Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Burundi. La presse israélienne a mis en lumière certaines notions relatives aux démocraties en Afrique, à travers des articles d’opinion publiés dans les journaux israéliens au cours du mois de septembre 2023, par des écrivains et des experts des affaires africaines, reflétant un état de prudence et d’anticipation concernant la situation turbulente qui sévit sur le continent brun et ses répercussions potentielles.
Dans la plupart de ces articles, l’aspect analytique était très dominant, afin de comprendre les causes de la détérioration de la situation politique sur le continent et la transformation des coups d’État en un phénomène.
De facto, l’analyse devrait conduire à des dénominateurs communs et à des règles générales, dont la plus marquante est que tout nouveau coup d’État en Afrique ne sera plus qu’un simple « fait de routine » qui ne sera pas différent de ce qui a précédé.
D’un autre côté, les articles cherchaient à explorer les facteurs qui ont créé des modèles démocratiques sur le continent, où certains ont réussi et d’autres ont échoué.
Par ailleurs, les médias israéliens s’inquiètent de la possibilité que les organisations d’Al-Qaïda et de Daech prennent le contrôle de certains pays du continent pour y édifier un État de type afghan, probablement en Somalie.
Les inquiétudes concernant d’éventuelles organisations terroristes contrôlant les capacités des pays du continent n’ont pas échappé à l’esprit des experts israéliens, qui ont réalisé, à travers l’image mentale qui s’était établie au fil des années, que les événements survenus dans certaines régions d’Afrique jetteraient une ombre sur Israël, sur la base de l’expérience des vagues de réfugiés érythréens à titre d’exemple, au milieu des avertissements sur les conséquences qui peuvent résulter de la situation turbulente dans un pays comme la Somalie, en plus d’autres craintes liées aux flux migratoires massifs vers l’Europe, sans parler de la mise en place des mercenaires « wagnériens » en Afrique de l’Ouest et la création d’une « ceinture russe » dans cette région, et tout cela semble entrer en conflit avec les intérêts stratégiques israéliens.
Dans ce contexte, nous avons sélectionné les trois analyses des écrivains israéliens : David Baron, Dean Shmuel Elmas, et Nitzan David Fox.
• Première analyse
L’article de l’écrivain David Baron couvre une autre facette du continent africain, où de nombreux pays ont établi ou travaillent à construire un système démocratique, indépendamment du stéréotype habituel qui a transformé la question des coups d’État en Afrique en une routine prévisible, à la lumière de l’instabilité de la région subsaharienne.
Il met en évidence certains rapports publiés par des centres de recherche ou des organisations internationales sur l’état de la démocratie dans cette région, pour déterminer les facteurs qui peuvent contribuer au maintien des démocraties en Afrique, à une époque de compétition pour le pouvoir et de transitions complexes d’un régime militaire à un régime civil, en plus des causes d’instabilité.
L’article met en exergue également le modèle sénégalais, en tant que modèle unique, et cite certains experts à propos d’un certain nombre de points fondamentaux qui ont produit dans ce pays des citoyens qui considèrent la démocratie comme un héritage ancien et une partie intégrante de leur appartenance nationale.
• Deuxième analyse
Le deuxième article, rédigé par Dean Shmuel Elmas, se concentre sur l’état d’appréhension quant à la possibilité que Daech et Al-Qaïda prennent le contrôle de certains pays africains, après la détérioration de la situation politique dans de nombreux pays du continent, et met en garde contre l’émergence d’un « Emirat », d’autant plus que l’Afrique est avant tout, même sans coups d’État, était considérée come un environnement fertile pour les organisations terroristes.
L’article évoque ce qu’il appelle « l’économie noire » en Afrique, qui a été créée par ces organisations, exploitant l’état de pauvreté, l’absence d’horizon politique et les coups d’État, appelant le gouvernement israélien à la vigilance, compte tenu des répercussions possibles de la montée de mouvements et d’organisations, comme le mouvement somalien « Al-Shabaab », et des implications que cela aurait sur le trafic maritime dans la région, notamment vers la ville d’Eilat, au sud du pays .
