S’adapter ou disparaître dans le régime alimentaire

S'adapter ou disparaître dans le régime alimentaire
S'adapter ou disparaître dans le régime alimentaire

Africa-Press – Burkina Faso. Il y a entre 150.000 et 13.000 ans, les territoires d’Asie du Sud-Est ont connu de profondes variations climatiques, avec des paysages alternant entre forêts denses et milieux plus ouverts. Dans ce contexte changeant, toutes les espèces n’ont pas su s’adapter, certaines ont disparu mais d’autres ont réussi à survivre et même à prospérer. Une équipe menée par le Max Planck Institute of Geoanthropology s’est appuyée sur l’analyse de 141 dents fossiles retrouvées au Vietnam et au Laos pour comprendre les raisons de ces trajectoires différents. Les résultats, publiés dans la revue Science Advances, montrent que la capacité à modifier son régime alimentaire et son habitat a constitué une véritable assurance vie.

Lire les environnements passés dans les dents fossiles

Pour cette étude, les chercheurs ont étudié les isotopes du carbone, de l’oxygène, de l’azote et du zinc afin de reconstituer à la fois le régime alimentaire et le milieu de vie des animaux. « Chaque isotope nous renseigne différemment sur la vie d’un animal », explique Nicolas Bourgon, premier auteur de l’étude. « Le carbone distingue l’origine des ressources alimentaires, qu’elles proviennent de forêts ou de prairies. L’oxygène est lié à l’eau et au type de végétation, fournissant des indices sur le climat et l’humidité de l’habitat. L’azote renseigne sur la position trophique, et le zinc, plus récent comme traceur, permet d’identifier les omnivores et même les différentes stratégies alimentaires des herbivores ».

Grâce à ces marqueurs, les chercheurs ont pu établir des profils précis notamment en utilisant les isotopes du zinc (δ66Zn) qui montrent un gradient clair selon le régime: les carnivores présentent les valeurs les plus faibles, les herbivores les plus élevées, et les omnivores se situent entre les deux. Ils permettent aussi de distinguer »parmi les herbivores, ceux qui se nourrissent principalement de plantes basses comme les graminées et ont tendance à présenter des valeurs de δ66Zn légèrement plus élevées, des mangeurs de feuilles (et possiblement de fruits) qui présentent, eux, des valeurs plus faibles au sein des herbivores », détaille Nicolas Bourgon.

En croisant ces signatures avec celles du carbone, l’équipe a pu localiser les zones d’alimentation, du cœur de la canopée des forêts tropicales jusqu’aux zones ouvertes. Ces analyses ont révélé que des espèces comme les cervidés sambars, les macaques ou les sangliers présentaient une large amplitude isotopique, signe d’une grande plasticité écologique. À l’inverse, les orangs-outans, tapirs ou rhinocéros montraient des signatures liées à des habitats très spécifiques. Les premiers ont donc mieux traversé les changements climatiques et environnementaux que les seconds.

Un avertissement pour les espèces d’aujourd’hui

Les orangs-outans, aujourd’hui confinés à Bornéo et Sumatra, peuplaient autrefois une large partie de l’Asie du Sud-Est. Les données isotopiques montrent qu’ils restaient attachés aux forêts fermées, même quand les conditions devenaient moins favorables. « Même si les orangs-outans actuels peuvent se rabattre sur d’autres ressources, leur survie dépend encore de l’intégrité des forêts tropicales », rappelle, dans un communiqué, Nguyen Thi Mai Huong, co-autrice de l’étude et chercheuse à l’Institut d’archéologie du Vietnam.

Pour Patrick Roberts, chercheur au Max Planck Institute et coauteur principal, l’enseignement est clair: comprendre les stratégies de survie du passé aide à anticiper la résilience des espèces d’aujourd’hui. Dans une région où la déforestation est désormais la plus rapide du monde tropical, l’histoire écologique inscrite dans ces dents fossiles prend une résonance particulière.

Et la méthode n’en est qu’à ses débuts. « Nous étendons maintenant cette approche à d’autres régions d’Asie tropicale, et nous envisageons de l’appliquer aux anciens humains », indique Nicolas Bourgon. « Cela permettrait de retracer comment nos ancêtres ont adapté leur alimentation et leur utilisation des terres à des environnements changeants, et peut-être de comprendre comment cette flexibilité a contribué à leur survie, voire à la transformation des paysages », conclut-il.

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