Une lettre au gouverneur de Mwaro : et si les autres provinces vous rendez la monnaie de votre pièce ?

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Une lettre au gouverneur de Mwaro : et si les autres provinces vous rendez la monnaie de votre pièce ?
Une lettre au gouverneur de Mwaro : et si les autres provinces vous rendez la monnaie de votre pièce ?

Africa-Press – Burundi. Pour protéger la récolte, Colonel Gaspard Gasanzwe, gouverneur de Mwaro vient d’interdire, ce mardi 30 mai, à tous commerçants des produits alimentaires de s’approvisionner à Mwaro. Désormais, son attestation et celle du gouverneur de la province destinataire sont exigées pour faire ce commerce. Les administrateurs et la police sont invités à faire respecter cette mesure. De quoi mettre en rogne ce blogueur qui pose des questions à l’agent de l’administration dans cette missive.

Monsieur le gouverneur,

La mesure que vous avez prise ce mardi mérite d’être revue. Vous n’êtes pas le premier et sans doute pas le dernier à prendre une telle mesure pour protéger les récoltes, cela part d’une bonne intention, je le concède. Toutefois, il est aussi important de penser aux conséquences que cela peut entraîner.

Monsieur le gouverneur,

Aujourd’hui, le Burundi fait partie de la Communauté est-africaine (CEA). Et c’est même un honneur que le Burundi dirige cette communauté. Mais si je me rappelle bien, la libre circulation des biens et des personnes est reconnue dans cette communauté.

Monsieur le gouverneur,

Supposons que d’autres provinces, communes, et pays de la communauté est-africaine prennent la même mesure pour ‘’protéger’’ leur production agricole. Rien ne sort, rien n’entre. Les Burundais, les ‘’Mwariens’’, sont-ils prêts à s’auto suffire ?

A moins que je me trompe, mais, me semble-t-il, à Mwaro, il n’y a pas de brasserie, pas de sucrerie, ni d’usines de fabrication de tôles, encore moins de cimenteries…vous n’avez même pas le lac Tanganyika qui nous donne du poisson, du Ndagala, d’umukeke, dont certaines gens de Mwaro sont sûrement friands.

Alors, dites-moi monsieur le gouverneur, où les gens de Mwaro trouveraient-ils du carburant, de la Primus ou Amstel, du sucre, ou encore des fertilisants pour augmenter cette production agricole, etc., si les gouverneurs des provinces où les usines qui produisent ces produits décidaient de prendre eux aussi la mesure que vous venez de prendre ?

… que chaque poche ait de l’argentMonsieur le gouverneur,

Aujourd’hui, le président de la République invite la population, les cadres de l’Etat, les fonctionnaires, … à investir dans l’agriculture et l’élevage. Et ce, dans le but d’augmenter la production afin que « chaque bouche ait à manger et que chaque poche ait de l’argent », un principe cher au président Evariste Ndayishimiye.

Or, monsieur le gouverneur, pour avoir de l’argent, il faut vendre. Quand on a investi, après la récolte, on a besoin de « kwikura akuya », c’est-à-dire profiter des fruits de son labeur. Et c’est bien sûr cet intérêt qui pousse les investisseurs agricoles à initier d’autres projets, de réinvestir ailleurs, etc.

Ce paysan, cet agriculteur a besoin de payer le minerval pour ses enfants, de payer son ticket pour rendre visite à son fils à Bujumbura, pour acheter du sel, de l’huile de palme, pour se faire soigner, …

Monsieur le gouverneur, comment va-t-il avoir cet argent s’il ne peut pas écouler une partie de sa production au marché ? Ou peut-être, vous me direz que Mwaro est très productive ? Ce qui est vérifiable. C’est rarement, pour ne pas dire jamais que l’on trouve Mwaro parmi les trois premières places du classement en ce qui est de la production vivrière. Ce qui, dans d’autres mots, sous-entend qu’elle a souvent recours aux autres provinces pour se nourrir.

Par ailleurs, n’est-ce pas dans cette province où les gens d’une localité, Gisozi si mes souvenirs sont bons, auraient demandé qu’on leur construise un marché moderne à Kurubaho ? Chose promise, chose faite. Et paradoxalement, le jour de l’ouverture, le marché s’est retrouvé avec un afflux d’acheteurs et très peu ou pas de vendeurs. Peut-être que les gens ont exagéré, mais cela prouve que Mwaro a besoin de se ravitailler ailleurs pour se nourrir, car le marché survivrait grâce aux produits alimentaires venant de Kirimiro.

Monsieur le gouverneur,

Si votre mesure est appliquée, même les caisses communales vont être affectées. Car, beaucoup de nos communes gagnent de l’argent grâce au commerce interprovincial. Les commerçants paient des taxes.

Monsieur le gouverneur,

A mon humble avis, il serait plus judicieux d’enseigner aux producteurs de Mwaro à bien gérer leur production plutôt que de les empêcher de la vendre. Une gestion rationnelle de la récolte suffit. J’espère que vous reverrez bientôt cette mesure, qui ne manquera pas d’avoir des répercussions sur la vie de la population.

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