Africa-Press – Burkina Faso. Dans ce travail, les scientifiques de la Friedman School of Nutrition de l’Université Tufts (Boston, États-Unis) ont étudié la part de calories provenant des boissons sucrées dans l’alimentation des adultes âgés de plus de 20 ans. Ils ont analysé cette consommation sur trois années : 1990, 2005 et 2018 dans 185 pays, à partir de la base de données de la Global Dietary Database (GDD).
Qu’est-ce que la GDD ?
Créée en 2010, la base de données alimentaires mondiale (GDD) compile les enquêtes sur l’alimentation menées dans le monde entier. La collecte de données se fait à travers des recherches systématiques en ligne, mais aussi à travers des collaborations avec des scientifiques ou des institutions publiques. Ce projet, notamment financé par la Fondation Gates, est dirigé par le Dr Dariush Mozaffarian de la Friedman School of Nutrition Science and Policy de l’université de Tufts.
Afin de réaliser ce calcul, les chercheuses et chercheurs ont d’abord déterminé les caractéristiques des boissons sucrées : elles contiennent toutes des sucres ajoutés, et apportent au moins 50 kcal par 8 onces américains (soit un peu moins d’un demi-litre, ou 248 g). La plupart des boissons gazeuses, énergisantes, à base de fruits (dont les cocktails) et eaux aromatisées entrent dans cette catégorie. Pour faciliter la comparaison, la portion de 8 onces a été définie comme l’unité de mesure correspondant à une portion standard.
Qu’est-ce qu’un sucre ajouté ?
Le sucre ajouté est le sucre qui n’est pas naturellement présent dans un aliment. Il est ajouté lors de la préparation ou de la fabrication du produit alimentaire. La mention « sans sucre ajouté » ne signifie donc pas qu’il n’y a pas de sucre dans une boisson, mais seulement que le fabricant n’en a pas ajouté à ceux qui y sont naturellement présents (comme les sucres issus des fruits, par exemple).
Ainsi, en 2018, la consommation mondiale moyenne de breuvages sucrés chez les adultes est de 2,7 portions par semaine, avec des disparités très fortes selon les régions du monde : en Asie du Sud, la consommation est faible : 0,7 portion par semaine. Elle est 10 fois plus élevée en Amérique latine et en Amérique du Nord (7,8 portions par semaine). Parmi les 25 pays les plus peuplés du monde, les consommations les plus importantes sont observées au Mexique (8,9), en Éthiopie (7,1), aux États-Unis (4,9) et au Nigeria (4,9), tandis que les plus faibles sont relevées en Inde, en Chine et au Bangladesh (0,2 portion/semaine). On constate la plus forte augmentation de la consommation en Afrique subsaharienne, et la plus forte diminution globale en Amérique latine et dans les Caraïbes.
Consommation moyenne nationale de boissons sucrées chez les adultes (20 ans et plus) dans 185 pays en 2018. Sur l’échelle de la carte, le nombre 1 correspond à la portion standardisée de 8 onces (248 grammes). Les pays, où la consommation est la plus importante (si on ne tient pas compte de la démographie) sont en Afrique : le Botswana, le Malawi, la Mauritanie, la Namibie, le Sénégal, l’Ouganda, le Zimbabwe ; en Amérique centrale : le Nicaragua et Cuba, en Amérique du Sud : la Colombie, l’Equateur et l’Uruguay ; en Europe : l’Albanie ; et pour la péninsule Arabique : le Yémen.
Les autrices et auteurs de la publication notent aussi que les apports en calories des boissons sucrées sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes, chez les jeunes que chez les plus âgés, chez les adultes moins éduqués que ceux qui sont plus instruits. Les breuvages sucrés font aussi davantage partie de l’alimentation des adultes citadins, que de celle des ruraux.
Bien que les origines de ces tendances n’aient pas pu être identifiées avec certitude, les chercheurs émettent l’hypothèse que cette augmentation pourrait être liée à l’efficacité de la publicité et du marketing, à l’adoption d’un régime alimentaire occidental par les couches sociales aisées des pays les moins riches, et aux problèmes d’accessibilité à l’eau potable. Pour cette dernière cause, ils remarquent que, même dans les zones les plus reculées du globe, on trouve des sodas, et dans les pays où l’eau potable est moins accessible, ces boissons peuvent parfois être la seule boisson disponible.
En réalisant cette étude, les scientifiques montrent que la consommation de breuvages sucrés est un phénomène mondial dont la croissance, toujours actuelle, est inquiétante. Ils rappellent qu’en 2010, une étude a estimé que 184 000 décès dans le monde étaient attribuables à la consommation de boissons gazeuses sans alcool.
Ils citent également un travail de mise à jour, mené en 2022, qui a confirmé l’effet délétère sur la santé de la consommation de boissons sucrées : hyper-insulinémie (un taux sanguin d’insuline – une hormone sécrétée par le pancréas – supérieur à la normale), fonctionnement du foie perturbé, et activation du système de récompense dopaminergique suscitant un besoin de continuer à consommer. Par la quantité de calories qu’ils apportent, ces breuvages augmentent aussi la prise de poids. Pour toutes ces raisons, boire sucré est bien associé à l’augmentation de maladies chroniques (diabète de type 2, obésité), et de risques de caries dentaires, de maladies cardio-vasculaires et de cancer.
Selon les scientifiques de Boston, la seule réponse à l’extension de ce phénomène est l’intensification des politiques de santé publique, que ce soit en taxant ces boissons, en développant des logos nutritionnels, en encadrant leur consommation dans les lieux publics, ou en limitant la publicité et le marketing. Comme pour le tabac ou l’alcool, une régulation s’impose.
QUELLE EST LA SITUATION EN FRANCE ?
Selon l’Insee, en 2018, les ménages français ont dépensé 35 milliards d’euros en boissons pour leur consommation à domicile. Depuis 1960, la part des dépenses en boissons alcoolisées se réduit au profit de celles qui sont non alcoolisées. Parmi ces dernières, la part de la consommation des eaux de table, des boissons aromatisées et des sodas, ainsi que des jus de fruits et de légumes, a fortement augmenté : au total, elle atteint 69,8 % de la dépense en boissons non alcoolisées en 2018.
Cependant, le type de breuvages non alcoolisés que les ménages achètent dépend de leur situation financière : en 2017, alors que 20 % des ménages les plus aisés consacrent une part plus grande de leur budget « boissons non alcoolisées » aux boissons chaudes, 20 % des ménages les plus modestes achètent davantage de boissons rafraîchissantes, notamment des sodas.
Ce constat (et d’autres) a conduit les autorités françaises à mettre en place une politique de santé publique : création en 2001 du PNNS (Programme national nutrition santé), vote en 2005 de l’interdiction des distributeurs automatiques dans les écoles, création en 2007 du Nutri-Score, vote d’une taxe « soda » en 2012, puis en 2018 (aujourd’hui en cours d’évaluation). Peu contraignantes, ces mesures n’ont cependant pas produit les effets escomptés : le diabète de type 2 et l’obésité continuent à augmenter chez les adultes français.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press