Changement climatique : la crise du coronavirus pourrait-elle relancer l’écologie ?

Changement climatique : la crise du coronavirus pourrait-elle relancer l'écologie ?
Changement climatique : la crise du coronavirus pourrait-elle relancer l'écologie ?

Africa-PressBurkina Faso. Le “grand confinement” consécutif au Covid-19 a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre – pour le moment. Mais certains gouvernements veulent aller plus loin en mettant à profit leurs plans de relance économique pour stimuler les industries à faibles émissions de carbone. Leur slogan est “Reconstruire en mieux”, mais peuvent-ils réussir ?

Je viens d’avoir une idée éclair. Le petit oiseau qui gazouille bruyamment dans le lierre devant ma porte nous dit quelque chose d’important sur le changement climatique mondial.

Je peux en fait entendre son chant clairement, entrelacé avec les notes mélodieuses d’un rouge-gorge.

Normalement, les chants des deux oiseaux sont étouffés par le grondement insistant de la circulation, mais le vacarme s’est pratiquement éteint avec le confinement.

La baisse de la circulation contribue largement à la diminution des émissions de CO2 qui causent le réchauffement de la planète, dont nous avons été témoins dans le monde entier.

Avant la crise de Covid-19, nous acceptions la prédominance du bruit de la circulation comme une conséquence inévitable de la vie en ville.

Aujourd’hui, nous avons choisi une autre ambiance urbaine.

Les gouvernements sont actuellement confrontés à un choix difficile : renflouer les entreprises polluantes, en utilisant cela comme levier pour imposer des réformes respectueuses de l’environnement, ou les laisser reprendre leurs activités à forte intensité de carbone afin de relancer rapidement l’économie.

Mais de nombreux citoyens n’ont guère envie de revenir à la situation d’avant le confinement.

Dans un sondage, un cinquième des membre de l’association des automobilistes AA ont déclaré qu’ils travailleraient davantage à domicile à l’avenir.

Cela a des implications pour le programme de construction de routes de 28 milliards de livres sterling du gouvernement britannique qui suppose que le trafic augmentera de 1% par an – un scénario qui semble maintenant peu probable.

La tendance à rester chez soi sera quelque peu compensée par les usagers des transports publics qui voudront éviter de prendre le métro par crainte d’infection, et par les habitants de la grande banlieue qui pourraient décider que s’ils ne doivent se rendre au bureau que trois jours par semaine, ils achèteront une maison encore plus loin.

L’AA, qui depuis des années a été considérée comme la voix des automobilistes, a demandé au gouvernement de revoir son plan d’expansion routière de 28 milliards de livres sterling. Son président, Edmund King, a suggéré que l’argent serait dépensé de façon plus utile en améliorant les infrastructures d’Internet à haut débit.

Un autre gagnant probable de la crise est le mouvement de lutte pour rendre les rues de la ville aux piétons et aux cyclistes.

Cela s’est déjà produit dans des endroits comme Paris, qui arbore 650 km de “pistes cyclables” dans la capitale et sa proche banlieue, et Milan, qui a un programme visant à donner la priorité aux piétons et aux cyclistes.

La volonté de saisir l’occasion de changer l’environnement s’étend bien au-delà du secteur des transports.

Le Royaume-Uni est l’un des pays qui cherchent à relancer leur stratégie environnementale en faisant appel au soutien financier du secteur privé. Après tout, c’est le gouvernement qui a renfloué les entreprises lorsque la crise est survenue en mars. Le slogan est “Build Back Better” (reconstruire en mieux).

Mais il semblerait que le Royaume soit confronté à deux opposants directs, à savoir la Chine et les États-Unis. Les économies de ces deux superpuissances ont été ravagées par les effets du coronavirus.

Elles cherchent désespérément à revenir à leur niveau de production d’avant le virus, et leurs dirigeants pensent peut-être que le moyen le plus sûr d’y parvenir est de recourir à des combustibles fossiles pourtant à l’origine du réchauffement climatique.

Pour ceux qui cherchent un moyen plus écologique de sortir du marasme amené par le Covid-19, les énergies renouvelables sont une voie envisageable, ainsi que les points de recharge pour véhicules électriques et le haut débit.

Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, est sur la même longueur d’onde. Il dirige les travaux sur un “Green Deal” visant à rendre l’économie de l’UE durable et affirme que pas un seul euro ne devrait être dépensé pour soutenir des industries polluantes.

Tous les investissements de relance du Covid-19 devraient être consacrés au commerce qui contribue à réduire les émissions de carbone ou à promouvoir le commerce numérique, insiste-t-il.

Mais certains députés européens des partis de droite avertissent que la pandémie aura des conséquences économiques et sociales “de grande envergure”.

Ils insistent sur le fait que l’UE doit revoir à la baisse ses ambitions climatiques d’avant la crise.

Cela a conduit certains gouvernements, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, à offrir des aides aux industries polluantes sans imposer le respect de meilleures normes environnementales.

