Seconde Guerre mondiale : Des Voltaïques enterrés dans la ville de Rome

Seconde Guerre mondiale : Des Voltaïques enterrés dans la ville de Rome
Seconde Guerre mondiale : Des Voltaïques enterrés dans la ville de Rome

Africa-PressBurkina Faso. Des tombes portant des noms à consonnance burkinabè dans un cimetière de la ville de Rome ; c’est le constat fait par le père Charles Kinda de la communauté des Camilliens. Dans ce témoignage, il vivre la mémoire de ces soldats morts pour la France pendant la Campagne d’Italie (1943-1944) de la Seconde Guerre mondiale.

Nous sommes à Rome, en Italie. Ce matin, je me décide de faire une petite promenade hors du couvent où je réside. A quelques 500 m de ma communauté religieuse, je me retrouve dans un endroit assez singulier, bien entretenu. Ce n’était pas la première fois que je venais en ce lieu calme et tranquille, un peu éloigné de la rumeur de la circulation, mais c’est bien la première fois que je me décide à passer saluer individuellement les « habitants » du lieu.

Au cœur de la Réserve naturelle de Monte Mario, sur l’une des nombreuses collines qui surplombent la ville de Rome, s’étend ce cimetière où sont enterrés plus d’un millier de personnes, parmi lesquelles des burkinabè. Qui sont-ils et de quelles provinces du Burkina viennent-t-ils ?

Pour avoir quelques bribes de réponses, il faudrait remonter le temps jusqu’à l’époque de la grande guerre. Ce cimetière militaire français de la Seconde Guerre mondiale accueille en effet les corps de combattants du C.E.F (Corps Expéditionnaire Français) tombés pendant la Campagne d’Italie 1943-1944.

Le pays transalpin ayant été envahi par l’armée allemande et en partie dirigé par un gouvernement pro-nazi, les troupes qui ont combattu dans les rangs alliés lors de la lente reconquête de la péninsule italienne étaient appuyées par des troupes des colonies françaises de l’Afrique du nord appelés souvent “goumiers” et celles de l’Afrique de l’Ouest. « Goumier » est un terme utilisé pour indiquer un soldat marocain incorporé dans l’armée Française entre 1908 et 1956. Le terme a également été utilisé occasionnellement pour désigner des soldats de l’armée française du Soudan Français et de la Haute-Volta pendant la période coloniale : les tirailleurs sénégalais, corps de militaires appartenant aux troupes coloniales ; des unités d’infanterie qui vont rapidement désigner l’ensemble des soldats africains de couleur noire qui se battent sous le drapeau français et qui se différencient ainsi des unités d’Afrique du Nord, telles les tirailleurs algériens.

En Italie, de novembre 1943 à juillet 1944, sous les ordres du général Juin, le Corps Expéditionnaire Français avait un effectif global de 125 000 hommes dont 54 % issus des colonies, à majorité nord africains.

Au lendemain des combats qui ont fait au moins 7000 morts, on enterra les victimes sur les lieux mêmes de la bataille et, à la fin de 1944, il existait 55 petits cimetières militaires et plus de 2000 tombes isolées dans les Abruzzes, le long du Garigliano, dans le Latium et au-delà de Rome, vers Sienne, les rives de l’Arno, ainsi qu’à l’ile d’Elbe. Plus tard on décida de regrouper les morts dans trois grands cimetières, puis par la suite dans deux cimetières : Venafro et Rome.

Tous les soldats ont été enterrés de la même manière. Ils ont été inhumés en tombes individuelles et collectives. Les sépultures sont ornées de croix latines, de stèles musulmanes, israélites, libres-penseurs (animistes) suivant la religion de chaque mort. Sur la stèle ou sur la croix on peut y lire le nom et le prénom de la personne (ou seulement l’un des deux), sa compagnie (et éventuellement le grade), puis la date de décès. Et enfin l’inscription “mort pour la France”.

Sur quelques rares tombes, on peut voir une petite plaque en marbre ou une fleur en porcelaine accompagnées des inscriptions suivantes : « A mon frère », « souvenirs », « A mon père », « le temps passe mais les souvenirs demeurent » etc. Des marques d’affection laissées par un parent qui a reconnu la tombe d’un être cher.

Comme dans tout cimetière militaire, il n’est pas rare de rencontrer des tombes de soldats inconnus. Par ailleurs, plusieurs tombes sont in memoriam (en mémoire de) car les corps qu’elles contenaient ont été restitués aux frais de la nation aux familles qui en avaient formulé la demande. Ces tombes furent toutefois conservées afin de ne pas rompre l’alignement des rangées d’emblèmes et pour préserver l’aspect harmonieux des cimetières.

C’est ainsi que parmi les prénoms qu’on peut lire sur les stèles qui ornent les diverses tombes, le visiteur qui vient du Faso est surpris de tomber sur des noms à consonnance burkinabè :
Maliki SOULGA, soldat 1 CI 5 Bon de Marche, 6-6-44.
Koulga ILBOUDO, Soldat, 5 Bon de Marche 15-6-44
Beidari MAIGA, Soldat 1 CI 4 Bon de Marche 10-6-44
Sié KAM, Soldat 1 CI 24 Bon de Marche 18-6-44
Kouka NIAKEMA (certainement NIKIEMA), Soldat, 4 Bon de Marche 13-6-44
Razoussedia SAOYADOGO (peut-être un SAVADOGO), Soldat 5 B.M.N.A. 10-6-44
Niemberata GANSORE, Soldat, 4 Bon de Marche, 12-6-44

La liste n’est pas exhaustive. Ce sont sans doute des voltaïques qui ont été contraints de quitter leur lointain pays pour aller lutter contre les hordes hitlériennes au nom de la liberté des peuples à disposer de leur autonomie. Plusieurs de ces personnes qui ont traversé la grande eau pour venir se battre au pays des blancs, et qui sont certainement des portées disparues à jamais pour leurs familles, dorment du repos éternel dans la ville éternelle, et sans doute aussi dans le plus grand cimetière, celui de Venafro, à une centaine de kilomètres de Rome où on recense plus de 4 000 tombes.

Des recherches plus officielles et plus approfondies pourraient aider à savoir plus ou moins le nombre exact de burkinabè qui y sont enterrés, et à retrouver les régions de provenance de ces compatriotes, et pourquoi pas leurs familles, pour un devoir de mémoire. En attendant, au cimetière de Rome, le 11 novembre de chaque année, une cérémonie solennelle, en présence de l’ambassadeur de France à Rome leur rend hommage. Qu’ils reposent en paix.

 

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