ECLAIRAGE : Plus de 100 millions de Dollars perdus, quel gâchis !

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ECLAIRAGE : Plus de 100 millions de Dollars perdus, quel gâchis !
ECLAIRAGE : Plus de 100 millions de Dollars perdus, quel gâchis !

Africa-Press – Burundi. Pour celui qui connait le fonctionnement de l’administration burundaise depuis quelques années, ce qui vient d’arriver n’est pas pour la première fois que des ressources financières retournent chez le bailleur de fonds parce que le bénéficiaire n’a pas été en mesure de les utiliser, dans les délais.

C’est, effectivement, préoccupant et un gâchis pour le pays le plus pauvre du monde, et auquel la plupart des institutions internationales ont fermé la porte depuis 7 ans. Mais, ce qui se passe avec la Banque Mondiale est également arrivé avec d’autres institutions, telles la Banque Africaine et l’Union européenne, et d’autres. Déjà, en 2012, la Banque Africaine de Développement (BAD) s’inquiétait de la longueur d’exécution des projets, à cause de ce qui était appelé « l’absence de culture de recevabilité et de résultats ». Nous pouvons relever trois facteurs à cette carence de performance: la faible capacité technique, la mauvaise gouvernance et le manque de suivi.

Au niveau des capacités techniques de gestion des projets, il faut signaler qu’un fonctionnaire de l’administration n’est pas toujours recruté selon ses compétences techniques ou professionnelles, mais, plutôt, en fonction de son affiliation politique, ses affinités familiales avec les décideurs, etc.. Il arrive, il faut avoir le courage de le reconnaître, que des personnes soient recrutées à des postes dont elles ne connaissent pas vraiment le cahier de charges et une méconnaissance profonde des réseaux, codes et usages de ces domaines très pointus. Ajouter à cela la faible connexion au réseau de communication moderne et à une énergie fiable, les performances du fonctionnaire sont extrêmement faibles.

La faible gouvernance et la politisation des services techniques constituent le second facteur de ralentissement de l’exécution des projets. Les performances d’un fonctionnaire sont évaluées, non pas, en fonction des résultats atteints en mettant en œuvre les projets lui confiés, mais, plutôt en fonction de sa loyauté envers le parti dont il est issu et envers les personnes qui l’ont recruté a ce poste. Malgré l’existence d’une loi faisant la distinction entre les fonctions techniques et politiques, cette loi n’est pas respectée. On observe plusieurs dérapages dans ce domaine, comme des recrutements et des promotions qui ne se font pas sur une base objective, l’attribution des marchés de services ou de travaux à des entreprises non compétentes, juste parce qu’ils sont « recommandées » par des personnalités haut placées, dans le langage courant les fameux « ibihangange » et les surfacturations dans les contrats de services ou de travaux. C’est ce que l’organisation International Crisis Group, dans son rapport en 2012 sur le Burundi, qualifiait de « politisation clientéliste des recrutements dans le secteur public ». Cela explique également pourquoi, depuis plus de 10 ans, le Burundi se classe parmi les premiers pays les plus corrompus au monde.

Le troisième facteur est l’absence de mécanismes de suivi de l’exécution des projets par les ministres de tutelle. Confrontés aux problèmes de faibles capacités techniques et de mauvaise gouvernance, les ministres de tutelle, chargés d’assurer l’exécution des projets, de l’identification à l’évaluation finale des projets, sont dans l’incapacité de remplir des tableaux de bord pour le suivi de l’exécution des projets. Souvent, ces Ministres font confiance aux fonctionnaires qu’ils ont mandatés, d’autant que ces fonctionnaires doivent s’assurer que le ministre reçoive sa quote-part des rétro-commissions. Cette défaillance se remarque, non seulement pour les projets financés par la Banque Mondiale, mais d’autres partenaires de développement, et même au niveau des budgets financés sur des fonds de l’Etat.

Conséquences de la non-réalisation des objectifs fixés.

Evidemment, ce sont les populations pauvres qui seront les principales victimes de cette mauvaise gestion. Le Burundi, n’ayant plus accès à des montants importants des institutions financières, le peu de ressources, qu’il reçoit, sont destinées à financer les secteurs de l’agriculture, de l’eau, des infrastructures rurales, de la santé, de l’éducation et de la protection sociale. Aussi, la majeure partie de ces projets étant destinés aux groupes les plus vulnérables tels que les veuves et les orphelins, l’autonomisation des femmes, la scolarisation universelle des enfants, la fourniture de médicaments, il est évident que la perte est énorme pour ces groupes de Burundais. Par exemple, les 100 millions de dollars, prévus pour financer des projets pour la période 2022-2023, et qui risquent de retourner chez le bailleur de fonds, représentent une perte énorme pour ces populations pauvres, ces enfants et ces malades qui auraient dû en bénéficier. Pour le pays le plus pauvre du monde, avec 82% de la population vivant dans l’extrême pauvreté, avec des enfants en situation de malnutrition sévère, il est évident que toute ressource non utilisée pour combattre la pauvreté constitue un manque à gagner important pour le pays et pour ces populations pauvres.

Que doit faire le Gouvernement du Burundi ?

Le problème qui se pose au Burundi est, en plus d’être un problème d’hommes qu’il faut aux places qu’il faut, un problème de leadership. Le Burundi traine cette situation de faibles performances budgétaires et économiques depuis plusieurs années, et rien n’a été fait pour sanctionner ceux dont les performances sont en dessous des attentes. Au contraire, chaque année, les évaluations faites des services publics montrent des performances qui sont au-delà de 90%. Cela veut dire que les hauts responsables sont satisfaits des « résultats atteints par leurs fonctionnaires. » Autrement dit, les missions premières de ces fonctionnaires ne sont pas celles de combattre la pauvreté, mais de servir ceux qui les ont recrutés. Il y a certes des années où les fonctionnaires peu performants étaient interdits d’avancement de grade et certains étaient remerciés.

Par conséquent, il y a trois actions nécessaires :

La première action consisterait à renforcer le leadership. Le Chef de l’Etat et son équipe doivent renforcer les systèmes de contrôle du programme gouvernemental. Il faudra, d’abord, cesser, immédiatement, la politisation clientéliste du recrutement dans le secteur public, et mettre les hommes qu’il faut aux places qu’il faut dans les administrations publiques, dans la transparence la plus totale.

La deuxième action consisterait à promouvoir une administration qui rend des comptes, et à tous les niveaux. Les Ministres, les responsables des projets doivent rendre des comptes de leur gestion, et lorsque l’un ou l’autre se rend coupable de mauvaise gestion ou de corruption, il soit poursuivi et sanctionné. Le Gouvernement devrait autoriser un audit de ses fonctionnaires et de la façon dont ils se sont acquittés de leurs missions respectives, aux niveaux, tant technique, administratif que financier.

La troisième action consisterait à engager des actions de concertation régulière avec les partenaires de développement en vue de déceler les goulots d’étranglement éventuels et les corriger à temps, que ce soit au niveau de l’administration bénéficiaire du financement, ou du bailleur de fonds. Il pourrait, également, en concertation avec les partenaires de développement, être envisagé de recruter les bureaux privés, nationaux ou étrangers, pour la gestion des projets.

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