Africa-Press – Burkina Faso. Les “gaziers” parlent de “troisième révolution”. “Au 19e siècle, le gaz de ville était produit par des usines à charbon au cœur même des agglomérations françaises. Puis, au cours du 20e siècle, il est devenu moins cher d’importer du gaz naturel de Norvège, d’Algérie ou de Russie. Avec le biométhane, on revient à une production locale totalement indépendante des aléas géopolitiques”, résume Thierry Trouvé, ex-directeur général de GRTgaz.
Selon le scénario du gestionnaire national du réseau de gaz, la consommation va diminuer de 470 à 320 térawattheures (TWh) dans les trente-cinq prochaines années. Pourquoi ? Parce que l’électricité va s’y substituer de plus en plus. Ainsi, le chauffage au gaz qui équipe encore un tiers des maisons individuelles et la moitié de l’habitat collectif va être peu à peu remplacé par des pompes à chaleur. Et le gaz naturel va être supplanté par le biométhane, ou biogaz, qui a l’avantage d’être issu de sources renouvelables: déchets agricoles, lisiers, biomasse, etc. L’utilisation de cette ressource permet de réduire, voire de supprimer, l’usage du gaz fossile, et d’abaisser de 80 % les émissions de gaz à effet de serre de la filière. En 2050, l’Hexagone pourrait ainsi se passer du gaz naturel russe, algérien ou qatari. Grâce à quatre nouvelles sources de “biogaz”.
La méthanisation
C’est la plus mature des technologies. Les déchets verts, les lisiers d’élevage, les boues de stations d’épuration peuvent être traités dans des digesteurs où la matière organique est dégradée par les micro-organismes pour produire du méthane. Les résidus sont épandus dans les champs comme amendement organique. En 2023, cette filière a produit 6 TWh. Un chiffre qui, au rythme actuel, sera multiplié par cinq d’ici à 2030.
On dénombre aujourd’hui 695 méthaniseurs et 580 en cours de développement. La plus grande partie de leur production est injectée dans le réseau gazier, pour le chauffage ou la production d’électricité. Mais il existe également en France 350 points de ravitaillement pour des véhicules roulant au biogaz. La filière doit cependant faire face à des oppositions locales, notamment pour les grosses unités, en raison des odeurs et du trafic de camions généré. En 2050, la production devrait atteindre 130 TWh.
La pyrogazéification
La pyrogazéification, c’est une imitation en accéléré (quelques heures) du processus de formation du charbon ou du pétrole. Elle consiste à brûler entre 400 et 1.500 °C des déchets solides dans une atmosphère appauvrie en oxygène. Cette combustion produit un mélange de gaz, surtout du méthane, qui est ensuite utilisé pour produire de l’électricité ou de la chaleur, ou directement injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel. La matière première est constituée de chutes de l’exploitation forestière et de l’industrie du bois, mais aussi de produits en fin de vie comme des meubles, des tissus, des chiffons, des mousses, des mélanges de matériaux.
Ces déchets, dits “combustibles solides de récupération” (CSR), sont aujourd’hui en grande partie enfouis en décharge ou incinérés. Des initiatives voient le jour pour créer de nouvelles filières de collecte et de transformation. Le pilote industriel Gaya, géré par Engie à Saint-Fons, dans le Rhône, teste depuis 2018 un four qui traite du bois issu du secteur de l’emballage, mais aussi des noyaux d’olive, des coques d’amande, des écorces, de la paille non destinée à l’élevage, avec le projet de vendre des unités clés en main aux professionnels de la filière déchets.
En mars 2022, Ecomaison, l’organisme chargé de financer la collecte et le recyclage des meubles, et le Syctom, Syndicat mixte de traitement et de valorisation des ordures ménagères en Île-de-France, ont signé avec GRTgaz un protocole d’accord pour valoriser les combustibles solides de récupération et les rebuts de papier des centres de tri, ainsi que les bois traités, vernis ou peints déposés en déchetteries. Le gisement national est estimé à 2,5 millions de tonnes par an. Fin 2022, 49 projets étaient recensés sur le territoire, pour une production de 4,1 TWh. Le potentiel estimé pour 2050 est de 90 TWh.
La gazéification hydrothermale
Des déchets humides. Voilà de quoi se nourrit la gazéification hydrothermale: effluents organiques de l’industrie agroalimentaire ou papetière, boues de station d’épuration, de dragage et de curage chargées en polluants divers et bon nombre de déchets d’origine pétrolière comme les plastiques, solvants, huiles, déchets d’industries chimiques et pétrochimiques et, en général, les reliquats des méthaniseurs qui ne pourraient être épandus sur des terres agricoles.
Le procédé consiste à brûler ces matières sous une pression de 250 bars et une température de 400 °C par pyrolyse, ou 700 °C en atmosphère appauvrie en oxygène. Il est bien maîtrisé, mais le passage au pilote industriel débute seulement. GRTgaz a lancé en juillet 2024 un “appel à manifestation d’intérêt” (AMI) auprès des industriels qui voudraient se lancer dans cette filière et sollicitent une aide au démarrage de leur projet. La production devrait atteindre 2 TWh en 2030, 50 TWh en 2050.
La méthanation
De l’électron au gaz. La méthanation consiste à produire de l’hydrogène à partir d’énergie renouvelable solaire ou éolienne. Cet hydrogène vert peut être injecté directement dans le réseau de gaz actuel, à des teneurs qui ne peuvent toutefois dépasser 6 % pour éviter la corrosion des tuyaux. Mais il est possible aussi de le combiner avec du CO2 capté à la sortie de la cheminée d’une usine pour produire un méthane qui est injectable, lui, sans contrainte.
Cette solution est testée actuellement par GRTgaz à Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône. Le pilote Jupiter 1000 récupère l’électricité d’un parc éolien voisin lorsque la production est trop importante et la combine avec le CO2 d’une usine proche pour faire du méthane de synthèse.
En pleine puissance, il a pu injecter 200 mètres cubes par heure dans le réseau gazier. L’intérêt majeur de la méthanation est d’utiliser les électrons produits en excès par les énergies renouvelables les jours de grand vent ou de fort ensoleillement. Électrons dont la quantité est appelée à se multiplier avec la montée en puissance des énergies renouvelables. Le potentiel estimé est de 50 TWh en 2050.
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