Maladie de Parkinson : 5 nouvelles thérapies d’avenir

Maladie de Parkinson : 5 nouvelles thérapies d'avenir
Maladie de Parkinson : 5 nouvelles thérapies d'avenir

Africa-Press – Burkina Faso. Voilà deux cents ans, le Dr James Parkinson (1755-1824) proposait les descriptions pionnières d’une maladie caractérisée par des tremblements, des mouvements plus lents et une rigidité. Cinquante ans après sa mort, le neurologue français Jean-Martin Charcot nomma la maladie de son nom. Il faudra encore un demi-siècle pour que le neuropathologiste russe Constantin Tretiakoff en trouve l’origine, en 1919 : la destruction de neurones situés dans la “substance noire” du cerveau, ceux qui synthétisent la dopamine, un neurotransmetteur indispensable au contrôle des mouvements. Ce n’est enfin que dans les années 1960 que fut proposé le premier traitement, la L-dopa, qui consiste à compenser la perte de production de dopamine par son apport par des médicaments. Ceux-ci sont toujours prescrits, mais leur efficacité ne dure que quelques années et les symptômes reviennent, de plus en plus difficiles à contrôler.

Dans les années 1990, une approche nouvelle est proposée par deux Français, les professeurs Alim-Louis Benabid et Pierre Pollak à Grenoble : la stimulation cérébrale profonde. Elle consiste à implanter dans le cerveau deux électrodes pour stimuler électriquement les noyaux subthalamiques, une zone de la taille d’un grain de riz. Las ! cette technique ne peut être proposée qu’à un petit nombre de patients, âgés de moins de 70 ans et atteints d’une forme particulière de la maladie. Soit moins de 10 % du nombre total de malades. L’un des défis des neurochirurgiens est de savoir les identifier. C’est l’objet de l’étude Predi-Stim, démarrée il y a dix ans à Lille. Ses résultats, présentés au printemps, “visent à mieux guider les neurochirurgiens dans le choix des patients et à éviter les “loupés””, précisait son coordonnateur, le Pr David Devos. Mais cela ne suffira pas. Santé publique France annonce une explosion du nombre de cas dans les prochaines années : +56 % entre 2015 et 2030.

1. La dopamine est délivrée directement dans le cerveau

Prendre de la dopamine (ou plutôt son précurseur, la L-dopa en comprimés), tel est aujourd’hui le traitement de référence de la maladie. Quand celui-ci devient avec le temps moins efficace, l’autre possibilité est de recevoir non pas de la dopamine mais de l’apomorphine, une substance à l’action antiparkinsonienne délivrée au moyen d’une pompe disposée sous la peau. Mais depuis un an, une nouvelle approche est expérimentée en France : perfuser le précieux neurotransmetteur directement dans le cerveau, de manière continue 24 heures sur 24. Cette première mondiale nommée Dive (dopamine intra cérébro-ventriculaire) fait l’objet d’un essai clinique. Elle s’adresse à des patients atteints de la maladie de Parkinson au stade de complications du traitement oral, une situation fréquente survenant entre cinq et huit ans après les premières prises, marquée par des blocages et des dyskinésies, des mouvements anormaux involontaires traduisant un surdosage en dopamine. Ces travaux sont le fruit d’un partenariat entre le campus de Lille, l’Inserm, le CHU de Lille et la start-up InBrain Pharma. En avril, les premiers résultats sur une douzaine de patients ont été publiés : ils faisaient état d’une quasi-disparition des mouvements involontaires, avec à la clé une réduction de 70 % des prescriptions orales. Avec, même, un arrêt possible chez l’un d’eux. Des résultats qui devront être confirmés sur un plus grand groupe de patients.

