Ouagadougou : Sandogo « meurt » de soif

Ouagadougou : Sandogo
Ouagadougou : Sandogo "meurt" de soif

Africa-PressBurkina Faso. Dans plusieurs villes du Burkina Faso, la saison sèche rime avec la disette en eau potable. Dans les quartiers périphériques, trouver le liquide précieux est un véritable chemin de croix. A Sandogo, un quartier de Ouagadougou, l’eau se fait rare en plein mois de décembre. Selon les résidents de ce quartier, c’est une galère permanente.

C’est une matinée du mercredi 23 décembre 2020 presqu’ordinaire pour les habitants du quartier Sandogo. Des femmes et des enfants se convergent vers l’une des bornes fontaines du quartier. Ici, tous les moyens de transport sont utilisés pour se procurer le liquide précieux. Une fois sur place, c’est une longue file d’attente des bidons d’eau qui sont alignés dans tous les sens. Le message est clair : l’eau potable se fait rare ici.

Dans ce quartier situé dans l’arrondissement n°7 de Ouagadougou, pour s’approvisionner en eau potable, les habitants consentent également des efforts tard dans la nuit. « On a pitié de nos femmes. Hier, ma femme s’est levée à 2 heures du matin pour aller dans un quartier qui est à cinq kilomètres de chez nous pour chercher de l’eau », raconte Herman Ouédraogo, un résident de Sandogo. Il ajoute également la condition dans laquelle le reste de la famille se retrouve lorsque sa femme part chercher l’eau. « Comme elle ne pouvait pas aller avec l’enfant, j’étais obligé de dormir avec le bébé. Et lorsqu’elle était sortie, moi-même je n’avais pas le cœur net », relate-t-il avec amertume.

Au moment où nous nous entretenons avec les gens devant cette borne fontaine, d’autres riverains nous envahissent. Pensant que nous sommes un agent de l’Office national de l’eau et de l’assainissement (ONEA), ils sont venus nous exprimer leur mécontentement. Un homme qui visiblement nous observait dès le début leur rassure que nous sommes un journaliste. C’est une occasion de plus pour parler de leur situation, jugent-ils. « Nous ne sommes pas contents parce qu’il n’y a pas de l’eau. L’eau, c’est la vie. Si tu n’as pas de l’eau, tu vas faire comment ? Pourtant s’il y a l’eau, quel qu’en soit le travail que tu vas faire, il n’y a pas de problème », vocifère la vieille Ilboudo.

Ce chemin de croix pour obtenir de l’eau potable est réservé pour des jeunes et non des vieilles personnes, rappelle Mariam Sanfo, une autre vieille présente à la borne fontaine. « Nous les vieilles, on n’arrive pas à boire et à nous doucher. On ne sait quoi faire. Actuellement, on cherche de l’eau pour boire d’abord pourtant nous sommes sales », se lamente-t-elle.

Un phénomène pas nouveau

Selon les résidents de Sandogo, depuis le vendredi 18 décembre 2020, l’eau ne coule plus dans les robinets, même tard dans la nuit. Mais avant cette coupure, il y avait toujours un problème d’eau dans ce quartier que les ressortissants estiment à environ cinq kilomètres du quartier Pissy. « A Sandogo, le problème d’eau est devenu annuel. Même pendant la saison pluvieuse, il n’y a pas d’eau. Dans toute la zone, il n’y a pas une concession qui pourra dire qu’il y a de l’eau de façon régulière », informe Eric Soudré.

Nazaire Kaboré, un autre habitat du quartier, emboite la même trompette tout en précisant une période. « Ce manque d’eau, nous le vivons depuis 2015 où je suis dans ce quartier. On n’a jamais eu l’eau si ce n’est qu’à partir d’une heure à trois heures du matin. Malgré qu’on a des robinets dans nos maisons, nous souffrons ».

Une famille approvisionnait les voisins en eau potable grâce à un château, rapporte Jeanne Tiolé. Sauf que deux jours (le 20 décembre) après cette longue période de coupure d’eau, un cas de décès est survenu au sein de cette famille. Conséquence, toutes les familles aux alentours sont privées d’eau.
Pour le moment, la corvée n’est pas trop ressentie dans certaines familles, indique Jeanne Tiolé. « Actuellement, les enfants sont en congé, donc imaginez notre souffrance, lorsqu’ils vont reprendre les cours », se projette-t-elle.

