Pénurie de devises Les opérateurs économiques désemparés

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Pénurie de devises Les opérateurs économiques désemparés
Pénurie de devises Les opérateurs économiques désemparés

Africa-Press – Burundi. Les opérateurs économiques s’inquiètent du manque criant des devises. Une situation qui met à mal leur business, et partant ébranle la stabilité économique. Ils en appellent à des solutions d’urgence. L’Olucome recommande l’augmentation des produits d’exportation et le rapatriement des devises générées par la vente des minerais.

La pénurie de devises devient de plus en plus une problématique. Commerçants, importateurs sont dans le désarroi. Le business tourne au ralenti. Les banques commerciales sont à court de devises. L’écart entre le taux de change officiel et le taux de change parallèle se creuse au fil des jours.

Il est 9h. Mercredi 29 mars. Nous sommes au centre-ville de Bujumbura. Les nouveaux bureaux de change récemment agréés par la BRB sont ouverts. Mais les taux de change ne sont plus affichés. Ces taux varient du jour au lendemain. Des commerçants qui se préparent à aller à Doubaï, en Ouganda ou en Chine sont à la recherche des devises. Ils peinent à en trouver. Le dollar est devenu une denrée rare.

Les bureaux de change que nous avons visités n’affichent plus les taux de change. Selon un des tenanciers d’un bureau de change, la BRB a interdit l’affichage des taux de change sans pour autant fournir d’explication.

M.B. a un bureau de change au centre-ville de Bujumbura. Il dit qu’il est à court de devises. Et de confier : « Ceux qui cherchent les devises actuellement sont nombreux alors que nous avons peu de réserves. »

b>Le taux de change est variant

Au petit matin du 29 mars, nous a révélé M.B., le dollar s’achetait à 3900 BIF pour se vendre à 3950. L’euro était à 4200 BIF et était vendu à 4250 BIF.

Pour un autre bureau, le tenancier a fait savoir que le dollar revenait à 3900 BIF pour se vendre à 3978 BIF. L’euro s’achetait à 4200 pour se vendre à 4250.

D’autres propriétaires de bureaux de change sont rétissants à révéler les taux de change. Tout le monde s’accorde à dire que les devises deviennent de plus en plus rares.

Du côté des cambistes ambulants qui opèrent tout le long de l’avenue de l’Amitié au centre-ville, les tarifs grimpent jour après jour.

Chaque véhicule qui passe ou qui s’arrête les intéresse. Ils n’hésitent pas à dire tout haut les taux de change. Le taux varie d’un cambiste à l’autre. Le dollar était à 4050 BIF et était vendu à 4100 BIF.

Les taux de change fixés par les bureaux de change sont largement supérieurs au taux officiel.

Jeudi 30 mars, le cours de change officiel de la BRB se présentait comme suit : le dollar américain s’achetait à 2062,1200, le cours moyen était 2078,7500 tandis que le prix de vente était à 2095, 3800. L’euro s’achetait à 2235,7505, le cours moyen du jour était de 2253,7808 et le prix vendeur revenait à 2271,8110 BIF.

Le business tourne au ralenti

Les opérateurs économiques interrogés ne savent plus sur quel pied danser. Ils déplorent le manque de devises qui met à mal leur business. Les importateurs s’inquiètent de plus en plus. Les stocks sont presque vides.

« J’envisage aller à Doubaï pour m’approvisionner en matériaux de construction, mais je suis à court de devises », se désole Bède, qui dit qu’il travaille à perte, suite à une rupture de stocks. Il dénonce la pénurie des devises et le coût élevé de ces dernières.

Les commerçants qui exercent des activités dans différentes galeries du centre-ville de Bujumbura s’indignent. Ils dénoncent le manque de devises et la cherté de la vie. « J’avais besoin de 2 mille USD mais on vient de m’offrir seulement le quart. Je me rends à la compagnie Kenya Airways pour faire annuler mon voyage », se lamente un commerçant grossiste qui importe les chaussures à partir de la Chine.

H.G. est un importateur de matériel électronique. Il compte se rendre en Inde. Il vient de passer dans trois bureaux pour chercher des devises, mais il rentre bredouille. Et de se lamenter : « La situation va de mal en pis. Je risque de fermer mon commerce. » Il interpelle les pouvoirs publics à renormaliser la situation.

