Le Nigeria, épicentre de la tech africaine

Le Nigeria, épicentre de la tech africaine
Le Nigeria, épicentre de la tech africaine

Africa-Press – Burkina Faso. Lorsqu’Idris Bello décide de lever des fonds pour investir dans les start-ups africaines en 2009, les débuts sont pour le moins laborieux. « À l’époque, les gens n’investissaient que dans le pétrole et l’immobilier, personne n’était intéressé par notre fonds de capital-investissement », se souvient ce financier basé à Lagos, la tentaculaire capitale économique du Nigeria.

Treize ans plus tard, il est peu dire que la tech africaine est transfigurée ; avec quatre milliards de dollars levés pour la seule année 2021, l’Afrique est passée en l’espace d’une décennie de terra incognita de l’entrepreneuriat high-tech au rang de terre promise des fonds d’investissements internationaux. « Un cap est franchi. En 2012, les start-ups africaines levaient 40 millions de dollars. Dix ans plus tard, ce chiffre a été multiplié par cent, c’est vertigineux », s’émerveille Max Cuvellier, le cofondateur de la newsletter « Africa : The Big Deal ».

Tournant

La manne alimente des opérations de toutes tailles. Les petites levées de fonds restent les plus fréquentes, mais les tours de table d’envergure sont de moins en moins rares. « Il y a eu douze tickets à plus de cent millions de dollars en 2021, contre à peine trois en 2019 », souligne Max Cuvellier. Les deux investissements à 200 millions de dollars du géant japonais SoftBank, le plus important fonds de capital-risque mondial, ont notamment fait grand bruit. « Nous sommes au même point d’inflexion que l’étaient l’Europe ou les États-Unis il y a dix ans, veut croire Bernard Ghartey, un influent investisseur ghanéen actif sur tout le continent. Nous avons gagné en maturité, les gens sont mieux formés… résultat, les investisseurs étrangers se réveillent. » Conséquence de cette ruée vers le sud du Sahara, les premières « licornes » africaines (entreprise technologique valorisée à plus d’un milliard de dollars, NDLR) apparaissent. Au nombre de sept, elles ont presque toutes émergé ces deux dernières années.

Une longueur d’avance

Le Nigeria, en particulier, capte plus du tiers de tous les investissements à destination du continent. « Il y a un immense élan d’intérêt pour le Nigeria », confirme Olugbenga Agboola, le fondateur d’une start-up nigériane ayant levé près de 250 millions de dollars en février 2022. S’il est logique que le pays le plus peuplé du continent attire la plus grande part des flux, la relative stabilité politique du géant africain joue aussi un rôle déterminant : « Le Nigeria est une démocratie stable avec l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés du continent », rappelle Charlie Robertson, un économiste britannique spécialiste des pays émergents. Résultat, une kyrielle d’entrepreneurs étrangers ont posé leurs valises dans les rues tumultueuses de Lagos, où pullulent les panneaux publicitaires de jeunes start-ups dans le vent. « Cette ville est d’un dynamisme incroyable, je ne retrouve cela qu’à New York », s’enthousiasme ainsi Sacha Poignonnec, le charismatique cofondateur de Jumia, géant du e-commerce africain et première licorne du continent.

Des défis posés pour l’avenir

Une telle frénésie est-elle soutenable dans la durée ? Malgré l’engouement, le Nigeria reste confronté à de sérieux obstacles structurels, au premier rang desquels une corruption endémique et une forte dépendance à la rente pétrolière, dont les fluctuations plongent régulièrement le pays en récession. L’actuel resserrement monétaire des pays développés, menaçant d’assécher une partie du capital-investissement mondial, représentera le premier test pour la scène tech africaine. Une perspective qui ne semble pas effrayer les investisseurs locaux. « On a à peine gratté la surface de la tech africaine, conjecture Olutosin Oni, un important capital-risqueur basé à Lagos. Il serait normal qu’il y ait un petit tassement temporaire après l’extravagance de ces deux dernières années, mais je reste extrêmement optimiste. » De tassement, il n’en est jusque-là guère question : malgré les soubresauts géopolitiques du début de l’année 2022, il aura fallu à peine sept semaines à la tech africaine pour lever son premier milliard d’investissements. Vingt-et-une semaines avaient été nécessaires pour arriver au même résultat en 2021 et trente-six en 2020. Les scènes tech africaine et nigériane ont encore de beaux jours devant elles.

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