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Cette approche repose sur le même principe qu’une pompe à insuline administrant en continu l’hormone manquante qui n’est plus sécrétée par le pancréas. Mais ici, le dispositif est complété par un cathéter qui passe sous la peau pour aller délivrer la molécule de manière continue dans le cerveau. Une méthode invasive nécessaire car la dopamine ne peut pas traverser seule la barrière qui protège le cerveau, dite hémato-encéphalique. Autre obstacle : la dopamine s’oxyde et se dégrade très vite. Aussi, l’équipe a optimisé son administration en condition anaérobie (sans oxygène), pour la préserver au mieux. Dernier avantage de cette stratégie : une intégration totale de la pompe et de son système d’administration dans le corps. L’essai en cours auprès d’une douzaine de patients doit durer jusqu’en 2024, Inbrain Pharma ayant prévu de lancer alors un essai de phase 3 sur une centaine de patients en Europe.

2. Une greffe de neurones dopaminergiques

L’idée est simple : il s’agit ici de réintroduire des cellules qui synthétisent la dopamine pour compenser la production manquante. Une approche qui est déjà expérimentée. “C’est un essai qui pourrait transformer le traitement de la maladie de Parkinson “, déclarait à l’automne 2022 le Pr Roger Barker, l’un des scientifiques de l’université de Cambridge (Royaume-Uni) impliqué dans une première mondiale, l’essai Stem-PD en collaboration avec l’hôpital universitaire de Skåne (Suède). Si les premiers essais in vitro ont démarré à la fin des années 1950, il a fallu attendre début 2023 pour que le premier essai clinique voit le jour. Démarrée chez un premier patient, l’étude repose sur l’injection intracérébrale de cellules souches embryonnaires programmées pour devenir à terme des neurones synthétisant de la dopamine. Après des résultats encourageants sur des modèles animaux démontrant qu’il est possible de corriger des déficits moteurs de la maladie de Parkinson, les chercheurs suédois ont développé une technologie permettant de se passer des cellules fœtales. Ils ont choisi d’utiliser des cellules souches embryonnaires humaines, capables de se transformer en presque n’importe quel type de cellule dans le corps, et les ont programmées pour qu’elles se substituent aux cellules déficitaires des malades. Avec Stem-PD, les chercheurs ont eu recours à un instrument chirurgical déjà utilisé à l’hôpital suédois pour des greffes de neurones requises dans certains cas de microchirurgie neurologique.

Ils ont alors pu greffer en intracérébral des cellules qui doivent désormais réparer les structures endommagées du cerveau, remplacer les neurones perdus et permettre la synthèse de la dopamine. En février, à l’issue de l’inclusion du premier patient, la chercheuse principale de l’essai, Gesine Paul-Visse, neurologue à Lund (Suède), précisait “que la transplantation s’était déroulée comme prévu, que l’emplacement correct de l’implant cellulaire, ici le putamen, avait été confirmé par une imagerie par résonance magnétique “. “Une région qui ne dépasse pas 4 millimètres”, précise le neurochirurgien Hjálmar Bjartmarz, ayant effectué la transplantation.

“Stem-PD est un essai de sécurité, qui doit évaluer l’innocuité et la tolérabilité, insiste aujourd’hui la neurologue. Son efficacité est un objectif secondaire. Nous allons suivre les huit patients, quatre en Suède et quatre au Royaume-Uni, pendant au moins trente-six mois. D’après nos travaux préalables, les premiers effets devraient être observables à partir de six mois. ” S’il est prévu que les patients poursuivent leur traitement de dopamine – qui pourra être ajusté au fur et à mesure de l’essai -, deux dosages cellulaires différents ont été programmés. “L’un pour créer au moins 100.000 neurones dopaminergiques, l’autre 200.000 “, précise le Dr Malin Palmar, du département de neurobiologie régénératrice de l’université de Lund, qui a travaillé en étroite collaboration avec ses collè-gues britanniques.

Alors que les premiers résultats ne seront pas publiés avant au moins un an et demi, des critiques circulent déjà quant à l’efficacité de cette approche. Telles celles publiées dès 2022 dans le Journal of Neurosurgery, émanant du Pr Ron Alterman, neurochirurgien au Centre médical des diaconesses Beth Israel à Boston (États-Unis). L’un de ses arguments invoque la particulière puissance de l’effet placebo de la chirurgie cérébrale dans la maladie de Parkinson, la dopamine étant un neurotransmetteur intervenant aussi bien dans les circuits de récompense et d’attente que dans ceux qui contrôlent le mouvement.