Mêmes lamentations du côté de N.V., une commerçante de produits cosmétiques. D’après elle, trouver des devises n’est plus à la portée de tout le monde. Elle vient d’annuler son voyage vers Nairobi.

La déception est totale chez les commerçants qui s’approvisionnent en dollars dans les bureaux de change. Ils avaient nourri de l’espoir avec les récentes mesures de la BRB qui auguraient des lendemains chantants. « Avec la levée de la mesure portant retrait d’agrément des bureaux de change sur tout le territoire national, nous espérions avoir des devises en quantité suffisante et à un prix abordable », expliquent-ils.

Iwacu a essayé de contacter la BRB pour de plus amples explications sur cette pénurie de devises, sans succès.

Il faut des solutions idoines

Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), reconnaît la pénurie des devises. Pour lui, les causes sont endogènes. Il épingle le manque de produits à exporter. Et d’expliquer : « Dans le passé, le Burundi exportait principalement le café et le thé. Ces produits ramenaient beaucoup de devises qui pouvaient aider le Burundi à couvrir presque toutes les importations sans problème et disposait de réserves pour quelques mois ».

Par ailleurs, tient-il à clarifier, le Burundi a presque totalement abandonné les cultures industrielles, comme le café. D’où, fait-il remarquer, la production du café a sensiblement chuté à plus de 50%.

En outre, il fait savoir que la 2e source des devises devrait provenir de la vente des minerais : « J’ai regardé du côté du budget sur la rubrique des fonds en provenance des minerais. Aucun franc n’a été enregistré alors que c’était prévu 3 milliards BIF. Et même cela n’est rien. » Même pour le peu de minerais que nous exportons, a-t-il déploré, il n’y a pas de politique de rapatriement de devises

Manque de confiance

Pour ce défenseur de la bonne gouvernance, le manque de devises résulte aussi du fait que les partenaires au développement du Burundi n’ont pas encore renouvelé la confiance totale envers Gitega pour débloquer les fonds en rapport avec l’aide directe au gouvernement. « Certes, il y a des appuis aux projets, mais le gouvernement n’a pas, dans la plupart des cas, la capacité d’absorption des fonds qui sont donnés ».

M. Rufyiri indique qu’il y a encore moins d’argent en provenance de la coopération : « C’est autour de 200 millions d’euros alors qu’auparavant on recevait à peu près 400 millions d’euros. »

L’heure est à trouver des solutions

Pour Gabriel Rufyiri, il y a des obligations de la part du gouvernement pour que les robinets puissent être ouverts.

« Le gouvernement doit avoir une politique claire des secteurs porteurs de croissance en matière d’exportation des cultures industrielles »

Il recommande au gouvernement burundais d’injecter beaucoup de moyens pour que ces secteurs soient réellement porteurs de croissance.

Par ailleurs, insiste Gabriel Rufyiri, le Burundi doit assainir l’attribution des marchés publics au niveau de l’exploitation et la commercialisation des minerais. Et de marteler : « Pour que les minerais soient bénéfiques pour le Burundi, le gouvernement doit apprendre à utiliser des expertises valables, pas des charlatans, des commissionnaires. »

Cet activiste de la société civile suggère le renforcement de la coopération au développement. Pour lui, le Burundi doit montrer sa capacité en matière de gestion transparente du budget. « Il faut que le Burundi se presse de corriger les failles qui se trouvent au niveau de la gestion des finances publiques ».

M. Rufyiri recommande, en outre, d’attirer les investisseurs étrangers : « Il n’y a aucun investisseur étranger qui viendra investir au Burundi si les conditions nécessaires ne sont pas remplies. Le gouvernement doit rendre la justice opérationnelle et indépendante pour que les investisseurs étrangers puissent venir.

Il souligne que le Burundi doit appliquer les principes du Doing business, principes à base desquels les pays sont évalués si réellement l’environnement des affaires est propice ou non.

Et d’énumérer, entre autres principes, l’enregistrement de l’entreprise en peu de temps, la politique fiscale alléchante pour les investisseurs étrangers, la justice fiscale, les principes de lutte contre la corruption, les marchés publics ouverts. « Si tous les indicateurs sont au rouge, personne ne viendra investir au Burundi », renchérit-il.

Enfin, Gabriel Rufyiri suggère aussi d’attirer la diaspora et de booster le secteur du tourisme.

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