Vente de gapal liquide : un mets local du Sahel prisé à Koudougou

Vente de gapal liquide : un mets local du Sahel prisé à Koudougou
Vente de gapal liquide : un mets local du Sahel prisé à Koudougou

Africa-Press – Burkina Faso. Le ‘’gapal’’, variante du groupe ‘’tchobal’’ (pâte à base de farine de petit mil), est un met traditionnel fait à base de petit mil, de lait local ou poudre et de sucre. Cet aliment, originalité du Sahel, généralement offert pour souhaiter la bienvenue à l’étranger, est prisé à Koudougou dans la région du Centre-Ouest. Madgap, Gapal du Faso, Super Gapal, Gapal de Koudougou, Gapal barani kossam…, sont entre autres, des adresses de promoteurs. Découverte de cette boisson, dans ses maillons de production, conservation et commercialisation

Débutée en 2016 avec la vente de glace et de jus (bissap, ‘’teedo ‘’, tamarin, ‘’zoom-koom’’), l’entreprise, Univers de la glace alimentaire et du jus naturel (UGAJN) de son promoteur, Hamado Nebié, par ailleurs consultant-formateur en entrepreneuriat et business coach, a associé la production du ‘’gapal’’ il y a de cela deux ans. Ses tentatives de suivre une formation dans la production de cette boisson traditionnelle avec ses devanciers sont restées vaines. Loin de se décourager, Hamado Nebié et son épouse Nassourata se rabattent sur les femmes qui font du ‘’gapal’’, juste pour les fêtes en famille, afin de glaner quelques informations à des fins d’expérimentation. Avec un kilogramme de lait en poudre au départ, l’entreprise utilise aujourd’hui deux sacs de 50 Kg de lait et sept plats (‘’yoruba’’) de petit mil, tous les trois jours, avec un chiffre d’affaires qui oscille entre 180 à 200 mille F CFA. « Gapal de Koudougou se vend plus que le jus. Il est très voisin du yaourt et c’est dans la composition que le consommateur saura qu’il y a du petit mil », explique M. Nebié. Il soutient que si Koudougou est devenue la ‘’ville du gapal’’, c’est parce que le produit se vend beaucoup et il est apprécié par les clients.

Il justifie que ceux qui sont restés dans la production ‘’non dénaturée’’ du ‘’gapal’’, en utilisant le lait local c’est-à-dire naturel, de la vache, sont ceux de la ville de Dori, parce que dans cette ville, selon lui, on peut s’en approvisionner en quantité importante. « Faut-il garder un ‘’gapal’’ originel qui se vend moins, comparativement à un ‘’gapal’’ dénaturé qui est très prisé par les clients ? », s’interroge-t-il. S’il est difficile pour lui de s’offrir ce luxe dans la production avec le lait local au regard de la forte demande, la promotrice de Gapal barani kossam, Tomousso Koala, a opté pour le lait naturel, depuis plus d’une dizaine d’années, dans la production du yaourt, du lait pasteurisé, du ‘’déguè’’, du ‘’teedo’’ et du ‘’gapal’’. De l’ethnie peulh, Mme Koala avoue que le lait local fait partie de sa culture et en plus, est sain. Elle dit prendre une soixantaine de litres de lait tous les trois jours avec les fermiers, pour toute la production et plus de 120 litres en saison hivernale. « Le Gapal barani kossam n’est pas lourd. La farine est fine par rapport à la manière traditionnelle, mais avec la même quantité de lait », précise-t-elle. La production du ‘’gapal’’ prend énormément de temps et il est très exigeant en matière d’hygiène, comme tout produit laitier, de l’avis des promoteurs. La fermentation du yaourt est encore plus longue surtout en période de fraicheur. Hamado Nebié dit réfléchir à la possibilité d’avoir un système de chauffage pour la salle de production, pour une fermentation plus rapide.

