Africa-Press – Burkina Faso. Le nouveau jeu de données scientifiques de la mission européenne Euclid rendu public ce 19 mars 2025 offre un spectaculaire aperçu des très grandes capacités du télescope spatial. Depuis sa mise en service le 14 février 2024, il a observé trois régions du ciel qui couvrent 63 degrés carrés – une superficie équivalant à plus de 300 fois celle de la Lune – fournissant ainsi trois premières mosaïques d’images. Si ces données ne représentent que 0,45% des observations prévues pour les prochaines années, puisqu’Euclid doit scruter environ un tiers de la voûte céleste, soit 14.000 degrés carrés, leur analyse est déjà à l’origine d’une série de 27 articles d’astrophysique et 7 autres publications techniques liées au traitement de ces données.
Chaque champ profond sera observé entre 30 et 52 fois
Le consortium Euclid, dans lequel sont impliquées quelque 2600 personnes d’une vingtaine de nationalités, a ainsi identifié les trois régions où seront réalisées ses observations les plus approfondies – les « champs profonds » qui doivent permettre de mesurer l’influence de l’énergie noire au cours de l’évolution de l’Univers, le sujet principal de la mission. Dès ce premier passage sur chaque zone, Euclid a tout de même déjà recensé 26 millions de galaxies, dont les plus lointaines évoluent à 10,5 milliards d’années-lumière, et une poignée de quasars situés à des distances encore plus grandes. Pendant les six ans que doit durer la mission, chaque champ profond sera observé entre 30 et 52 fois, révélant toujours plus de galaxies distantes.
Euclid dispose d’instruments d’imagerie à haute résolution dans le visible (VIS) et dans le proche infrarouge (NISP) qui enregistrent pour le premier la variété des formes et la distribution spatiale de milliards de galaxies, tandis que le second mesure leurs distances et leurs masses. Ces capacités, appliquées déjà sur des centaines de milliers de galaxies, révèlent l’organisation à grande échelle de ces objets dans les filaments de matière ordinaire et de matière noire qui composent la toile cosmique. C’est seulement à l’échelle de cette structure complexe et à la fin du relevé complet d’Euclid que l’on peut espérer comprendre ce que sont les mystérieuses matière noire et énergie noire, qui représentent environ 95 % du cosmos.
Des milliers de « petits points rouges » mystérieux
Au nombre des diverses découvertes égrenées dans ces articles, l’étude menée par Céline Gouin, de l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP), montre que plus un amas de galaxies est massif, plus il est connecté à des filaments de la toile cosmique, une connexion qui influence la morphologie de ses galaxies, puisqu’on y trouve plus de galaxies elliptiques. De leur côté, l’équipe dirigée par Clotilde Laigle, astronome à l’IAP, a montré que « les galaxies les plus anciennes, elliptiques, sont observées plus près des cœurs des filaments cosmiques que les galaxies à disques, et par conséquent sont davantage sujettes aux interactions, qui peuvent être à l’origine de leur transformation morphologique », déclarent Clotilde Laigle dans un communiqué diffusé par le consortium. Les elliptiques sont également plus alignées avec la direction de leur filament, ce qui va dans le sens d’autres mesures observationnelles à des âges de l’Univers plus récents. »
Les chercheurs ont aussi pu identifier des milliers de nouveaux « petits points rouges ». Découverts il y a seulement trois ans par le télescope James Webb de la Nasa, ces objets de l’Univers primitif sont à ce stade des mystères.
Euclid devrait identifier près de 100.000 lentilles gravitationnelles
L’intelligence artificielle (IA) et les sciences participatives ont par ailleurs été associées ces derniers mois en vue de dresser un catalogue classifiant plus de 380.000 galaxies et 500 candidats lentilles gravitationnelles presque totalement inédites. Jusque-là, nous ne connaissions qu’environ 150 exemples de ce phénomène optique, qui permet de déceler la présence de matière noire ou de galaxies invisibles entre la source de lumière lointaine et celle qui la défléchit à l’avant-plan, selon les lois de la relativité générale d’Einstein. À terme, Euclid devrait identifier près de 100.000 lentilles gravitationnelles !
Pendant six ans, Euclid va produire chaque jour quelque 100 gigaoctets de données. Un volume colossal qui ne pourra être traité qu’à l’aide d’algorithmes d’intelligence artificielle, entraînés par des milliers d’humains. Pour cela, deux campagnes de sciences participatives ont été initiées en 2024 sur la plateforme Zooniverse: les participants doivent aider les algorithmes à distinguer les différentes morphologies des galaxies et à repérer les lentilles gravitationnelles. Plusieurs centaines de milliers de classifications plus tard, ces IA sont plus efficaces et désormais déployées dans la chaîne de traitement des données d’Euclid.
Ces premières publications portant sur des domaines annexes au cœur de la mission Euclid – dédiée à la compréhension de l’énergie et la matière noire – démontrent surtout le potentiel de l’outil. La véritable première échéance de la mission est octobre 2026, lorsque seront communiquées les premières données véritablement cosmologiques. La fin de la campagne d’observations initiale d’Euclid est prévue pour 2031.
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