Econet Leo dans la tourmente

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Econet Leo dans la tourmente
Econet Leo dans la tourmente

Africa-Press – Burundi. Le secteur de la télécommunication navigue en eaux troubles. L’administration fiscale réclame à la compagnie de téléphonie mobile Econet Leo des sommes colossales d’arriérés d’impôts. Après la fermeture des sociétés Africell Tempo et LACELL (Smart) et la mauvaise passe que vit l’Onatel, Econet Leo risque, elle aussi, de vivre des jours difficiles. Seule la société Viettel semble tirer son épingle du jeu.

« (…), les détenteurs sont tenus sur demande de l’administration fiscale de payer à l’acquit de CASSAVA FINTECH/SASAI FINTECH, la dette de Econet Leo d’un montant de 88.756.006.572 BIF et de 44.344.346 USD représentant les arriérés dus par cette dernière. Cette demande vaut sommation avec opposition sur les sommes, valeurs ou revenus. » C’est un avis envoyé par l’Office burundais des recettes (OBR) à des Tiers détenteurs à savoir les institutions financières.

L’OBR somme ces banques de virer tous les soldes se trouvant sur les comptes de CASSAVA FINTECH/SASAI FINTECH vers les comptes de transit de l’Agence de régulation et de contrôle des télécommunications (ARCT) ouvert à la Banque centrale. Au cas où la prévision de ces comptes serait insuffisante pour couvrir le montant de cette dette, l’OBR demande de bloquer les comptes et les solder endéans 5 jours calendaires. « A défaut de satisfaire à cette demande, vous serez poursuivis comme si vous étiez débiteurs directs. »

Sasai Fintec s’explique

Après la fuite de cette correspondance, ce vendredi 26 janvier, une cinquantaine de vendeurs des services d’Econet Leo se sont présentés devant le siège de cette compagnie de téléphonie mobile. Mais personne ne pouvait pas retirer ni acheter les fonds pour le service Ecocash. « Pourquoi nous ne pouvons pas retirer notre argent ? Qu’est-ce qui se passe ? », s’interroge un vendeur des services d’Ecocash. « C’est notre droit de disposer de notre argent comme bon nous semble. Et d’ailleurs, j’avais entendu des rumeurs qu’Econet Leo va fermer », renchérit un autre.

« Sasai Fintec, travaillant sous la marque commerciale Ecocash, voudrait attirer l’attention de ses clients, partenaires et tout le public en général sur une information circulant sur les réseaux sociaux à propos d’une probable et imminente fermeture de ses activités. L’information est incorrecte, fausse, mal intentionnée et devrait être ignorée. » Lit-on dans un communiqué de presse.

Du déjà-vu

Le 20 février 2018, l’OBR avait épinglé la société Econet Leo. Dans l’avis à Tiers détenteurs, le Commissaire général de l’OBR de l’époque, Audace Niyonzima, avait ordonné à payer l’acquit de U-COM BURUNDI, ECONET et ECONET LEO, un montant de 72 742 033 644 BIF, soit 31 486 469 USD, qui doit être viré sur le compte de transit des Recettes Non fiscales ouvert à la BRB, 214 743 dollars américains sur le compte Séquestre ouvert à l’Ecobank et 1 509 824 496 BIF sur le compte de transit des redevances téléphoniques nationales.

Treize jours après la mise en demeure, mercredi 3 mars 2018, le patron de l’OBR a ordonné une mainlevée sur l’avis à Tiers détenteurs.

Dans la nuit du 18 août 2022, les abonnés de Smart n’en croyaient leurs oreilles. L’ARCT a annoncé la fermeture du réseau de Smart.

Motif invoqué : Des factures de taxes impayées. Contacté par Iwacu, le directeur commercial de Smart, Jean-Marie Lacroix, a reconnu des arriérés de paiements auprès de l’ARCT, mais dénonce des factures indues : « Ces factures s’élèvent à plus d’un milliard huit cent millions de BIF ! Ce n’est pas une somme négligeable. » Il a expliqué que Smart avait déboursé tous ses arriérés d’impôts s’élevant à 6.654.864.491 BIF à la fin du mois de mai 2022.

« Quelle ne fut notre surprise de voir débarquer des factures de pénalités d’un montant total de près de 9 milliards de la part de l’ARCT ! Il y a clairement une volonté de nous nuire !», Jean-Marie Lacroix a jugé que la décision de fermeture du réseau de Smart est politique et mine la concurrence.

Une odeur de corruption selon l’Olucome

« Comment se fait-il qu’une société qui est appelée à payer chaque année des taxes et impôts dus à l’Etat peut avoir des arriérés pareils sans qu’elle soit inquiétée ? », s’interroge Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de la lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome). Pour lui, cela suscite des interrogations. « De plus, c’est un montant colossal à tel point que le gouvernement, plus particulièrement l’OBR, devait nous expliquer comment cette dette est arrivée à ce niveau. »

Gabriel Rufyiri trouve que c’est dangereux pour l’économie burundaise. « S’il advenait qu’Econet Leo connaisse la même situation que Smart et Africell, le secteur de la communication serait en danger. Economiquement parlant, cela n’augure rien de bon si des sociétés ferment une à une. » M. Rufyiri trouve que cette situation ne peut pas rassurer les investisseurs étrangers qui voudront bien investir dans ce secteur ou dans d’autres secteurs.

Le président de l’Olucome trouve qu’il y a une odeur de corruption dans ce dossier. « Il y a un manquement grave de la part des autorités en charge de recouvrement. C’est inacceptable. Donner l’autorisation d’exploitation à une société est facile. Mais si une société comme Econet Leo ferme, cela a des conséquences néfastes sur l’économie toute entière. Il nous faut vraiment des explications claires de la part de l’OBR et de l’ARCT. »

D’après Gabriel Rufyiri, l’économie burundaise est à la croisée des chemins. Il rappelle que les principales sources des taxes et impôts du budget de l’Etat sont le secteur de télécommunication, le secteur pétrolier et le secteur des boissons. « Si ce secteur de télécommunication continue à vaciller de la sorte, c’est problématique avec le pouvoir d’achat de la population burundaise.

Il est plus qu’urgent que des études minutieuses soient menées par des experts indépendants pour que l’économie burundaise ne continue pas à dégringoler suite à des négligences et des intérêts égoïstes. »

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