Il confie que les filles ou les femmes en période de menstrues n’ont pas accès à la salle de production, parce que le ‘’gapal’’, tout comme autre produit laitier, est très exigeant en matière d’hygiène. Ce secret, dit-il, lui a été donné par un producteur de ‘’déguè’’ dans les années 1984. Son épouse Nassouratou Nebié révèle que parmi ses employées, celles qui sont en période de menstrues la préviennent, pour qu’elle puisse prendre les dispositions. « Si parmi elles, il y a une qui est indisposée et elle ne se signale pas, cela se ressent sur le ‘’gapal ‘’», fait-elle savoir. Karidja Barry, membre de l’association Her Rising qui a suivi des formations sur la production de ‘’gapal’’, yaourt et ‘’déguè’’, souligne que ce mets ne peut être produit ou vendu dans n’importe quel espace. Si la production est malsaine, nombre de personnes peuvent être contaminées. « Le gingembre et le bissap peuvent tuer certains germes, mais le lait les accueille favorablement. Les produits laitiers doivent être transformés dans des conditions d’hygiène très respectables. Dans les normes, une personne qui se lance dans la production laitière doit s’assurer qu’elle est saine», recommande-t-elle. Elle affirme qu’il existe une charte de production, de conservation et de commercialisation. Malheureusement, regrette-t-elle, beaucoup n’ont aucune notion sur cette charte.

Tomousso Koala dispose d’une salle de collecte et de transformation. Après réception, le lait est essoré et tamisé davantage, dans des récipients propres et couverts, avant d’être transformé. Toutes les étapes doivent se faire dans une salle fermée, afin d’éviter la poussière et les microbes. Le ‘’gapal’’ requiert aussi des conditions de conservation rigoureuses, étant donné qu’il est sensible à la chaleur. C’est la raison pour laquelle, certains promoteurs sont réticents, quant à la livraison de leurs produits dans certaines alimentations. Gapal de Koudougou livre dans une seule boutique à Ouagadougou et dans deux alimentations dans la cité du Cavalier rouge. Le promoteur fait le constat sur les conditions de conservation, avant d’accepter les commandes. « Si les alimentations nous approchent pour une livraison et nous constatons qu’elles ont des réfrigérateurs où sont conservées plusieurs boissons à la fois, nous n’acceptons pas », révèle-t-il. Il confie qu’un client voulait qu’il lui envoie du ‘’gapal’’ à Ouahigouya avec les compagnies de transport, mais vu la distance, il a refusé. « Le trajet Koudougou-Ouahigouya fait 10 heures. Le ‘’gapal’’ non congelé et frais ne doit pas excéder 5 heures de voyage. Mais pour 10 heures, nous n’allons pas prendre ce risque, parce que nous avons une vision dans notre production et nous n’allons pas ternir notre image avant d’y arriver», avoue-t-il. Tomousso Koala refuse également de livrer son produit dans les alimentations. Elle se souvient qu’une dame l’a interpelée une fois, lorsqu’elle a acheté le Gapal barani kossam dans un supermarché, pour lui dire que le produit avait changé de goût.

« J’étais surprise et j’ai même nié que ce n’était pas mon ‘’gapal’’. Lorsque je me suis rendue à l’alimentation, j’ai constaté que le produit était le mien et que la chaine de froid n’était pas respectée. Je l’ai retiré. Depuis lors, mon ‘’gapal’’ se vend sur place et beaucoup de mes clients viennent généralement de Ouagadougou», détaille-t-elle. Le promoteur de Gapal de Koudougou, M. Nebié, confie que lorsque le ‘’gapal’’ est déjà congelé, s’il se décongèle, il ne doit plus être congelé, au risque de dénaturer le goût. Cette information est donnée à ses clients qui veulent voyager avec le produit. Pour éviter le stockage, l’entreprise produit régulièrement. Avec une capacité de production de plus d’une tonne de glace par jour, l’UGAJN rassure qu’en temps de chaleur, qu’il y ait coupure d’électricité ou pas, Gapal de Koudougou n’a pas de soucis de fraicheur.

