Comment les rythmes circadiens régulent notre santé

Comment les rythmes circadiens régulent notre santé
Comment les rythmes circadiens régulent notre santé

Africa-Press – Burkina Faso. Nos corps ont le sens du rythme. Des rythmes même, puisque presque tous nos organes sont dépendants d’horloges circadiennes, des mécanismes présents dans nos cellules et contrôlés par des gènes spécifiques fonctionnant sur des cycles d’environ 24 heures. Qu’il s’agisse de notre métabolisme, de nos systèmes immunitaire et cardiovasculaire ou encore de notre sommeil, toutes nos fonctions biologiques sont soumises à ces rythmes circadiens.

Des perturbations de ces horloges internes s’avèrent aujourd’hui avoir des conséquences majeures sur notre santé, physique comme mentale. Cancers, altérations des fonctions cognitives, dépression, troubles de l’humeur, obésité, diabète voient leurs risques de survenue et leur gravité augmentés lorsque ces horloges internes viennent à se dérégler. Chez des patients souffrant de pathologies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer, de Huntington ou de Parkinson, les médecins observent un dysfonctionnement de l’expression des gènes d’horloge affectant notamment la sécrétion de mélatonine, une hormone dont la production est circadienne.

Les patients souffrant d’Alzheimer sont ainsi notablement plus agités et instables en fin d’après-midi ou dans la soirée. Et c’est l’inverse pour les diabétiques dont un dysfonctionnement dans la sécrétion de l’insuline conduit à une aggravation des symptômes en matinée. Des dérèglements de rythme pourraient également aggraver certaines maladies mentales. On sait par exemple que 80 % des patients souffrant de schizophrénie présentent des troubles du sommeil et des rythmes circadiens.

Longtemps négligée, l’étude des rythmes biologiques de l’organisme a gagné de plus en plus d’importance ces dernières années. « Jusqu’à récemment la chronobiologie n’était pas vraiment considérée, expose Étienne Challet, directeur de recherche CNRS à l’Université de Strasbourg. Heureusement, on en parle de plus en plus depuis l’obtention du prix Nobel de physiologie ou médecine décerné en 2017.  » Cette année-là en effet, trois chercheurs américains ont été récompensés pour avoir mis en évidence des gènes impliqués dans le rythme circadien de la drosophile. Or, et c’est bien là le signe de l’importance du mécanisme, il est remarquablement conservé au cours de l’évolution.

« Tous les organismes vivants, de la mouche à l’être humain, en passant par les plantes, ont des rythmes biologiques, qu’ils soient journaliers ou saisonniers, abonde Valérie Simonneaux, directrice de recherche CNRS à l’Université de Strasbourg . Même des organismes très simples comme les bactéries expriment des rythmes biologiques. Récemment, on a même montré que des interactions entre protéines pouvaient présenter des rythmes journaliers.  » Rien d’étonnant, donc, à ce que les centaines de milliards de bactéries que nous hébergeons puissent être elles aussi touchées et affecter en retour notre organisme. « Le microbiote bactérien est modifié par le rythme de prise alimentaire de l’hôte et, en retour, influence les horloges de celui-ci, poursuit Étienne Challet. Son dérèglement favorise les risques de diabète et d’obésité. En outre, il a été montré chez des rongeurs que, lorsqu’on déséquilibre le cycle veille-sommeil, cela favorise leur vieillissement cellulaire.  »

Un chef d’orchestre qui a son propre « tempo »

Seulement, nos horloges internes, si elles ont des rythmes propres, sont également soumises à des facteurs extérieurs qui influencent ces mécanismes d’horlogerie biologiques. Et c’est une bonne chose car l’horloge interne principale dans le cerveau, le chef d’orchestre de tous ces rythmes dans l’organisme, possède son propre « tempo » : 24 h 10 min en moyenne – il varie toutefois selon les individus entre 23 h 30 min et 24 h 30 min. Nichée dans l’hypothalamus chez l’être humain, cette horloge principale est composée de deux noyaux suprachiasmatiques (NSC) d’environ 50.000 neurones chacun. Et dans chacune de ces cellules, le mécanisme d’horloge est constitué de gènes spécialisés, justement nommés « gènes de l’horloge ».

