Africa-Press – Burkina Faso. En février 2025, une famille de castors a réhabilité un ancien terrain militaire tchèque au sud de Prague, en une zone humide faite de piscine et de canaux. Des travaux prévus par les autorités depuis 2018, effectués en quelques jours par des castors, des animaux connus pour protéger contre les inondations, améliorer la qualité de l’eau et contribuer à la biodiversité.
Si l’anecdote a fait économiser plus d’un million d’euros au contribuable tchèque, elle montre surtout l’influence de ces animaux sur l’environnement. Et les castors sont loin d’être les seuls ! Dans une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), des chercheurs britanniques révèlent comment des centaines d’espèces façonnent les paysages qui nous entourent.
Les eaux douces, hôtes d’un tiers des espèces « architectes »
Les chercheurs ont analysé plus de 500 études pour répertorier 608 espèces « architectes », dont 5 espèces d’élevage (bovins, yaks, chèvres, moutons et chevaux sauvages). Au total, 330 espèces terrestres et 170 espèces d’eau douce ont été décomptées, les espèces costales et sous-marines ont été exclues de l’étude.
Bien qu’ils ne couvrent que 2,4 % de la surface de la planète, les habitats d’eau douce abritent plus d’un tiers de ces espèces architectes ! Les exemples ne manquent pas. La fraie des saumons (acte de reproduction durant lequel la femelle enterre ses œufs dans les graviers) participe par exemple au remaniement des sols sédimenteux, un phénomène appelé « bioturbation ».
Gemma Harvey, professeure de géographie à la Queen Mary University of London et auteure de l’étude souligne l’importance « des animaux plus petits, moins visibles et moins charismatiques, en particulier ceux qui vivent sous terre ou sous l’eau ». Elle cite les larves de phryganes, productrices de soie: « Ce sont de minuscules insectes qui vivent dans le lit du cours d’eau et dont les filets de soie lient les sédiments entre eux, freinant l’érosion des rivières ». Sans parler des castors et de leurs barrages, l’exemple le plus emblématique de bioconstruction en zones humides.
« Plus d’énergie que celle de centaines de milliers d’inondations »
Des exemples insoupçonnés, Gemma Harvey en a des centaines. Sa préférée est la tortue de Gopher. « Les terriers de la tortue de Gopher forment une cascade dans laquelle des animaux de plus en plus petits (souris, insectes) peuvent creuser d’autres terriers à partir de ceux de la tortue, créant ainsi un réseau souterrain complexe qui modifie la structure du sol. »
Les efforts de ces animaux pour modeler l’espace demandent de l’énergie. Tout l’objet de l’étude a été de définir comment la calculer. Concrètement, les chercheurs se sont appuyés sur le fait que l’existence même de ces animaux architectes représente un ensemble de matière organique susceptible d’être transformé en source d’énergie.
On appelle ce potentiel énergétique la biomasse, exprimée en tonnes. « Nous avons estimé la biomasse collective de ces animaux architectes à 0,2 Mt (mégatonnes) de carbone, ce qui équivaut à une énergie biologique d’environ 7,6 millions de GJ (gigajoules) », explique la chercheuse. Pour parvenir à cette estimation, ils ont utilisé des données de biomasse de l’Union internationale pour la conservation de la nature et d’études antérieures qu’ils ont converties en joules.
Les scientifiques estiment qu’environ 1% de cette énergie contribue au travail géomorphologique de ces espèces, chaque année. « On peut conclure que l’énergie de l’action des animaux architectes équivaut à l’énergie de centaines de milliers d’inondations extrêmes », précise Gemma Harvey. Elle ajoute que ces estimations sont très « prudentes », car il est difficile d’estimer l’énergie de l’action d’une espèce. « En réalité, on estime que le bétail agissant en tant qu’agent géomorphologique dépasse très largement cette contribution », ajoute la chercheuse. Sans compter les espèces encore non découvertes, et le manque de données dans certaines régions tropicales.
Plus d’un quart de ces espèces menacées
S’intéresser aux actions passées de ces espèces permet d’anticiper les changements futurs. « Nous pouvons nous attendre à une combinaison d’extinctions et de déclins de populations, d’introductions d’espèces et de déplacements d’aires de répartition dans le cadre du changement climatique, souligne Gemma Harvey. Tous ces éléments influenceront le rôle des animaux qui façonnent les paysages dans les environnements futurs ». Selon l’étude, 28% de ces espèces architectes sont susceptibles de subir un futur déclin de leur population ou une extinction régionale ou globale.
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press