Au Royaume-Uni, la question suscite des désaccords parmi les responsables politiques, qui sont tiraillés entre la sauvegarde des emplois existants et la préservation de la planète.

Les députés des libéraux démocrates – considérés comme l’un des partis britanniques les plus “verts” – se sont joints à d’autres parlementaires pour exiger un sauvetage conditionnel de l’industrie aérienne.

Ils disent que si les ministres n’interviennent pas, des dizaines de milliers d’emplois seront perdus.

Mais les entreprises devraient promettre de compenser leurs émissions, par exemple en plantant des arbres.

La compensation est très controversée. Doug Parr, scientifique en chef de Greenpeace, soutient que “Tout plan de sauvetage gouvernemental devrait se concentrer sur les travailleurs, et non sur l’industrie elle-même.

“Il devrait être conditionné à ce que le secteur accepte de se limiter jusqu’à ce qu’une technologie à faible émission carbone soit disponible, ce qui n’est pas le cas actuellement”.

Une seule direction ?

Cela soulève une question : quelles sont les industries qui devraient bénéficier d’un soutien ? L’argent devrait-il être exclusivement destiné à des secteurs verts comme l’énergie solaire – ou à des entreprises sales qui font des efforts pour polluer moins ?

Prenez les entreprises de combustibles fossiles qui paient les dividendes de nos pensions de retraite en forant pour trouver ce qui surchauffe le monde.

L’industrie pétrolière et gazière britannique prévient que 30 000 emplois pourraient être perdus à cause de la pandémie et du faible coût actuel du pétrole.

Mais pourquoi les gouvernements soutiendraient un produit de base qui alimente la crise climatique, jugée par les Nations unies plus grave que la crise du Covid-19 ?

Ce n’est peut-être pas si simple. Lord Stern, l’ancien chef du Trésor qui est maintenant un expert en matière de climat, m’a dit que chaque entreprise devrait être jugée sur son parcours, et non sur son état actuel.

“Les industries pétrolières et gazières produisent des produits que vous voulez épuiser très rapidement”, a-t-il déclaré. “Mais vous voyez certaines entreprises – comme BP et Shell – qui déclarent qu’elles veulent aller vers le zéro carbone.

“Donc, vous ne pouvez pas être aveugle ou dogmatique. Vous devez regarder l’orientation prise par le secteur”.

Au moins, les écologistes britanniques ont affaire à des entreprises qui s’accordent sur la nécessité de lutter contre le changement climatique.

Aux États-Unis, certaines entreprises du secteur des combustibles fossiles sont déterminées à recevoir les aides du gouvernement sans être liées par des conditions qui les contraindraient à devenir moins polluantes à l’avenir.

Le parti démocrate propose depuis longtemps un “Green New Deal” pour promouvoir les technologies propres. Mais le président Donald Trump a minimisé l’importance du changement climatique. Il a promis d’aider les entreprises de combustibles fossiles en difficulté, bien que ses efforts n’aient pas été très importants.

*”Nous n’allons jamais abandonner les génial secteur américain du pétrole et du gaz. J’ai instruit le Secrétaire à l’Energie et le Secrétaire du Trésor de formuler un plan pour rendre disponible des fonds afin que ces très importantes sociétés et ces emplois soient maintenus sur le long terme”.

Et puis, il y a la Chine. En 2015, ses dirigeants ont été persuadés par le président Barack Obama de prendre des engagements majeurs en matière de changement climatique dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat.

Depuis lors, la Chine a subi des pertes d’emplois et des pénuries de carburant. Pékin a eu recours à une solution rapide pour l’économie en construisant des centrales électriques au charbon.

Selon le groupe de réflexion vert Global Energy Monitor, le nombre de centrales que la Chine a approuvé au cours des trois premières semaines de mars 2020 – équivalant à 7 960 mégawatts (MW) – est supérieur au nombre convenu pour l’ensemble de l’année 2019 (6 310 MW).

Cela ne tient pas compte de l’investissement estimé à 1 000 milliards de dollars de la Chine dans son initiative “Route de la soie”, qui vise à construire d’énormes projets d’infrastructure à forte intensité de carbone dans les pays en développement.

À moins que la Chine et le président Trump ne changent d’avis (ou que le candidat démocrate ne remporte les élections américaines), la campagne européenne “Build Back Better” ne suffira pas à protéger le climat de plus en plus fragile, même si elle met en place une relance verte.

Et nous avons une leçon à tirer de l’histoire. Nick Robins, de la London School of Economics (LSE), estime que lors de la crise financière mondiale de 2008, seuls 16 % des plans de relance mondiaux étaient “verts”, principalement parce que la Chine a investi massivement dans des projets de combustibles fossiles.

Il me dit : “Si nous avons un espoir de lutter contre le changement climatique, nous devons absolument nous assurer que nous le faisons mieux cette fois-ci”.

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