Les producteurs de ‘’gapal’’ estiment que le produit renferme de nombreux éléments nutritifs, riches en vitamines. Selon eux, il aide d’une part, à la croissance des enfants et à la lutte contre la malnutrition. D’autre part, il permet aux femmes allaitantes d’avoir abondamment du lait pour le nouveau-né. M. Nebié compte ouvrir bientôt un autre site de vente, avec un autre type d’emballage, notamment du ‘’gapal’’ dans de petits pots pour enfants. La nutritionniste Nouratoulaye Dabré confirme que le lait est un aliment complet. Le petit mil, très riche en magnésium et en zinc, contient des glucides et il permet de booster l’organisme. Elle note que ce soit le lait local ou en poudre utilisé, le ‘’gapal’’ est nourrissant pour l’enfant. L’essentiel, à l’entendre, c’est de savoir si celui en poudre utilisé est de qualité. Quant au lait de vache, il est naturel et il suffit juste de le pasteuriser.

« Etant prisé par les Peulhs, le ‘’gapal’’ est donné à l’enfant dès ses sept mois. Normalement à partir de six mois, il peut boire en petite quantité, seulement trois fois dans la semaine, s’il est fait à la maison. S’il est acheté, je conseille que l’enfant ait 9 ou 12 mois, parce qu’à cet âge, il est déjà au plat familial. Mais les parents doivent être prudents, car il y a toujours des risques en matière d’hygiène », prévient la nutritionniste. Mme Dabré dit remarquer que le ‘’gapal’’ produit à Koudougou est lourd et la quantité de lait dépasse celle du petit mil. « Il est différent de celui des Peulhs qui est léger. Une personne qui consomme tous les jours ce produit lourd, peut avoir un problème de surpoids. Il n’est donc pas conseillé de le boire excessivement et à tout moment. Un verre suffit pour la journée», conseille-t-elle. Etant une boisson énergétique, le ‘’gapal’’, à son avis, favorise la ‘’production’’ de lait pour les femmes allaitantes, parce que le petit mil est déjà réputé pour améliorer la production du lait maternel, sauf au cas où la femme à d’autres problèmes. « Fait de façon traditionnelle sans le yaourt, le ‘’gapal’’ aide à récupérer une femme qui vient d’accoucher», se convainc-t-elle.

La filière ‘’gapal’’ rencontre des difficultés liées notamment à la disponibilité des emballages, l’insuffisance ou au manque de lait local, la mauvaise qualité du lait en poudre et la variation de prix. Hamado Nebié, fidèle au lait en poudre, fait savoir qu’il y a des moments où l’entreprise ne produit pas, par manque de lait de qualité sur le marché. Pour Karidja Barry de l’association Her Rising, le lait idéal pour la production du gapal est le local, parce que selon elle, celui en poudre n’est pas fiable. Elle pense qu’il est facile de nourrir une vache et traire son lait, que d’acheter le lait, dont on ignore l’origine. « Le ‘’gapal’’ que nous achetons est habituellement lourd, alors que dans les normes, il doit être léger. Beaucoup d’entreprises utilisent des produits chimiques pour la fermentation du yaourt et c’est très dangereux pour la santé du consommateur », déplore-t-elle. Malgré la rareté du lait à certaines périodes de l’année (mars à juin), où la demande de ‘’gapal‘’ est forte, Mme Koala ne tient pas à faire recours au lait en poudre. Le 22 février 2022, date à laquelle elle devrait produire le ‘’gapal’’, ceux qui l’approvisionnent en lait local ne l’avaient toujours pas contactée, faute du produit. Elle dit posséder quelques vaches laitières, en vue de pallier le manque, mais la production n’est pas suffisante pour embouteiller plus de 100 bidons de ‘’gapal’’. Les attaques terroristes impactent également l’acquisition des céréales et du lait local. La majeure partie des Personnes déplacées internes (PDI), étant des cultivateurs et des éleveurs, elles ont abandonné leurs champs et troupeaux. Cela explique la flambée des prix, voire le manque des produits. La promotrice de Gapal barani kosam souligne que le plat de petit mil qu’elle achetait à moins de 400 F CFA, se vend actuellement à 800 F CFA.

