Mémoire: Durée de vie des souvenirs et minuteries moléculaires

Mémoire: Durée de vie des souvenirs et minuteries moléculaires
Mémoire: Durée de vie des souvenirs et minuteries moléculaires

Africa-Press – Burkina Faso. On garde, on garde un peu, on ne garde pas ». Si notre cerveau fonctionnait aux mains de petits personnages devant un panneau de contrôle, à la manière du dessin animé Vice-versa, celui qui serait en charge des souvenirs serait probablement un petit bureaucrate armé d’au moins trois types de marqueurs. Dans la réalité, ce sont trois protéines, de véritables « minuteurs moléculaires » que des chercheurs ont identifiés comme responsables chacun de marquer les souvenirs à garder à court, moyen et long terme. AshIl, celle qui entre en jeu dans la conservation des souvenirs sur le long terme, fait partie d’une famille de protéines déjà connue des scientifiques, qui participent à la conservation de la mémoire immunitaire après une infection !

Des minuteurs moléculaires recrutés les uns après les autres pour maintenir le souvenir

Elles s’appellent Camta1, Tcf4 et Ash1l, trois protéines impliquées dans l’activation ou la répression de gènes ou autres séquences de l’ADN. « Nous les avons identifiés en suivant les molécules qui changeaient tout au long de la tâche comportementale des souris, et plus particulièrement celles qui étaient les plus corrélées à la persistance de la mémoire », explique à Sciences et Avenir Priya Rajasethupathy, qui a dirigé ces travaux publiés dans la revue Nature. La répétition renforçant la conservation de la mémoire, son équipe a exposé des souris à plusieurs pièces à différentes fréquences, une fois sur dix à une fois sur deux. Dans ces pièces, les souris étaient exposées à plusieurs stimuli auditifs, visuels et olfactifs prédisant ou non la présence d’une récompense. Les chercheurs observaient ensuite les signes de l’anticipation d’une récompense – elles se lèchent les babines – démontrant qu’elles ont retenu les conditions liées à la récompense. « Le lendemain, elles pouvaient se souvenir aussi bien des unes que des autres, mais avec le temps, elles ont oublié les pièces moins fréquemment visitées », détaille la neuroscientifique spécialiste de la mémoire et de la cognition à la Rockefeller University (Etats-Unis).

Chez les souris, une fois le souvenir formé, le minuteur moléculaire Camta1 était requis pour le maintenir sur quelques jours, tandis que TcF4 et Ash1l étaient recrutés dans un second et troisième temps respectivement pour les conserver sur le plus long terme. Pour preuve, les chercheurs modifient génétiquement les souris par l’outil d’édition de l’ADN CRISPR afin de leur supprimer chacun de ces minuteurs. Chez ces souris, les signes d’obtention de la récompense sont oubliés très rapidement sans Camta1, et à plus long terme sans les deux autres.

Des stabilisateurs de synapses au service de la mémoire

En 2023, son équipe avait démontré que pour être conservés sur le long terme, les souvenirs sélectionnés dans la région du thalamus étaient ensuite envoyés vers le cortex. « Le trajet d’un souvenir démarre bien dans l’hippocampe, puis transite par le thalamus, qui choisit de le pérenniser sur le long terme dans le cortex ou non », expliquait alors à Sciences et Avenir Priya Rajasethupathy. « Ce processus prend plusieurs semaines chez la souris et plusieurs mois chez un humain. » Pour faire le tri, le thalamus utilise ces trois minuteurs moléculaires, détermine l’équipe dans ses nouveaux travaux. Très concrètement, ces trois minuteurs permettent de mieux stabiliser les synapses (connexions entre neurones) permettant de maintenir le souvenir. « À moins que vous ne transfériez vos souvenirs avec ces minuteries, nous pensons que vous êtes programmés pour les oublier rapidement », interprète la neuroscientifique.

Pour la première fois, ces travaux décrivent un système de programmes moléculaires recrutés au fur et à mesure du temps pour donner un sursis supplémentaire aux souvenirs. Une découverte « surprenante », rapporte Priya Rajasethupathy. « Il existe plusieurs programmes moléculaires, chacun fonctionnant dans différents circuits cérébraux, qui ont des constantes de fonctionnement de plus en plus longues », résume-t-elle. « La formation de la mémoire fonctionne selon un système rapide et plastique, mais pour conserver ces souvenirs, ils doivent être transmis à d’autres systèmes plus lents et plus durables. »

Des mécaniques similaires utilisées dans toutes sortes de mémoires

Un système qui a des ramifications bien au-delà de notre cerveau, puisque la famille de protéines à laquelle appartient Ash1l, les histones méthyltransférases, sont également impliquées dans la mémoire immunitaire et cellulaire. « Dans le système immunitaire, ces molécules aident l’organisme à se souvenir des infections passées », explique Priya Rajasethupathy. « Et pendant le développement, ces mêmes molécules aident les cellules à se souvenir qu’elles sont devenues des neurones ou des muscles et à conserver cette identité à long terme. » Pour elle, il semble donc que le cerveau réutilise ces « formes omniprésentes de mémoire cellulaire pour soutenir les souvenirs cognitifs ».

A terme, les chercheurs espèrent que ces découvertes pourront être utiles au traitement clinique de certaines pathologies affectant la mémoire. « On peut imaginer que si les neurones de l’hippocampe meurent, par exemple dans le cas de la maladie d’Alzheimer et d’autres pathologies, nous pourrions rediriger les voies mémorielles vers des circuits sains qui permettent le maintien de la mémoire », anticipe Priya Rajasethupathy.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here