• Troisième analyse
Le troisième article, écrit par l’écrivain israélien Nitzan David Fox, place le coup d’État au Niger comme un tournant dans l’histoire du déclin de l’influence européenne en Afrique de l’Ouest et du gaspillage des grands acquis et efforts réalisés par l’Union européenne il y a des années.
D’autre part, cela crée une nouvelle situation pleine de risques, surmontée par des vagues massives d’immigration africaine clandestine et de terrorisme, en plus de la transformation de l’Afrique subsaharienne en un terrain fertile pour les unités paramilitaires du groupe privé russe « Wagner » et de la création de ce qu’il qualifie de « ceinture russe » dans cette région.
Selon la presse israélienne, le coup d’État au Niger est un nouveau coup dur pour l’Union européenne
Les nouvelles venant de l’étranger ont englouti celles du coup d’État au Niger, et peut-être avons-nous déjà oublié qu’un coup d’État a eu lieu dans ce pays africain, et cela n’est pas surprenant, car le Niger est un pays pauvre et instable en marge du système mondial, souffrant du chômage, de la corruption et du terrorisme. Ce n’est pas le pays dans lequel beaucoup aimeraient vivre, ni même le visiter, alors pourquoi devrions-nous nous y intéresser ?
C’est par cette introduction que l’écrivain israélien Nitzan David Fox a commencé son article dans le journal « Makor Rishon », dans lequel il soulignait que le Niger, pays économiquement et politiquement faible, n’est pas nécessairement un pays sans importance, ce qui s’explique par le fait que le Niger et d’autres pays de la région du Sahel, comme le Tchad, le Mali, le Burkina Faso et la Mauritanie, constituent une région majeure reliant l’Afrique du Nord, l’Europe et l’Afrique de l’Ouest.
Par cette région, non seulement les immigrants clandestins transitent, mais aussi la drogue passe de l’Amérique du Sud vers l’Europe. Plusieurs organisations terroristes sont également actives dans la région du Sahel, dont certaines sont des branches locales d’Al-Qaïda et de Daech, lançant des attaques contre des populations locales et forces occidentales et menaçant la stabilité de l’Afrique du Nord.
Les médias israéliens soulignent que depuis 2011, l’Union européenne s’efforce d’instaurer la stabilité dans les pays du Sahel en raison de leur importance stratégique, et se rend compte que déstabiliser ces pays lui nuira, sous la forme de vagues migratoires croissantes et de réseaux terroristes qui s’étendront jusqu’en Europe. Les Américains ont également une présence militaire dans la région et leurs services de sécurité y travaillent contre les groupes armés, tandis que la France a maintenu des forces militaires dans la plupart des pays de la région, mais a été contrainte d’évacuer ses forces dans la grande majorité d’entre eux.
• Le Niger : Une exception
L’auteur poursuit en disant que jusqu’à récemment, le Niger était considéré comme un point positif exceptionnel pour l’Occident, puisque deux coups d’État militaires ont eu lieu au Mali voisin en 2020 et 2021 et que le Burkina Faso a été témoin d’un coup d’État en 2022.
Dans les deux cas, le conseil militaire a exigé le retrait des forces françaises et étrangères.
Alors que le vide laissé par les forces françaises au Mali a été comblé par des mercenaires russes de la force Wagner pour « combattre les éléments terroristes », ces mercenaires ne sont pas encore actifs au Burkina Faso, mais la junte militaire a déjà déclaré que la Russie est un « pays allié stratégique », selon l’écrivain.
En fait, la France a été contrainte de concentrer ses forces dans la région sahélienne du Niger, et Paris et Bruxelles ont investi des millions dans la formation et l’équipement de l’armée, dans le cadre d’une tentative de renforcement du gouvernement. Le Niger est également un partenaire important de l’Europe dans la prévention de l’immigration clandestine, avec lequel il coopère depuis 2015 pour empêcher le passage des migrants à ses frontières, sachant que les Américains disposent d’un aéroport dans le nord du pays, d’où ils lancent des drones contre des cibles dans la région.