3. La surprenante piste des ultrasons

Comment ouvrir la fameuse barrière hemato-encéphalique – la membrane entourant le cerveau – et se servir de cette brèche pour administrer de nouveaux médicaments ? En octobre 2020, une équipe canadienne du Sunnybrook Hospital, à Toronto, a pour la première fois démontré que les ultrasons focalisés d’une échographie au niveau du cerveau permettaient d’agir pour améliorer l’état des patients parkinsoniens. En février, d’autres travaux internationaux publiés dans la revue New England Journal of Medicine ont également eu recours aux ultrasons mais dans un autre but : celui de détruire de manière unilatérale une zone précise, le globus pallidum, une structure cérébrale profonde connue pour être impliquée dans le contrôle des mouvements volontaires. Une centaine de patients ont été inclus dans l’essai, munis d’un casque spécial administrant des ultrasons. Avec une particularité : ils étaient totalement éveillés et pouvaient échanger avec les médecins, ce qui a permis aux neuroradiologues de surveiller en direct les effets immédiats de l’ablation des tissus cérébraux et de faire les ajustements nécessaires au cours de l’intervention.

Mais l’originalité de ce travail, qui repose sur une approche non invasive et sans incision chirurgicale, est d’avoir comparé deux groupes de patients : l’un dit d’intervention (69 personnes), où les personnes ont bénéficié des ultrasons, et un second groupe dit témoin (25), chez qui le casque ne délivrait aucun ultrason, la procédure étant simulée et factice. Les résultats montrent que c’est dans le premier groupe que l’amélioration des symptômes a été la meilleure, selon les questionnaires d’évaluation remplis par les malades ; deux tiers d’entre eux en ont même conservé le bénéfice un an plus tard, avec toutefois quelques effets indésirables (difficultés d’articulation, perte du goût, troubles visuels). Des résultats préliminaires à considérer avec précaution car ce travail a été financé par la firme israélienne Insigh-tec, fabriquant le dispositif Exablate utilisé dans l’étude. Pour les auteurs, cette ablation unilatérale par ultrasons du pallidum pourrait néanmoins consti-tuer une piste thérapeutique encourageante. Elle devra cependant être confirmée et, encore mieux, comparée aux autres techniques également en cours d’exploration.

Prévenir grâce aux montres connectées

Les montres connectées – ou smartwatches – peuvent identifier des signes précoces imperceptibles de la maladie de Parkinson jusqu’à sept ans avant le diagnostic clinique. C’est l’impressionnante démonstration publiée dans Nature Medicine par une équipe de l’université de Cardiff (Grande-Bretagne) et de l’institut britannique de recherche sur les démences. “Nous savons qu’au fur et à mesure que la maladie de Parkinson se développe, la vitesse de déplacement change, explique le Dr Kathryn Peall. Nous avons donc cherché à savoir si l’accéléromètre pouvait analyser des signes avant-coureurs de la maladie et permettre ainsi un diagnostic plus précoce. ” De fait, au moment où les symptômes caractéristiques de la maladie permettent de poser un diagnostic, 50 à 70 % des cellules de la substance noire ont déjà disparu. Conduite à partir des données de 103.712 participants porteurs d’une montre connectée, l’étude montre que l’exploitation par un algorithme d’intelligence artificielle de l’enregistrement en continu des mouvements se révèle plus fiable à la prédiction que tout autre facteur de risque connu.