L’eau du basfond, un business

« A quelque chose, malheur est bon », dit-on. La vente d’eau potable connaît actuellement une spéculation à Sandogo. La barrique d’eau de 200 litres est vendue entre 1000 et 2000 Fcfa, selon la distance des ménages. Sata Dao, gérante de la borne fontaine où nous avons rencontré les riverains, est obligée d’aller chercher de l’eau dans d’autres quartiers pour revendre. « Nous souffrons beaucoup. S’il y a de l’eau, il y a du bénéfice. Actuellement, il n’y a pas d’argent parce qu’il n’y a pas de l’eau », explique-t-elle.

Selon les informations recueillies sur place, plusieurs familles puisent de l’eau dans un basfond pour leurs travaux ménagers. Situé à une centaine de mètres de la borne fontaine, nous nous sommes rendus dans cet endroit. C’est un gigantesque espace servant de dépotoir et de confection de briques en terre que nous découvrons. De loin on peut apercevoir quelques étangs, la source tant convoitée ces derniers jours.

Dans la famille de Nazaire Kaboré, cette eau sert à arroser les fleurs, nous raconte-t-il. Visiblement, les rôles de cette eau varient d’une concession à une autre. El Bechi Sawadogo, un élève en classe de troisième, accompagné de sa sœur et son frère, est venu chercher de l’eau. Avec leur six bidons de 20 litres, ils sont venus avec une charrette. Situation oblige, ils se mettent à genoux et trempent les bidons dans l’eau pour les remplir. L’autre étape consiste à recharger ces bidons dans la charrette et la pousser pour retourner à la maison. Cette eau qu’ils viennent de prendre va servir à la construction de leur maison, informe le jeune El Bechi Sawadogo.

La même Sata Dao de la borne fontaine vient également, par moment, dans ce basfond pour son business. De son côté, elle ne s’attarde pas sur ce à quoi va servir l’eau ; le plus important pour elle, c’est de livrer ses commandes.

Les factures de l’ONEA, l’autre colère

Cette pénurie d’eau tombe dans un contexte où les factures de l’ONEA n’arrivent pas à convaincre les populations, car elles estiment que les sommes à payer ne reflètent pas leurs consommations. C’est le cas de Éric Soudré qui se retrouve avec deux factures d’eau pour plus de 50.000 Fcfa. « Je n’ai jamais vu quelqu’un qui est venu prendre des relevés chez moi et on me tend des factures », indique-t-il avec un air perdu.

Quant à Nazaire Kaboré, il dit ne pas être d’accord avec cette attitude de la nationale de l’eau, parce qu’on lui a adressé une facture de 248 000 Fcfa. Il s’est rendu dans une agence de l’ONEA pour comprendre davantage cette situation. Sur place, on lui informe qu’une autre facture d’un montant similaire est en cours. Il ajoute que 72 heures plus tard, le service contentieux lui indique qu’il doit payer trois factures de 111 000 Fcfa.

Cette situation n’est pas du goût à faciliter la paix sociale, prévient Éric Soudré. « Je pense que chaque Burkinabè doit contribuer à la paix sociale mais avec de telles attitudes, vous voulez qu’on fasse quoi ? On se révolte ? On commence à rentrer dans l’incivisme ? » s’interroge-t-il. Le même jour où nous réalisons ce reportage, le Premier ministre a donné des instructions pour mettre fin aux brimades.

« Je demande à l’ONEA : ils n’ont qu’à faire pardon… »

Les habitants de Sandogo, unanimement, demandent à l’ONEA de se pencher sur leur situation. Certains appellent à plus de communication. « Il faut que l’ONEA nous parle et non se contenter d’envoyer des factures qu’on ne peut pas payer », recommande Eric Soudré. Pourtant, la nationale des eaux multiplie les sorties médiatiques. Est-ce que la communication est insuffisante ou c’est un problème technique ? « Les sorties médiatiques ne suffisent pas et je pense que c’est un mépris. Ça fait cinq ans que je suis dans ce quartier. Je suis venu trouver ce problème qui perdure chaque année », répond-il.

Quant à Nazaire Kaboré, visiblement désemparé, il supplie la nationale de l’eau : « Je demande à l’ONEA : ils n’ont qu’à faire pardon, pour leurs mamans et leurs enfants qui souffrent. Qu’ils viennent à Sandogo pour voir notre problème ». Il ajoute : « Même si le circuit de canalisation a un problème, qu’ils essaient de faire un projet pour nous installer un château d’eau ».

C’est dans un tel contexte que Sandogo et ses habitants vont passer les fêtes de fin d’année. Ils souhaitent que leur situation soit rétablie de manière définitive, car cette galère est de trop.

Cryspin Masneang Laoundiki

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