Africa-Press – Burkina Faso. Dans l’anse de Cortiou, au sein du Parc national des Calanques à Marseille, toute vie sous-marine avait disparu depuis des décennies. Mais aujourd’hui, on observe à nouveau oursins, crustacés et autres ascidies. Selon l’Agence de l’eau, plus de 160 espèces sous-marines seraient de retour.
Ce succès a été rendu possible par un « coup de pouce à la nature »: en 2018, 36 récifs artificiels ont été immergés pour favoriser le retour de la faune aquatique. Ils sont composés de plaques en béton espacées par des parpaings pour offrir abris et cavités. Le projet, à plus d’un million d’euros, est financé par l’Agence de l’eau et la Caisse des dépôts Biodiversité. Baptisé Rexcor, il est piloté par l’entreprise Seaboost, spécialisée dans l’ingénierie écologique en milieu aquatique.
Six ans plus tard, « les espèces sont sédentarisées et se reproduisent « , se réjouit Julien Dalle, responsable de la restauration écologique pour Seaboost. « Difficile de savoir avec exactitude si les espèces présentes sont celles qui peuplaient historiquement la calanque, il aurait fallu faire des prélèvements il y a 200 ans. Mais on imagine que sans la pollution subie, la biodiversité à Cortiou ressemblerait à celle des calanques voisines », explique Sandrine Ruitton, chercheuse à l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO).
Sous son allure de carte postale, avec pins parasols et falaise calcaire, Cortiou a subi durant des siècles une pollution agressive. Au 19e siècle, les eaux usées de Marseille se déversaient brutes dans la calanque. La situation s’est améliorée en 1987 avec la construction d’une station d’épuration qui filtre une partie des substances les plus polluantes. Mais « le niveau de dégradation était tel que la vie sous-marine n’est pas revenue d’elle-même « , se souvient Annick Mièvre, directrice régionale de l’Agence de l’eau.
C’est pourquoi il a fallu favoriser son retour avec ces récifs artificiels, regroupés en quatre « villages à poissons ». Immergés à 18 à 25 mètres de profondeur et sur 1.600 m2, ils n’ont pas exactement les mêmes formes pour s’adapter à toutes les espèces. « On imite la nature en reproduisant les habitats des petits fonds méditerranéens « , explique Julien Dalle. Les « récifs ragues », pour les espèces cryptiques (mérous, congres, langoustes), reproduisent des failles de différents types. « Les mérous cherchent des échappatoires alors que les langoustes des culs-de-sac. Les poulpes, eux, cherchent de très petits interstices « , détaille Julien Dalle.
Les « récifs fractals », en forme de pétales, doivent fixer la « faune qui encroûte les roches » (anémones, algues, moules, éponges). « L’orientation des pétales varie pour diversifier l’exposition à la lumière et au courant « , précise l’ingénieur. Les « récifs connectivité » reproduisant les herbiers et petits fonds rocheux, relient la côte aux récifs pour permettre aux juvéniles de grandir en sécurité. Enfin, le « récif 3D » contient 80 à 90 % de vide et reproduit les cavités du coralligène, habitat constitué de coraux rouges ou gorgones.
Mais malgré ce premier succès, « on ne peut pas parler de ‘restauration écologique' », pondère Sandrine Ruitton. « La première condition aurait été d’avoir stoppé la pression responsable de la dégradation de l’écosystème. Or, les eaux sales continuent d’être déversées… » Elles répondent certes aux normes, mais la salinité de l’eau reste localement modifiée. En plus, lors d’épisodes orageux, la station d’épuration ouvre les vannes pour ne pas déborder, rejetant ponctuellement des eaux non traitées dans la calanque.
300 tonnes de béton immergées à Cortiou
Sandrine Ruitton plonge chaque saison: pas de doute, la biomasse est là. « Mais il faut observer la qualité de la colonisation. Or, il y a beaucoup de prédateurs comme les congres, tandis que les labridés et les gorgonaires ne sont pas revenus devant l’émissaire. » Avoir des récifs plus ou moins près de l’émissaire permet de voir quelles sont les espèces les plus sensibles qui se tiennent à distance. « Le projet nous apprend que même dans un environnement perturbé, on peut restaurer certaines capacités écologiques » répond Julien Dalle, se souvenant avoir aperçu des espèces rares comme le homard et le mérou royal.
Ailleurs en France, d’autres récifs artificiels ont également été immergés. « Nous avons eu sept fois plus de projets en cinq ans « , affirme Julien Dalle. Mais ces récifs restent des substituts, « nous privilégions la voie naturelle autant que possible « , assure l’ingénieur. « Les récifs artificialisent les fonds marins, il ne faut pas en abuser « , prévient aussi Sandrine Ruitton qui rappelle que 300 tonnes de béton ont été immergées à Cortiou, matière dont la fabrication implique un coût écologique élevé. Forte de ces résultats, l’Agence de l’eau dit vouloir réitérer l’opération dans d’autres lieux dépeuplés par la pollution.
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