unis sont « profondément préoccupés » par la situation au Burkina Faso, a affirmé, de son côté, le porte-parole de la diplomatie américaine dans un communiqué. « Nous exhortons les responsables à désamorcer la situation, à prévenir tout préjudice aux citoyens et aux soldats, et à revenir à l’ordre constitutionnel », a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Ned Price, précisant que les Etats-Unis « suivaient la situation de près ».

Dès vendredi soir, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avait « condamné avec la plus grande fermeté » un coup de force jugé « inopportun au moment où des progrès ont été réalisés pour un retour à l’ordre constitutionnel au plus tard le 1er juillet 2024 ». Pour l’heure, les nouveaux putschistes n’ont pas dit s’ils comptaient respecter ce calendrier de transition.

M. Damiba était arrivé au pouvoir en janvier par un coup d’Etat, qui avait renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, discrédité par la hausse des violences djihadistes. Mais ces derniers mois, des attaques frappant des dizaines de civils et de soldats se sont multipliées dans le Nord et l’Est, où des villes sont désormais soumises à un blocus des djihadistes.

Depuis 2015, les attaques récurrentes de mouvements armés affiliés à Al-Qaida et au groupe Etat islamique ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque 2 millions de personnes. Avec les deux putschs au Mali en août 2020 et mai 2021 et celui en Guinée en septembre 2021, c’est le cinquième coup d’Etat en Afrique de l’Ouest depuis 2020.

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