10 à 15 ans de moratoire : la proposition de scientifiques sur l’exploitation minière des abysses sera-t-elle entendue ?

10 à 15 ans de moratoire : la proposition de scientifiques sur l'exploitation minière des abysses sera-t-elle entendue ?
10 à 15 ans de moratoire : la proposition de scientifiques sur l'exploitation minière des abysses sera-t-elle entendue ?

Africa-Press – Burkina Faso. Toutes les décisions politiques nationales et internationales qui pourraient avoir un impact et des répercussions sur la protection de l’océan et sa biodiversité doivent être fondées sur la science ». La phrase clôt l’appel signé par une centaine de parlementaires français et publié sur notre site par Sciences et Avenir le 26 mars dernier. Des mots forcément d’actualité alors que les conclusions du rapport commandé par Emmanuel Macron sur l’exploitation minière des grands fonds marins (le « Deep sea mining ») étaient révélées hier, 31 mars, à l’occasion de la journée « SOS Océan ». Un point clé de ce document révélé par l’IPOS*, une plateforme pour reconnecter connaissance et décision, est la proposition d’un moratoire d’au moins 10 à 15 ans sur l’exploitation minière en eaux profondes.

La quête des métaux nécessaires à la transition énergétique

Le président de la République avait, en octobre 2023, sollicité le naturaliste et biologiste Bruno David, ancien président du Muséum national d’Histoire naturelle, et Françoise Gaill, ancienne directrice de l’Institut Ecologie et Environnement du CNRS et co-créatrice de l’IPOS, pour conduire les consultations scientifiques ayant permis la réalisation de ce rapport sur l’exploitation minière, alimenté par les contributions des 18 membres d’un comité scientifique représentatif de la recherche internationale. Leur rapport remet l’accent sur les risques qu’il y aurait à aller miner les abysses.

Au-delà de 1000 mètres de fond, et alors que la profondeur moyenne de l’océan est de 3800 mètres, les abysses sont un milieu difficile d’accès pour ne pas dire franchement hostile, ce qui explique qu’ils soient encore largement inconnus. « Nous avons étudié visuellement et exploré scientifiquement moins de 1 % des abysses, et nous ne disposons que de cartes haute résolution d’environ 25 % du plancher océanique mondial », écrivent les experts. Alors pourquoi faudrait-il y aller ? Parce qu’il est établi que certains fonds marins recèlent de métaux critiques (cobalt, cuivre, manganèse, nickel, terres rares) utilisés dans les technologies vertes (batteries, véhicules électriques) et la transition énergétique. Les partisans de leur exploitation avancent aussi des arguments de sécurité géopolitique, pour diversifier l’approvisionnement et réduire la dépendance à l’égard d’autres pays, notamment la Chine.

Miner les abysses, jouer aux apprentis sorciers

Mais ce serait jouer aux apprentis sorciers, ainsi que le rappellent les scientifiques. Le rapport commandé par Emmanuel Macron explique que les impacts attendus à l’exploitation minière des abysses seraient irréversibles et globaux. Les experts évoquent la destruction d’habitats uniques, la perte de biodiversité encore inconnue, l’altération des fonctions écologiques essentielles (stockage de carbone, cycle des nutriments), et perturbations des écosystèmes liés (via les « plumes de sédiments », ces panaches libérés dans la colonne d’eau par le forage du plancher océanique, mais aussi la génération de bruit, l’émission de métaux lourds, et la perturbation des routes migratoires des animaux marins). L’exploitation minière en eaux profondes serait comme un « saut dans l’inconnu » et la proposition de moratoire permettrait de se donner le temps d’en mesurer les effets.

Serait-il même vraiment intéressant d’aller miner les abysses… d’un point de vue économique ? Cité dans le rapport, Sandor Mulsow, professeur titulaire de géologie marine à l’Université australe du Chili, met en exergue le fait que, selon les récentes projections, « l’exploitation minière des fonds marins ne pourrait couvrir que moins de 3 % de la demande mondiale projetée en nickel », par exemple: contrairement à ce que l’on pensait en 2010 l’exploitation des abysses n’est pas rentable aujourd’hui (voir aussi l’encadré « Décalé »). Il n’empêche que les tenants de cette industrie poussent pour que l’organisation internationale AIFM (Autorité internationale des fonds marins) publie le code minier qui dira à quelles conditions et selon quelles règles l’exploitation minières des abysses sera rendu possible. Cette « règle du jeu » pourrait être révélée à l’été 2025.

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