Un exceptionnel fossile renseigne sur le régime alimentaire des jeunes tyrannosaures

Un exceptionnel fossile renseigne sur le régime alimentaire des jeunes tyrannosaures
Un exceptionnel fossile renseigne sur le régime alimentaire des jeunes tyrannosaures

Africa-Press – Burkina Faso. C’est lors d’une campagne de fouille dans le Dinosaur Provincial Park, au cœur des badlands en Alberta, que Darren Tanke du Musée royal Tyrrell a repéré quelques os qui affleuraient du sol. Une rapide inspection lui a permis de comprendre qu’il s’agissait là d’ossements ayant appartenu à un jeune tyrannosaure.

Une découverte déjà importante en soit car les restes conservés de juvéniles appartenant à ce groupe ne sont pas légions. « Mais lors du nettoyage du fossile en laboratoire, on a aperçu des petits orteils transperçant les côtes du tyrannosaure. On s’est alors rendu compte qu’il y avait des morceaux de deux petits et jeunes dinosaures ressemblant à des oiseaux préservés dans la région de l’estomac du tyrannosaure. Quand j’ai vu le spécimen pour la première fois, j’étais incrédule, sachant qu’aucune grande espèce de tyrannosaure n’avait jamais été trouvée avec des proies dans son estomac. C’est un fossile unique dans l’histoire d’une carrière ! » se réjouit Darla Zelenitsky de l’Université de Calgary, co-autrice de la recherche le concernant.

Deux épisodes d’alimentation

Le tyrannosaure en question est un Gorgosaurus libratus, un tyrannosaure proche de l’Albertosaurus et plus lointainement lié au T. rex même s’il en est morphologiquement proche quoiqu’un peu moins imposant.

Ces animaux sont retrouvés en Alberta et dans le Montana et ils vivaient il y a environ 75 millions d’années. Le spécimen décrit dans cette étude, qui est publiée dans la revue Science Advances, est un juvénile âgé de 5 à 7 ans qui abritait donc dans son estomac les os des jambes et des pieds de deux petits dinosaures (Citipes elegans) ressemblant à des oiseaux, du groupe des oviraptorosaures.

Tous les deux étaient âgés de moins d’un an quand ils ont été croqués. « D’après les examens menés sur les os de ces dinosaures et notamment leur état de dégradation par les sucs gastriques, nous pouvons affirmer que le Gorgosaurus est mort dans la semaine qui a suivi leur ingestion et également que ces deux pattes ont été avalées lors de deux repas différents séparés de quelques heures », précise François Therrien, du Musée royal Tyrrell et co-auteur de l’étude.

Le fait qu’il soit retrouvé deux morceaux identiques (les pattes sont probablement les parties les plus charnues) de deux proies appartenant à la même espèce suggère fortement que le jeune tyrannosaure avait une appétence particulière pour ceux-ci. Sans doute également qu’ils étaient présents en nombre à son époque ; même s’ils sont rares à l’état fossile, leurs os étant fragiles comme ceux des oiseaux.

Et probablement étaient-ils aussi faciles à chasser, en tout cas pour un tyrannosaure juvénile qui était plus gracile mais également plus athlétique qu’un adulte.

Des proies différentes au cours de la vie

Cette découverte, unique, répond en partie à une question que se posaient depuis longtemps les paléontologues : « Les jeunes tyrannosaures bénéficiaient-ils du butin de la chasse en meute menées avec leurs aînés ou chassaient-ils leurs propres proies plus petites ? », résume François Therrien.

Bien qu’aucun adulte n’ait jamais été découvert avec son contenu gastrique, plusieurs dinosaures herbivores tels que des Edmontosaurus, des dinosaures à bec de canard, des Triceratops et même de gros sauropodes ont été retrouvés avec des traces de morsures, indiquant qu’ils étaient chassés par des adultes.

Le fait que le juvénile se soit attaqué à de plus petits dinosaures carnivores indique que selon les stades de leur vie, les tyrannosaures choisissaient des proies de taille différente. De nos jours, les dragons de Komodo et certains crocodiles pratiquent la même sélection.

« C’est une hypothèse que nous avions formulée en 2021, dans une étude parue dans le Canadian Journal of Earth Sciences. Celle d’un changement ontogénétique de régime alimentaire tout simplement en raison de la grande différence de taille entre les juvéniles et les adultes », souligne Darla Zelenitsky. « De fait, la progéniture de ces dinosaures carnivores est issue d’œufs relativement petits. Les nouveau-nés n’étaient donc pas très gros (peut-être quelques kilos) et devaient grandir énormément pour atteindre leur taille adulte. Cette évolution se traduit par des changements prononcés dans le squelette, les mandibules et les dents » complète-t-elle.

Ainsi ce Gorgosaurus, pourtant âgé de 5 à 7 ans, pesait tout juste 335 kg, soit seulement 13% de sa masse estimée à l’âge adulte.

Certains spécimens excavés indiquent, en effet, qu’ils pouvaient mesurer 8 à 9 mètres de longueur pour un poids de 2,5 tonnes ! « Ces changements majeurs dans les proportions corporelles, à mesure que les tyrannosaures grandissaient jusqu’à l’âge adulte, indiquent que leurs stratégies de chasse et leurs proies étaient très différentes de celles des juvéniles, et potentiellement très différentes de celles des autres grandes espèces de dinosaures carnivores » souligne la paléontologue.

Tout se joue autour de 11 ans

Chez les tyrannosaures, l’âge de bascule semble se situer vers 11 ans. Avant, ils possèdent encore leur allure élancée, une mâchoire plus effilée bien que certainement meurtrière et des dents ressemblant à des lames tranchantes faites pour mordre et découper.

« Après l’âge de 11 ans, ils deviennent beaucoup plus massifs et leur morsure progressivement plus puissante. Les dents se transforment aussi et prennent la forme de bananes, longues et coniques, capables de déchirer de gros morceaux de chairs et de broyer des os », raconte François Therrien.

Il est probable que ces changements morphologiques soient aussi associés à des modifications hormonales, une sorte de puberté chez les tyrannosaures, puisque c’est autour de cet âge que se met également en place la capacité reproductive.

Outre son caractère contraint par des nécessités anatomiques, ce changement de diète présente certains avantages : puisque adultes et jeunes ne consomment pas les mêmes proies, ils n’entrent pas en compétition et peuvent donc cohabiter avec plus de sérénité dans le même écosystème.

Plus globalement, il n’existe pas à cette période du Crétacé et dans cette région de mésoprédateurs (un prédateur de taille moyenne situé au milieu de la chaîne trophique). Les tyrannosaures juvéniles avaient donc tout loisir d’occuper cette niche écologique vacante et de croquer à loisir des oviraptorosaures jusqu’à atteindre leur taille adulte et devenir alors des superprédateurs.

Curieusement, ce changement de niche écologique au sein des tyrannosaures a également été expérimenté à une autre (et bien plus vaste) échelle par le groupe des tyrannosauridés. Ces prédateurs occupaient, en effet, la niche des mésoprédateurs de la fin du Jurassique supérieur et jusqu’au début du Crétacé supérieur (de -157 à -90 Ma environ) et ils ont évolué pour devenir de superprédateurs dans la dernière partie du Crétacé après l’extinction des grands allosauridés tels que l’Allosaurus.

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