Lionel Bilgo : “Au Burkina Faso, la scène politique est devenue une chambre secrète des affaires…”

Lionel Bilgo : “Au Burkina Faso, la scène politique est devenue une chambre secrète des affaires…”
Lionel Bilgo : “Au Burkina Faso, la scène politique est devenue une chambre secrète des affaires…”

Africa-PressBurkina Faso. Notre pays n’applique pas de politique volontaire en matière de préférence nationale. Là où d’autres États choisissent de favoriser les acteurs économiques locaux, s’engagent activement dans la protection de l’industrie et du savoir-faire local, le Burkina Faso choisit systématiquement de les jeter en pâture à la concurrence déloyale de la jungle du commerce international. Tandis que certains pays comme la Turquie, la Tunisie, et d’une manière voilée le Bénin et le Togo, vont jusqu’à imposer que tout investisseur étranger ait un partenaire local pour s’implanter, le Burkina Faso déchire en lambeaux son patrimoine et ses atouts au lieu de capitaliser dessus…

L’ampleur du chantier à mettre en œuvre pour rendre à notre pays une économie propre, dans tous les sens du terme, est colossale. Mais elle ne doit pas nous faire peur. Bien au contraire, elle doit nous stimuler.

Nous devons créer un écosystème et un bassin d’opérateurs économiques fiables et qui soient non seulement capables d’absorber la main-d’œuvre inscrite au chômage de longue durée, mais aussi de sédentariser le capital. Dans cette dynamique, la jeunesse du pays est un atout précieux pour faire sortir notre économie de son caractère primitif. Avec presque vingt millions d’habitants, nous disposons forcément d’un socle d’entrepreneurs fiables et non inféodés à la météo politique.

La fabrique de l’entrepreneur burkinabè doit se faire sur la base des compétences de ceux et celles qui portent le germe d’entreprendre, sans intervention politique déplacée. Le politique a trop souvent pollué le secteur économique en s’y immisçant de manière sauvage. À chaque changement de gouvernement, c’est une prolifération de création d’entreprises, souvent portées par des amis ou des membres de familles de politiciens. Les problèmes surviennent quand ces néo-entreprises, sans aucune expérience, raflent des marchés publics qu’elles exécutent mal, et de surcroit au détriment d’entrepreneurs porteurs d’un savoir-faire, d’un véritable esprit d’entreprendre et d’un plan de développement socialement bénéfique.

Double punition là encore pour notre économie et notre développement. La dépolitisation des programmes de soutien à l’entrepreneuriat est donc une nécessité pour que l’ascenseur social fonctionne normalement.

Mon propos ici peut paraître utopique, mais convenez avec moi qu’une forte politisation du secteur économique ne peut qu’engendrer des instabilités. Car le secteur économique ne se bonifie que dans un environnement stable et, pour cela, il est primordial que les aléas de la vie politique n’impactent que le moins possible la marche lente de son renouveau.

Il n’est pas sain de réunir tous les pouvoirs dans de mêmes mains, on ne peut être juge et partie, c’est la base de toute démocratie. Or, au Burkina Faso, beaucoup d’acteurs politiques sont avant tout des hommes d’affaires, et la scène politique est devenue une chambre secrète des affaires où règne la confusion entre l’intérêt de l’entrepreneuriat au service de l’économie de la nation et celui des décideurs politiques.

Comment, dans un tel contexte, peut-on défendre clairement et efficacement les intérêts des masses face aux agissements non conformes de certaines entreprises ? Il manque à notre pays des hommes d’État qui mettent leur énergie à servir le pays tout entier.

Des hommes et des femmes qui, par leurs compétences et leurs engagements au service de la nation, accompagnent et soutiennent ceux qui, de leur côté, s’engagent dans une démarche de développement social et économique au profit de l’ensemble du Burkina Faso. Sans autre confusion dans les rôles et la place de chacun…

“Ne nous laissons pas impressionner par l’ampleur du projet à mener”

Regardons vers l’horizon : ce constat commun partagé, qui nous redonne espoir en l’avenir, c’est la première pierre de l’action qu’il faut mener. Ne nous laissons pas impressionner par l’ampleur du projet à mener, une pierre après l’autre, aucun édifice n’est impossible à bâtir si nous y croyons et si nous travaillons ensemble. Car c’est ensemble qu’il nous faut imaginer et construire le Burkina Faso de demain, en nous appuyant sur les fondations de celui d’hier.

Porté par une ressource humaine vaillante et empreinte d’exemplarité, de légitimité et de leadership, chacune et chacun doit se sentir responsable et en devoir d’agir pour servir notre pays.

Chaque génération doit pouvoir jouer sa partition, car chacune d’elle à la responsabilité et l’ultime devoir de transmettre un Burkina de paix et de prospérité aux générations futures.

Nous ne devons pas trahir nos aïeux qui, comme des lions, se sont battus face au désir sans cesse répété de l’administration coloniale de démembrer notre pays en l’assujettissant par morceaux à d’autres pays. Leur force et leur volonté sont encore en nous. En leur mémoire et pour l’avenir de nos enfants, faisons vivre leurs rêves et redonnons à notre pays la place qu’il mérite.

 

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