Africa-Press – Burkina Faso. Pourquoi les feuilles des arbres n’ont-elles pas toutes la même forme ?”, nous demande Guillaume Girard sur notre page Facebook. C’est notre question de lecteur de la semaine. Pour y répondre, (re)découvrez ci-dessous un extrait de notre article “Pourquoi les feuilles des arbres sont-elles si différentes ?” publié sur notre site internet en 2017.
Toutes les formes de feuilles existent
La modeste Cassiope tétragone qui couvre les sols de toundra arctique arbore des feuilles de moins d’un millimètre carré. A l’autre bout du spectre, le bananier présente des appendices de plus d’un mètre carré ! Entre les deux, toutes les tailles existent. Mais quels sont les mécanismes qui conditionnent la surface foliaire ? A priori, la réponse est évidente.
En présence de chaleur et d’eau en abondance, les plantes sont plus luxuriantes. Une équipe internationale menée par Ian Wright de l’Université Macquarie en Australie a vérifié cette assertion. Ses résultats, publiés dans la revue Science en 2017, révèlent une réalité beaucoup plus complexe.
“Partout, tout se résume à une question de budget énergétique quotidien”
L’étude croise la taille des feuilles de 7600 espèces situées dans 700 zones climatiques différentes. “Partout, tout se résume à une question de budget énergétique quotidien. En réalisant le bilan des gains et pertes d’énergie à la fois durant le jour mais aussi durant la nuit, il est possible de déterminer si la température de la feuille dépassera les seuils létaux situés entre -5°C et +50°C”, expliquait en 2017 Vincent Maire, chercheur à l’Université du Québec à Trois Rivières (Canada) et co-auteur de l’étude.
Il existe bien des zones géographiques où la chaleur et l’abondance d’eau font qu’il n’y a pas de limite théorique à la taille des feuilles. Il s’agit principalement du bassin amazonien et de la forêt équatoriale africaine. Là, les plantes ont suffisamment d’eau pour rafraîchir leurs feuilles en permanence par transpiration et maintenir une température optimale pour la photosynthèse, loin de la température de l’air ambiant.
Dans le reste de la zone intertropicale où l’eau est moins disponible, les feuilles sont plus petites “car le risque de surchauffe est trop grand durant la journée pour les grandes feuilles due à leur incapacité à perdre rapidement la grande quantité de chaleur acquise par le rayonnement solaire”, poursuit Vincent Maire.
Des feuilles petites pour éviter le gel durant la nuit
En revanche, en zone tempérée, en altitude et dans les zones arctiques, ce n’est pas le risque de surchauffe qui est le facteur limitant, mais le risque de gel durant la nuit. “Avec une couche isolante d’air importante, la grande feuille dissipe une trop grande part d’énergie dans les longues longueurs d’onde vers le ciel, qui ne peut pas être compensée par la température de l’air ambiant. Ce phénomène peut provoquer un gel même lorsque la température de l’air ambiant est supérieure à zéro”, assure Vincent Maire.
Résultat: sur 51% de la surface de la planète, c’est le risque de dommages par le gel durant la nuit qui est le facteur limitant de la taille des feuilles et non la chaleur du jour.
“C’est une idée nouvelle qui bat en brèche l’idée que seules la chaleur et l’eau expliquent la taille des feuilles”, salue Patrick Laufs, chercheur à l’Institut Jean-Pierre Bourgin (Inra-AgroParisTech) qui n’a pas participé à l’étude.
Cette règle énergétique prévaut pour expliquer les différences de taille au sein d’une même espèce selon leur emplacement au sud ou au nord de son aire de répartition. De même, un seul arbre peut produire des feuilles de taille différente, celles de la canopée en contact avec le rayonnement solaire étant plus petites que celles poussant à l’ombre de la canopée.
Ces résultats sont le fruit d’une double approche: empirique et théorique. En prenant en compte le rayonnement solaire, la pluviométrie, la température, le modèle théorique reconstitue le bilan énergétique d’une feuille et calcule sa taille maximale. Les valeurs observées ne dépassant pas cette taille maximale, ce modèle à l’échelle de la feuille s’en retrouve globalement validé.
Ce modèle peut avoir plusieurs applications. “Pourquoi ne pas s’en servir pour optimiser la taille des feuilles des plantes cultivées et ainsi améliorer les rendements agricoles ?”, propose Patrick Laufs. “Ce travail prédictif va aussi permettre de mieux calculer le rôle de stockage de carbone des plantes dans le cadre d’une évaluation du rôle des végétaux comme puits de gaz à effet de serre”, assure Vincent Maire. Même les paléontologues y trouveront leur compte, en déduisant de la taille des feuilles fossilisées les conditions climatiques dans le passé de la Terre.
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