4. Réveiller les neurones par infrarouge

Et si les parkinsoniens pouvaient être soignés par la lumière ? Le projet NIR (near infra red ; lire Sciences et Avenir n° 907) consiste à traiter la maladie par “photo-biomo-dulation”, c’est-à-dire en envoyant au plus près des neurones des rayons lumineux d’une longueur d’onde proche de celle de l’infrarouge, grâce à un dispositif médical implanté afin de ralentir leur dégénérescence et la progression de la maladie. Douze ans de travaux, des tests prometteurs chez l’animal et quelques brevets ont été nécessaires pour la mise au point du dispositif final constitué de trois parties : un stimulateur fournissant l’énergie implanté sous la clavicule du patient, un boîtier optique placé dans la boîte crânienne et, enfin, une fibre optique passée dans les ventricules du cerveau. Les travaux préliminaires, conduits entre autres par John Mitrofanis, neuroanatomiste à l’université de Sydney (Australie) ayant rejoint en 2021 Clinatec (Grenoble), ont été réalisés sur des souris parkinsoniennes. Ils ont montré que la lumière peut réactiver des neurones endormis et relancer leur sécrétion de dopamine. Mais seulement si celle-ci est émise à l’intérieur de la boîte crânienne, sinon elle est absorbée par les os et les tissus avant d’atteindre les neurones dopaminergiques. Porté par Cécile Moro, directrice de recherche au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le projet de Clinatec vise aujourd’hui à ralentir la progression de la maladie. L’essai clinique mené par le Pr Stephan Cha-bardès (CHU de Grenoble) inclura à terme 14 patients. En avril, ce projet a reçu l’un des prix NetExplo qui récompensent chaque année des innovations numériques.

5. Soigner par le mouvement

C’est dans les années 2000 que les premières études ont révélé que les malades réduisaient leurs activités physiques quotidiennes d’environ 30 % plusieurs années avant la pose du diagnostic, la diminution étant d’autant plus importante que la maladie est sévère et que la personne vieillit. Aujourd’hui, l’exercice physique est devenu un allié primordial dans le traitement, mais aussi en prévention. Les travaux menés chez l’animal ont démontré que l’activité physique augmente la production d’énergie par les mitochondries (les usines énergétiques de nos cellules), stimule les défenses antioxydantes de l’organisme, réduit les phénomènes inflammatoires conduisant à la dégénérescence des neurones et augmente la production des connexions entre ces derniers. Ce potentiel effet neuro-protecteur reste toutefois à démontrer chez l’humain. Les essais cliniques ont, eux, bien mis en évidence que bouger diminue le risque de chute, améliore les performances motrices et cognitives et, par conséquent, la qualité de vie. Dans un document datant de l’été 2022, relatif à la prescription d’activité physique chez les parkinsoniens, la Haute Autorité de santé précise que les activités physiques d’endurance ont démontré un effet positif sur l’équilibre, la vitesse de marche, la qualité de vie et le risque de chutes. C’est le cas avec la pratique du tai-chi (soixante minutes, deux fois par semaine pendant vingt-quatre semaines), la marche ou le yoga (deux fois par semaine pendant huit semaines). Sans oublier la danse. Car bouger sur n’importe quel rythme améliore aussi l’équilibre, le périmètre de marche et de plus est bien perçu par les patients, en favorisant le lien social. En prime, ces derniers développent leur audition car se mouvoir sur le tempo sollicite leur attention au rythme, et donc leur écoute.

Même si les mécanismes physiopathologiques de l’activité physique restent à élucider, cette intervention sur le mode de vie présente à ce jour le plus d’intérêt en raison de ses autres bénéfices comme l’amélioration des capacités musculaires et cardio-respiratoires, la réduction de l’hypertension, un sommeil de meilleure qualité et une diminution de la dépression.

L’ergothérapie et la kinésithérapie ont un effet neuroprotecteur, mais permettent aussi aux malades d’améliorer leur équilibre, leur vitesse de marche et leur qualité de vie. Crédits : AMELIE-BENOIST / IMAGE POINT FR / BSIP

D’autres médicaments à l’étude

Viser l’alpha-synucléine, cette protéine dont l’accumulation anormale joue un rôle dans le développement de la maladie de Parkinson, tout comme celle de tau pour Alzheimer, tel est l’enjeu des travaux en cours dits d’immunothérapie. Ceux-ci développent des molécules (cinpanémab, prasinézumab…) dirigées contre différents fragments protéiques de l’alpha-synucléine. Mais la relation entre l’accumulation de cette protéine et la mort neuronale fait encore débat. D’autres pistes, comme agir sur le fer qui lui aussi est stocké au niveau cérébral des parkinsoniens, sont à l’étude. Une molécule, la défériprone, fait ainsi l’objet d’un essai clinique, Fairpark. De premiers résultats encourageants ont été publiés en décembre 2022 dans la revue New England Journal of Medicine.

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