Si ce chef d’orchestre était insensible aux facteurs extérieurs, il conduirait donc son porteur à se décaler toujours un peu plus chaque jour. Pour demeurer en phase avec l’environnement, l’horloge interne a donc besoin d’être resynchronisée en permanence. Principal agent régulateur : la lumière, qui permet aux humains de rester en phase avec l’alternance jour/nuit de leur planète. C’est le plus puissant des synchroniseurs, mais il en existe d’autres comme la température, l’activité physique ou le fait de se nourrir qui indiquent à nos différents organes, cœur, foie, poumons, muscles, etc., à quel moment de la journée ils se trouvent. Les horloges périphériques situées dans les différentes parties de notre corps sont normalement menées à la baguette par le chef d’orchestre des NSC qui donne la mesure. Seulement, que se passe-t-il quand les différentes horloges n’agissent plus de concert et se trouvent désynchronisées ? Des troubles circadiens se mettent alors en place en quelques jours, perturbant le bel ordonnancement de l’organisme.

C’est ce qu’il se produit par exemple chez les travailleurs postés aux horaires atypiques. Le travail de nuit conduit à une désynchronisation de l’horloge biologique. Exposition à la lumière et sommeil ne sont plus en phase. Pas plus que les moments où l’on se nourrit, ou ceux durant lesquels le corps est en mouvement. Bref, c’est la cacophonie, l’organisme ne sait plus quelle heure il est, avec des conséquences notables sur la santé. Une expertise collective de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) concluait ainsi en 2016 que le travail de nuit est un facteur de risque probable de cancer. Elle pointait également du doigt une altération des performances cognitives, une augmentation des risques de diabète de type 2, d’obésité et d’hypertension artérielle chez les plus de 3 millions de personnes qui travaillent occasionnellement ou régulièrement de nuit.

« Chez les femmes, des études épidémiologiques ont montré que le travail posté pouvait occasionner une irrégularité du cycle menstruel, renchérit Valérie Simonneaux. Avec mon équipe, nous avons comme projet de suivre les données biologiques de l’ovulation chez des femmes travaillant en horaires postés. Cela nécessite la mise au point d’outils non invasifs de mesure des niveaux hormonaux afin de regarder au jour le jour les cycles d’activité ovariens.  » Par ailleurs, des dérèglements des rythmes circadiens ont aussi des conséquences sur le système immunitaire et la lutte contre les maladies infectieuses.

« Nous avons découvert chez la souris qu’une infection par le parasite Leishmania (agent de la leishmaniose) était plus grave si elle se produisait en soirée et conduisait le système immunitaire à réagir plus fortement « , explique le professeur Nicolas Cermakian, de l’Université McGill et du centre de recherche Douglas à Montréal (Canada). Que le système immunitaire soit sous le contrôle des horloges circadiennes aurait même une influence sur la réponse à la vaccination, variable selon l’heure du jour.

« Lorsque des souris reçoivent le traitement en milieu de jour, poursuit-il, les lymphocytes T répondent plus fortement qu’à toutes les autres heures du jour et de la nuit.  » Conclusion du chercheur : certains vaccins nécessiteraient des études pour déterminer le moment d’administration le plus approprié afin d’augmenter leur efficacité.

Des médicaments plus ou moins actifs selon l’heure

En considérant que la moitié de nos gènes sont rythmés, la médecine et la pharmacopée auraient tout à gagner à prendre en compte les différents tempos de notre corps. « Parmi les 100 médicaments les plus prescrits, pas moins de 56 ont pour cible une molécule de l’organisme qui est rythmée, ce qui suggère qu’ils pourraient être plus ou moins actifs selon le moment où ils sont administrés, ajoute Nicolas Cermakian. La médecine circadienne consiste à prendre en compte les rythmes de nos organismes. Le domaine n’en est qu’à ses débuts mais je suis convaincu que cela va se développer dans les prochaines années et cela permettra notamment de personnaliser les traitements.  »

Comment recaler nos horloges

Une bonne hygiène de vie devrait inclure une bonne hygiène circadienne. Se coucher à une heure raisonnable dans le noir et au calme. Respecter les cycles lumineux et ne pas abuser le soir des écrans d’ordinateur, de téléviseur ou de téléphone mobile. Attention également aux rythmes des prises alimentaires qui contribuent à synchroniser ou, au contraire, à perturber nos horloges. Du côté pharmacologique, la mélatonine représente un enjeu clinique important et est actuellement recommandée dans les décalages horaires, certaines situations de travail de nuit, ainsi que dans des troubles autistiques ou du déficit de l’attention. D’autres molécules en développement ciblent la mécanique de l’horloge biologique et pourraient avoir un intérêt dans certains troubles circadiens.

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