Une avancée majeure pour retarder le diabète

Une avancée majeure pour retarder le diabète
Une avancée majeure pour retarder le diabète

Africa-Press – Burkina Faso. C’est un espoir inédit : un nouveau médicament permet de retarder de trois ans en moyenne l’apparition du diabète de type 1 qui survient majoritairement chez l’enfant (60 % des cas). Trois années de moins, c’est loin d’être négligeable au vu des contraintes imposées par cette maladie (injections quotidiennes d’insuline, calculs précis des apports en sucres lors des repas, adaptation quotidienne en fonction des efforts physiques…). “Il s’agit du premier médicament capable de modifier l’évolution naturelle de la maladie “, commentait Roberto Mallone, professeur d’immunologie clinique et diabétologue à l’hôpital Cochin, à Paris, lors de la séance plénière du congrès de la Société francophone du diabète qui s’est tenu à Montpellier fin mars.

Pour comprendre comment agit ce médicament, il faut d’abord rappeler ce qu’est le diabète de type 1. Il s’agit d’une affection complexe, dite auto-immune, au cours de laquelle certaines cellules immunitaires, les lymphocytes T, s’attaquent aux cellules bêta-pancréatiques productrices de l’insuline, l’hormone nécessaire à la régulation de la glycémie dans le sang. En principe, pendant l’enfance, les lymphocytes T “apprennent” à reconnaître les tissus du “soi” pour ne pas les attaquer. Mais chez les personnes qui vont développer un diabète de type 1, cet apprentissage échoue pour certains lymphocytes T qui, en s’activant, s’attaquent au pancréas. Les chercheurs de la compagnie pharmaceutique Provention Bio (Sanofi) ont réussi à mettre au point une molécule, le téplizumab (Tzield), qui inactive les lymphocytes T, stoppant ainsi leur action destructrice. Comment ? En se liant à une protéine présente à la surface des lymphocytes, le CD3 ; d’où leur nom d’anti-CD3.

Cette approche a fait la première preuve de son efficacité en 2019 avec les résultats d’un essai pionnier international publiés dans le New England Journal of Medicine. Coordonné par le Dr Kevan Herold, président de TrialNet, un réseau clinique américain consacré au diabète de type 1, cet essai avait alors clairement démontré que l’anticorps anti-CD3, administré quotidiennement en intra-veineuse durant quatorze jours, permettait de différer l’apparition de la maladie de trois ans en moyenne. L’étude avait été menée contre placebo dans deux groupes différents de personnes jeunes, sans antécédents familiaux ou avec des parents, frères ou sœurs diabétiques. Toujours en cours d’évaluation, la molécule est testée dans l’essai européen Protect auprès de 300 participants de 8 à 17 ans, chez qui le diagnostic de diabète de type 1 a été posé six semaines avant leur inclusion dans l’essai.

Mais à quel moment faut-il administrer ce médicament, vu que l’on ne sait pas prédire le déclenchement de la maladie ? Ce dernier est en réalité progressif, s’étalant sur plusieurs années. Aujourd’hui, les spécialistes s’accordent à différencier trois stades pour le diabète de type 1 (voir l’infographie ci-dessus). Des marqueurs sanguins (auto-anticorps) permettent de déceler l’atteinte pancréatique au stade 2.

De nombreuses études ont démontré que près de 95 % des personnes détectées à ce stade développent une hyperglycémie dans les cinq ans. Le traitement avec l’anti-CD3 peut donc être commencé au plus tôt, dès le diagnostic posé. Aux États-Unis, l’agence du médicament (la Federal Drug Administration) a donné son feu vert l’hiver dernier pour administrer le teplizumab dès l’âge de 8 ans. La molécule n’est en revanche pas encore disponible en France. Mais l’attente est grande, “ce résultat étant une véritable fracture dans l’histoire du diabète pédiatrique “, comme le remarquait le Pr Jacques Beltrand (hôpital Necker-Enfants malades, Paris) pendant le congrès montpelliérain. D’autres molécules (abatacept, anti-TNF-alpha…) visant les lymphocytes font également l’objet d’essais.

Préserver la fonction des cellules bêta

Diverses stratégies, qui visent à préserver les fameuses cellules bêta se développent en parallèle. Par exemple avec le vérapamil, une substance utilisée depuis longtemps dans le traitement de l’hypertension artérielle. Des essais menés chez l’animal ont montré en 2018 que cette molécule pouvait inhiber la transcription d’un gène permettant la synthèse d’une protéine impliquée dans la destruction des cellules bêta, encore mal comprise.

Comme le résumait déjà en 2016 Roberto Mallone, “le diabète de type 1, c’est un peu le bon, la brute et le truand “. Avec respectivement dans le rôle du “bon”, le thymus, la glande qui produit les lymphocytes T (la “brute”). Quant au “truand”, il serait interprété par la cellule bêta : “Longtemps considérée comme une simple victime, elle n’est pas totalement innocente et participe activement à son autodestruction “, détaille le spécialiste. D’où l’idée de diminuer leur mort programmée. Recourir au vérapamil pourrait ainsi préserver la fonction des cellules bêta.