Pour certains experts israéliens qui suivent de très près les évènements et la situation en général sur le Continent africain, le coup d’État au Niger augmente sensiblement le risque de nouveaux coups d’État en Afrique de l’Ouest, et après le Mali, le Burkina Faso et la Gambie (où un coup d’État y a également déjoué le 20 décembre 2022), il est estimé qu’il existe une possibilité que le coup d’État au Niger fasse partie d’une vague globale, le facteur de proximité géographique n’est pas une coïncidence.
C’est pourquoi beaucoup de dirigeants des pays voisins observent avec amertume ce qui se passe de l’autre côté de la frontière et se demandent si cela pourrait arriver également à eux, tandis que certains militaires se posent discrètement la question suivante : Pourquoi ne pas tenter nous aussi de monter notre propre coup d’État ?
Pas seulement les coups d’État et les dictatures : c’est ainsi que les démocraties réussissent en Afrique
Pour l’écrivain israélien Nitzan David Fox « les coups d’État militaires sont sans aucun doute une mauvaise nouvelle pour la croissance économique et la stabilité, créent un état d’incertitude et causent des dommages aux infrastructures, en plus de la corruption de la nouvelle junte militaire ». Il souligne entre-autres que « les pays d’Afrique de l’Ouest sont encore instables et que la vague de coups d’État ne fera qu’aggraver leurs problèmes et constituer une menace pour l’Europe sous la forme d’une nouvelle vague d’immigrants et d’une ceinture terroriste non loin de ses frontières ».
Quant à son compatriote l’écrivain David Baron, il a souligné que la région subsaharienne de l’Afrique a retrouvé l’image de ce continent où il n’y a rien de stable car, selon lui, la seule chose qui soit stable là-bas, c’est l’instabilité elle-même, et s’il n’y a pas de coups d’État, au moins on s’en souvient, qu’en raison des dictatures, cette présence s’est par exemple incarnée dans les récents affrontements entre immigrants érythréens en Israël (affrontements qui ont eu lieu à Tel-Aviv entre partisans et opposants du régime en place à Asmara).
Dans ces conditions, l’auteur indique qu’il est facile d’oublier que le continent compte une série de démocraties stables et que, selon le dernier rapport de la « Freedom House américaine », en 2022, sur 54 pays d’Afrique, il n’y avait que six pays libres : le Botswana, le Cap-Vert, le Ghana, Maurice, la Namibie, ainsi que Sao Tomé et Principe. De nombreux autres pays sont sur la voie de la démocratie, notamment : la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Lesotho, le Malawi, le Nigéria, le Sénégal et la Zambie.
L’auteur a rappelé un rapport du Centre V-Dem, un institut de recherche indépendant basé au Département de science politique de l’Université de Göteborg, en Suède, qui citait qu’en 2022, il existait une démocratie (libérale) complète en Afrique, sauf aux Seychelles, mais les démocraties électorales comme le Ghana, le Malawi, le Sénégal et Sao Tomé-et-Principe sont sur le point d’être achevées, expliquant que la « démocratie libérale » maintient les conditions du système électoral, en plus des restrictions législatives et juridiques imposées au gouvernement, ainsi que l’égalité devant la loi et la protection des libertés civiles.
La question qui se pose est dont : Pourquoi Israël s’intéresse-t-elle à l’Afrique et qu’est-ce qui la fait donc courir vers le continent ?
Israël n’a pas la puissance économique des pays développés, tels que les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Japon et la Chine, ni des nouveaux pays émergents comme le Brésil, la Russie, la Turquie, etc., et donc ne cherche prioritairement ni des débouchés pour ses entreprises et encore moins des matières premières pour sa croissance et son développement.
Néanmoins, cela ne l’a pas empêché, depuis quelques années, de lancer une offensive diplomatique d’envergure sur le continent avec des visites officielles, des accueils de dirigeants et de délégations de haut niveau, des participations à des sommets régionaux et l’organisation même d’un Sommet Afrique-Israël à Lomé, Togo, 23-27 Octobre 2017, à l’instar de ceux organisés par une poignée de pays : France, Chine, Turquie, Japon et Inde, notamment.
Si le volet économique ne peut être ignoré, surtout que certains géants israéliens des secteurs des télécoms et de la sécurité étant présents en Afrique, ce volet n’est point fondamental pour Israël.
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