Le manque d’ateliers et de séminaires à Koudougou, au regard de la situation sociopolitique, embarrasse les producteurs. Ils n’ont plus de commandes. Les hôtels ne libèrent plus de bidons lors des ateliers et la clientèle de ‘’gapal’’ a diminué dans les points de vente. « Lorsque les ‘’missionnaires’’ viennent à Koudougou, il n’y a pas de repos dans la vente. Il y a certains qui peuvent emporter une dizaine, voire une vingtaine de bidons de 1,5 litre de gapal, mais présentement c’est la somnolence », confie timidement une vendeuse. Chez Gapal de Koudougou, la principale difficulté, c’est la fermeture de l’université pendant les vacances parce que les clients cibles, à entendre Hamado Nebié, sont les étudiants. Entre juillet et septembre, c’est la période morte et la production diminue. Au regard de la cherté des matières premières, la majorité des promoteurs ont décidé d’augmenter à partir du 1er mars 2022, les prix des bidons de ‘’gapal’’, en vue de garder la qualité du produit. Ceux qui se vendaient à 300 F CFA passeront désormais à 350 F CFA et les gros bidons de 1000 à 1100 F CFA.

De l’avis du promoteur de Gapal de Koudougou, plus de 50 producteurs exercent cette activité et il serait difficile à son avis, de ‘’détrôner’’ la production de cette boisson dans la cité du Cavalier rouge. Il soutient que toute personne qui se lance dans cette activité, doit avoir une stratégie de vente bien élaborée, sinon, quelle que soit la qualité de son ‘’gapal’’, elle ne peut faire des recettes. Pour lui, la concurrence dans le domaine de l’entrepreneuriat pousse les promoteurs à innover davantage. Etant dans l’accompagnement des petites et moyennes entreprises, M. Nebié estime qu’il ne faut pas stocker les connaissances. Ainsi, il forme à la production de ‘’gapal’’ à 100 mille F CFA, pour une durée de trois jours (une journée de théorie et deux jours de pratique). Karidja Barry de l’association Her Rising, qui forme des coopératives, des associations et des filles, avoue qu’elle ne prend pas un kopeck de l’apprenant. Elle le fait en tant que bénévole auprès de cette association qui prône l’inclusion sociale et financière de la femme et de la jeune fille. La vision sur la production de ‘’gapal’’ du jeune entrepreneur, Hamado Nebié est : « Même si nous ne pouvons pas être le Nestlé du monde, que nous soyons le Nestlé du Burkina Faso. Avec notre chiffre d’affaires, nous pensons que dans 10 ou 15 ans, l’entreprise pourra se positionner», souhaite-t-il. Et d’ajouter que si les promoteurs arrivent à produire en quantité et en qualité le ‘’gapal’’, ce produit pourrait se vendre hors du Burkina. Mme Koala, qui fait de la production de ‘’gapal’’ à base de lait local sa spécialité, affirme gagner son pain, même si elle n’a pas souhaité dévoiler son chiffre d’affaires. « Nous n’avons pas beaucoup de bénéfices dans cette activité. Notre préoccupation, c’est arriver à soutenir les fermes du Burkina Faso. Il faut aussi que l’Etat subventionne les éleveurs en aliments de qualité pour leur bétail, afin que nous puissions promouvoir le lait local à travers la production », lance-t-elle.

Le directeur régional en charge du commerce du Centre-Ouest, Christophe Nonguièrma, clarifie que la direction accompagne techniquement les promoteurs du secteur agroalimentaire, y compris ceux qui sont dans la transformation des produits laitiers, mais pas spécifiquement la chaine de valeur ‘’gapal’’. Mieux, la direction oriente ceux qui ont des projets vers des structures de financement. Il dit reconnaitre que les promoteurs de ‘’gapal’’ rencontrent des difficultés au niveau de la conservation, l’emballage et dans la commercialisation. « La qualité du produit dépend des conditions de conservation et nous allons nous pencher sur le ‘’gapal’’, en continuant la recherche-développement. C’est-à-dire, comment améliorer la compétitivité du produit, surtout sur le marché local », promet-il. Le ‘’gapal’’ étant une transformation artisanale, l’idéal, pour M. Nonguièrma, est que les promoteurs s’organisent en coopérative, en allant vers la transformation semi-industrielle plus perfectionnée. « Le ‘’gapal’’ est un des produits du terroir. Il peut être labélisé comme le ‘’kôkô donda’’, à condition que les acteurs mettent un peu plus d’effort sur le produit, en améliorant l’emballage », fait -il savoir.

Afsétou SAWADOGO

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