Africa-Press – Burundi. Payer le prix aujourd’hui de ce que nous voulons le plus pour jouir plus tard devrait être l’idée-force sous-tendant la « Vision Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060 ». Mais la cupidité, la nourrice du raccourci ou de l’art de ne pas savoir retarder la gratification, nous habitue à ne pas écouter la loi morale et nous invite à la satisfaction immédiate. Ce faisant, la corruption politique sert d’ascenseur social aux hommes d’affaires en odeur de sainteté auprès de l’équipe dirigeante, faisant fi des règles de transparence dans la passation des marchés publics.
L’on notera aussi que mal dire où l’on veut aller à l’horizon 2040 – l’émergence n’est pas un substituant pour le décollage -, c’est mal penser où l’on en est. Ou recourir à des faits alternatifs. Qui plus est, se complaire dans l’incantation du développement revient à penser que le dire à force de « se bagarrer » avec la réalité finira par avoir raison de ce dernier.
Le parti-Etat claironne avoir mis Dieu en avant de toute chose. Le développement dont il se veut le promoteur s’assimile dès lors à une croyance qui trouve sa légitimité dans l’absence de preuve. L’objet Dieu étant indémontrable, pourquoi en serait-il autrement pour un développement qui émane de « l’Eternel » ?
Du reste, le Cndd-Fdd, censé impulser une dynamique de développement, avance à marche forcée vers l’avènement du parti-Nation avec la mise en place des comités « Turerere Uburundi » (Eduquons pour l’avenir du Burundi) qui « vont appuyer le changement des mentalités par les sensibilisations et les formations dans les communautés afin de revenir aux valeurs ancestrales du Burundi traditionnel ». Une partie qui ambitionne de devenir le tout par un quadrillage politique descendant à l’échelon de la sous-colline ne peut guère emporter l’adhésion du reste de ses compatriotes. Car le ressort de l’exemplarité n’est pas le mépris de la différence, mais l’admiration.
Pour penser hors des sentiers battus en laissant les considérations partisanes à la porte et s’attacher durablement les compétences locales ou évoluant à l’étranger, il faut se parer de la marque des grands : l’humilité. Et avoir cette conscience de l’essentiel que nous enseigne Michel de Montaigne : «Il n’y a de richesse que d’hommes. »
Un développement soutenu supposerait un système éducatif performant produisant un capital humain compétent qui impulse des progrès sans à-coups et sans recul sur le long cours. Et une maturité politique des dirigeants pour sortir le pays d’une logique revancharde et/ou de destruction de l’héritage des prédécesseurs pour se tourner résolument vers l’instauration d’une démocratie apaisée.
La racine du souci du bien commun au « pays du lait et du miel » commencera avec une classe politique, singulièrement les partis représentatifs et leurs branches jeunesse, qui aura en partage cette conviction chevillée au corps : le dialogue n’est pas un signe de faiblesse, mais l’arme des forts.
Guibert Mbonimpa
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