Africa-Press – Burkina Faso. Dans le nord de l’Arabie saoudite, aux marges du désert du Néfoud, des parois de falaises surplombant d’anciennes cuvettes temporaires ont été gravées, il y a plus de 12.000 ans, de silhouettes animales. Ces dessins n’avaient rien de décoratif: ils signalaient l’emplacement de mares saisonnières et de passages utiles dans un environnement quasi désertique, mais malgré tout, fréquenté par des groupes humains mobiles.
Un désert vivant par intermittence
Au tournant de l’Holocène, l’intérieur de la péninsule arabique sort à peine d’une période très aride. La région reste sèche, mais des mares et des lacs temporaires se forment dans des dépressions. Les fouilles menées à Jebel Arnaan, Jebel Mleiha et Jebel Misma (trois massifs situés au rebord sud du Néfoud) documentent 62 panneaux et 176 figures, dont 130 sont grandeur nature. Elles représentent majoritairement des camélidés, mais aussi des bouquetins, des équidés, des gazelles et un auroch.
Les parois gravées se situent à flanc de falaises, parfois à plus de 30 mètres au-dessus du sol, en surplomb d’anciennes dépressions et de crevasses profondes où l’eau s’accumule après les pluies. Ces réservoirs naturels, appelés localement jubos, prolongent l’accès à l’eau au-delà de la période humide.
Comme l’explique à Sciences et Avenir Maria Guagnin, du Max Planck Institute of Geoanthropology: « Nous savons que les lacs étaient saisonniers et non permanents. Les sédiments n’ont ni traces de racines ni horizons organiques, ce qui indique un milieu aride avec peu de végétation. Aujourd’hui, ces bassins sont secs, donc les conditions de l’époque n’étaient qu’un peu plus humides qu’à présent. Les jubos pouvaient conserver de l’eau pendant la saison sèche et étaient fréquentées par la faune ».
Autour des dessins, les archéologues ont également récolté plus d’un millier d’objets en surface (outils lithiques, meules, mortiers, perles…) et des armatures typiques du Néolithique précéramique du Levant. On y reconnaît des pointes associées aux premières formes de sédentarité. Leur présence à près de 400 km du Levant souligne l’existence de contacts culturels à longue distance dans cette Arabie pourtant désertique. Les datations, fondées sur la luminescence des sédiments et des charbons sous-jacents, indiquent une occupation du site comprise entre 12 800 et 11 400 ans.
Signaler l’eau et les chemins
Pourquoi graver des figures animales à plusieurs mètres de hauteur, dans un désert sans eau permanente? Selon les chercheurs, qui publient leurs résultats dans la revue Nature Communications, les pétroglyphes servaient à signaler ces points d’eau éphémères et indiquaient les routes à suivre pour y parvenir. « À Jebel Misma et Jebel Arnaan, l’art rupestre surplombe un paléo-lac et des jubos, et à Arnaan certains panneaux jalonnent un raccourci à travers la montagne vers une autre cuvette », note Maria Guagnin. « Dans ces cas, le lien entre art rupestre et accès à l’eau est clair, même si tout l’art holocène d’Arabie n’est pas systématiquement voisin d’une grande source d’eau ».
Plus qu’une simple carte, ces gravures auraient aussi joué un rôle de marqueur territorial. Les panneaux sont souvent réutilisés, superposés ou enrichis au fil du temps, ce qui témoigne d’un usage récurrent et peut-être rituel. « Les panneaux ont été réemployés sur une longue durée, ce n’était pas un phénomène bref. Les dépressions se remplissaient périodiquement. L’art rupestre a pu marquer des montées d’eau prévisibles, des droits d’accès, ou même exprimer un souhait pour une bonne saison des pluies, voire, peut-être tout cela à la fois », poursuit Maria Guagnin.
Ce langage rupestre aura permis à plusieurs générations de voyageurs de retrouver leur chemin. « Ces groupes étaient mobiles, se déplaçant entre des points d’eau, tout en étant en contact avec des voisins du Levant à environ 400 km et avec un accès à des coquillages marins », conclut la chercheuse.
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