Des essais sont menés tout particulièrement au sein du programme européen Innodia de dépistage chez les proches de personnes déjà atteintes par le diabète de type 1. Et des combinaisons futures associant le téplizumab au vérapamil sont même déjà envisagées. Une autre approche dite de thérapie cellulaire, cette fois chez l’adulte, a été par ailleurs récemment annoncée.

Un programme européen de dépistage pour les proches de diabétiques

Lancé il y a six ans, le programme européen Innodia* (13 centres en France) permet aux proches de patients déjà connus comme atteints de diabète de type 1 de se faire dépister sur un mode totalement volontaire. Analyses régulières de sang pour les dosages d’auto-anticorps et aussi d’urine et de selles sont réalisées chez les apparentés au premier degré (frères, sœurs, parents ou enfants), le risque de diabète de type 1 étant pour eux 10 à 20 fois plus élevé que dans la population générale. À ce jour, près de 6000 Européens ont déjà participé, dont 618 en France. 44 d’entre eux ont été dépistés avec des auto-anticorps positifs et bénéficient d’une surveillance attentive.

Autant de perspectives de traitements qui posent la question du dépistage en population générale. La plus vaste tentative au monde à ce jour est l’étude FR1da. Démarrée en Allemagne en 2015, elle a porté sur près de 100.000 enfants d’âge scolaire. “Son intérêt est d’avoir démontré que la recherche d’auto-anticorps, par le simple dépôt d’une goutte de sang sur un papier buvard, était possible dans ce cadre “, précise Roberto Mallone. Résultat : près de 300 enfants dépistés, faisant depuis l’objet d’une surveillance biologique rapprochée et d’un recrutement dans des essais de prévention. À ce jour, une telle opération n’est pas prévue dans l’Hexagone.

La piste des facteurs environnementaux

Mais d’autres équipes ont décidé d’aller encore plus loin. L’objectif est d’aborder cette fois la prévention primaire, pour agir avant même l’apparition de tout phénomène d’auto-immunité. En clair, modifier les facteurs environnementaux dont le rôle dans la genèse du diabète de type 1 est suspecté depuis longtemps. Voilà en effet plus de cinquante ans que les scientifiques supposent qu’une infection virale par un agent de la famille des entérovirus (des virus à ARN) est impliquée dans le déclenchement de la maladie.

Pour la première fois en 2011, une métanalyse publiée dans le British Medical Journal par des chercheurs de l’Université de Nouvelle-Galles-du-Sud (Australie) a conclu à une association cliniquement significative. Récemment, à l’automne 2022, la même équipe australienne a réussi à confirmer ses travaux dans une étude présentée lors d’un congrès européen du diabète et publiée dans la revue Diabetologia. En utilisant des techniques virologiques moléculaires des échantillons (sang, selles, urine) de 12.000 volontaires diabétiques âgés de 0 à 87 ans, les chercheurs ont démontré que le risque d’infection à entérovirus était huit fois plus élevé chez les diabétiques que chez les volontaires sains. L’étude a aussi relevé que les diabétiques avaient 16 fois plus de risques que des sujets en bonne santé de contracter une infection à entérovirus dans les mois qui suivent le diagnostic du diabète.

D’autres travaux, menés cette fois en Finlande, ont précisément identifié certains membres de la famille des entérovirus, en l’occurrence les Coxsackievirus de type B. Une avancée qui ouvre de nouvelles perspectives tant vaccinales que thérapeutiques. Dans le premier cas, l’idée est de développer un vaccin anti-Coxsackievirus et de l’administrer chez les très jeunes enfants à risque, avant même que ceux-ci ne soient exposés à ces agents. De premiers essais commencés chez les rongeurs et les primates sont encourageants. Pour le second, il s’agira de mettre au point des antiviraux et là encore, de les proposer au plus tôt.

Si, aujourd’hui, les diabétiques ont accès à des dispositifs automatisés d’administration d’insuline (pancréas artificiel) pour remplacer les injections sous-cutanées (lire S. et A. n° 892), les perspectives à long terme pour prévenir et traiter le diabète n’ont jamais été aussi enthousiasmantes. Avec l’espoir de réduire considérablement le chiffre de 2 millions de décès annuels causés par le diabète, tous types confondus.

La piste des cellules souches transformées

En mars, l’autorité sanitaire américaine (FDA) a donné son feu vert pour une thérapie inédite contre le diabète de type 1. Nom de code : VX264. L’idée est de transformer in vitro des cellules souches embryonnaires en cellules bêta-pancréatiques et de les implanter par voie veineuse chez des patients atteints d’un diabète de type 1 sévère. Cette thérapie cellulaire a été minutieusement mise au point par le Melton Lab à Harvard (Cambridge, États-Unis). Un premier test conduit chez un homme de 65 ans avec un protocole similaire a, selon des résultats présentés lors de congrès spécialisés mais non publiés, permis de se passer d’insuline depuis près d’un an et demi. Les essais doivent maintenant inclure 17 patients dans le monde. Pour la première fois, les cellules seront encapsulées dans un dispositif permettant de s’affranchir des traitements immunosuppresseurs.

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