À Cannes, Reda Kateb s’affiche en Omar la Fraise, un gangster esseulé en cavale

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À Cannes, Reda Kateb s’affiche en Omar la Fraise, un gangster esseulé en cavale
À Cannes, Reda Kateb s’affiche en Omar la Fraise, un gangster esseulé en cavale

Africa-Press – Burundi. Ne pas se méprendre, Omar la Fraise est une histoire d’amitié bien plus qu’un film de gangsters. Cette « bromance » sur fond d’excès – de violence, d’alcool et de drogue – lie Omar (Reda Kateb), un Français d’origine algérienne, à Roger (Benoît Magimel). En cavale, ces deux figures de bandits usés, au potentiel comique hors pair, se retrouvent exilés à Alger pour échapper à leur peine de prison… Et peut-être à leur conditionnement.

Sous le soleil d’Alger, marcel et chemise à motifs vintage sur le dos, assortis à un combo jogging-claquettes, Omar se languit de ses frasques parisiennes, erre dans sa villa sans meubles et dans sa piscine sans eau. Il touche le fond sans pouvoir véritablement se noyer. Et subit son exil, ici inversé, jusqu’à sa rencontre avec Meriem, une jeune femme indépendante et bosseuse, cheffe d’équipe dans une usine de biscuits, qu’il tente de conquérir maladroitement sous l’œil protecteur de son complice de toujours.

Passés les (quatre cents) coups, reste la sensibilité qui humanise nos deux âmes esseulées et brisées. « Je voulais raconter l’envers du décor de la figure du gangster. J’aimais l’idée de prendre des figures de psychopathes et d’enfants des rues qui sont vraiment dans l’ultra-violence et arriver à susciter de la tendresse pour eux, raconte Élias Belkeddar, 35 ans, qui livre ici son premier long-métrage de fiction. Ils ne tirent pas nécessairement de joie ni de fierté d’être des assassins, ils sont simplement dans un logiciel et une forme de déterminisme social. Ce logiciel est peu à peu déconstruit parce qu’une rencontre sensible intervient, qui laisse place à la vulnérabilité. »

Drôle, tendre, pop… Autant de qualificatifs qui détonnent avec l’univers des bandits, qui est ici un prétexte narratif pour mieux raconter une autre histoire d’amour, celle qu’Élias Belkeddar entretient avec le pays.

Filmer l’Algérie autrement

Né de parents algériens arrivés en France dans les années 1960, le cinéaste filme Alger comme on la voit rarement. Il balade sa caméra au gré des pérégrinations des deux protagonistes et rend ainsi compte de l’énergie et de la topographie de la capitale. On passe d’un décor de carte postale à une plongée dans les bas-fonds de la ville, peu montrés à l’écran, comme Climat de France, citée monumentale, bâtie dans les années 1950, sur les toits de laquelle des bidonvilles ont été installés.

« J’ai filmé Alger comme j’ai pu la vivre et l’expérimenter, enfant, de manière assez classique pour un fils d’immigrés qui passe les vacances là-bas entouré de sa famille et de ses amis, rembobine-t-il. J’ai toujours perçu l’Algérie comme le pays d’un conte. Dans le théâtre espagnol, on parle de la Pologne comme d’un monde imaginaire. Le mien, c’est l’Algérie », complète celui qui a coproduit le film (5 millions d’euros) avec les Deux horloges, une structure algéroise montée par son camarade Yacine Medkour.

Signe du renouveau de l’industrie locale, qui voit émerger depuis ces dix dernières années des séries, web-séries et clips sous l’impulsion d’une nouvelle génération de créatifs. Une mouvance que l’on ressent dans le film, qui offre des séquences tournées à la manière de clips – sans doute les plus drôles et jouissives – où les deux acolytes dansent, bidon de sortie et cocktail à la main, sur une bande-son entre raï, musiques traditionnelles et urbaines.

« L’Afrique est souvent filmée comme un décor social. Je voulais montrer une représentation identitaire fun comme peut le faire le cinéma coréen, celui de Tarentino ou de Spike Lee. Et prouver que l’on peut tourner dans des ghettos non pas pour raconter la misère et la question sociale, mais pour créer du divertissement. Parfois c’est un acte plus politique que de raconter que Fatima a un problème avec le voile », tranche le réalisateur, qui filme aussi les gamins des rues en leur donnant une vraie dimension héroïque.

Personnages romanesques, références tarantinesques, bande-son locale, costumes et style beldi (du bled)… Esthétiquement, rien n’est laissé au hasard. « Ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir créer de la fierté, du style et de l’attitude même dans la misère. En France, les Noirs et les Arabes n’ont jamais réussi à faire ça », regrette celui qui pourrait pourtant bien être à l’origine d’un genre nouveau, la « beldixploitation ».

Omar la Fraise, d’Elias Belkeddar, avec Reda Kateb, Benoît Magimel et Meriem Amiar, en salles le 24 mai.

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