PIB, pauvreté, commerce… En Afrique, peut-on se fier aux statistiques ?

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PIB, pauvreté, commerce… En Afrique, peut-on se fier aux statistiques ?
PIB, pauvreté, commerce… En Afrique, peut-on se fier aux statistiques ?

Thaïs Brouck

Africa-Press – Burundi. Fin février, le Premier ministre gabonais a remis en question la crédibilité des données statistiques de son pays. Mais qu’en est-il sur le reste du continent ? Éléments de réponse.

Il n’est pas politiquement correct de mettre en doute la fiabilité de ses propres données statistiques. Il en fallait plus pour effrayer le Gabonais Raymond Ndong Sima: « Des écarts hors de proportion laissent penser que les chiffres produits sont irréels », a lancé, le 28 février, le Premier ministre de transition, s’étonnant du manque de concordance entre les données de la Direction générale de la statistique et celles de la Direction générale de l’économie.

Des données statistiques pourtant essentielles pour calculer le PIB, et donc le taux d’endettement, par exemple. En tenant de tels propos, le chef du gouvernement de transition cible directement les errements de la précédente administration. « Nous avons le devoir de corriger nos méthodes de calcul », a encore martelé Raymond Ndong Sima dans des propos rapportés par la presse gabonaise.

Pointé par les rapports du FMI

Ce manque de concordance des chiffres ne devrait pourtant pas étonner celui qui fut déjà Premier ministre de 2012 à 2014, car il ne date pas d’hier. Année après année, les rapports du FMI pointent les lacunes que comportent les données du pays. Ainsi, en 2015, l’institution recommandait déjà de « redoubler les efforts en cours pour remédier aux insuffisances majeures des statistiques économiques ».

Près d’une décennie plus tard, le FMI regrette toujours que « les données relatives à la balance des paiements et aux indicateurs de solidité financière sont communiquées avec d’importants retards et présentent de graves insuffisances ». Par ailleurs, le Fonds pointait, en 2022, « un traitement inadapté des titres publics dans les statistiques monétaires qui complique le rapprochement entre les données budgétaires et monétaires ».

Le Gabon est cependant loin d’être un cas isolé. « Dans l’ensemble, il y a beaucoup de progrès à faire dans le recueil et le traitement des données », tranche, sous couvert d’anonymat, un expert qui assiste et forme plusieurs instituts de statistiques en Afrique. Selon lui, ce manque de fiabilité est dû à une combinaison de facteurs: « prépondérance de l’économie informelle, année de base du PIB trop datée, travail manuel de traitement des données qui génère beaucoup d’erreurs, problèmes de méthodologie… » Des carences accentuées par le manque structurel de moyens alloués aux instituts de statistiques du continent.

Manipulation des chiffres ?

Dans deux ouvrages de référence – bien que critiqués – parus en 2013 (Poor Numbers) puis en 2015 (Africa. Why Economists Get It Wrong), l’économiste Morten Jerven soutient que les véritables taux de croissance du PIB en Afrique ne peuvent pas être calculés. Selon lui, à l’exception du Bostwana et de l’Afrique du Sud, il est impossible de classer les pays africains selon leur niveau de PIB par habitant à cause d’un manque de données fiables. Une thèse accréditée par les nouveaux calculs de PIB opérés au Ghana, au Nigeria, puis dans le reste des pays de l’Afrique de l’Ouest dans les années 2010.

Parfois, la production statistique se met même au service du politique. En 2015, le Rwanda avait par exemple été accusé de manipuler ses chiffres pour faire artificiellement baisser le taux de pauvreté du pays entre 2011 et 2014. Des informations formellement contestées par Kigali mais réaffirmées ensuite par une enquête du Financial Times datée de 2019.

Ce manque de fiabilité des statistiques a des conséquences non négligeables sur les perspectives de développements des pays. Notamment parce que cela a un impact direct sur leur note souveraine et dégrade mécaniquement leurs conditions d’accès au marché obligataire.

Des efforts considérables

Depuis 2020, la Banque mondiale a débloqué plus de 750 millions de dollars de crédits et de dons pour contribuer à l’harmonisation et au renforcement des systèmes statistiques en Afrique de l’Ouest et centrale. « Malgré des efforts considérables déployés pour améliorer la capacité statistique en Afrique subsaharienne, les progrès ont été lents et inégaux entre les pays », déplore cependant l’institution.

L’Afrique n’est pas le seul continent dont les statistiques peuvent être soumises à caution. En 2021, après une série de scandales – impliquant notamment la Chine – sur la méthode calcul du célèbre Doing Business, la Banque mondiale a décidé d’abandonner la publication du classement.

Source: JeuneAfrique.com

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