Vivre avec 60 000 BIF à Bujumbura : de l’amphithéâtre à la précarité

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Vivre avec 60 000 BIF à Bujumbura : de l’amphithéâtre à la précarité
Vivre avec 60 000 BIF à Bujumbura : de l’amphithéâtre à la précarité

Africa-Press – Burundi. Dans un portemonnaie d’un étudiant boursier, il est rare d’y trouver les billets jaunes, sauf quand « la manne étatique » tombe, une seule fois le mois, à raison d’environ 17 dollars. Angoissé par la précarité financière, Jérôme (nom d’emprunt) se confie et raconte les gymnastiques auxquelles il se livre pour joindre les deux bouts.

2018. Jérôme débarque sur Bujumbura. Il vient de terminer ses humanités générales, loin, dans sa province natale, Rutana. Il a des rêves et des ambitions. Cadet d’une famille de cinq enfants, il a été le seul à être inscrit au banc de l’école, et de surcroit, le seul à embrasser l’université. « Je n’aurais jamais pensé poser le pied à l’université du Burundi, jusqu’au moment où j’ai vu mes notes (65%) à l’examen d’Etat », se remémore fièrement le jeune homme. Un des plus doués de sa promotion, Jérôme rejoint la faculté des lettres et sciences humaines après le cycle post-fondamental.

Issu d’une famille pauvre, il ne lui a pas été facile de s’adapter à la vie d’étudiant à Bujumbura, à 200 km de chez lui. Dans sa poche, avant de descendre vers la ville, Jérôme a une somme de 350 mille BIF qu’il a pris soins d’épargner, afin de se prévenir de tout retard éventuel de paiement du prêt-bourse. « En attendant l’appel à inscription à l’université, j’ai bossé, et j’ai fait des économies », souligne-t-il. Cependant, il verra la somme fondre rapidement à cause de la vie chère de Bujumbura.

De Kumoso à Kanyare, la désillusionC’est au mois de septembre 2018 que Jérôme descend à Bujumbura pour la première fois, muni de son sac-à-dos.

A son arrivé, avec quatre autres étudiants, il loue une maison d’une chambre et un salon à Kanyare, un quartier situé sur le flanc du mont Vugizo, surplombant la ville de Bujumbura. Chacun se cotise 10.000 BIF pour le loyer. Ils dorment dans la petite chambre et étendent des matelas par terre. Le salon leur sert en même temps de salle de révision des cours.

Pour Jérôme, son challenge est surtout lié au paiement du repas quotidien. Au restaurant, il paie 2500 BIF par jour et à la fin du mois, il dépense autour de 75 000 BIF. Cette somme est exorbitante, d’autant plus qu’elle dépasse de loin son prêt-bourse de 60.000 BIF. « Et voilà, le déficit se creuse. Il me manque 15 000 pour ne fut-ce que m’acheter la nourriture, sans parler d’autres besoins quotidiens »

Pour joindre les deux bouts du mois, il n’a pas beaucoup de choix : alterner entre manger une et deux fois par jour. Cette pénible vie devient très vite un fardeau. Quand son budget s’évapore entre le 15 et le 20, il se sent vite abandonné, dans la mesure où les autres étudiants demandent de l’aide aux parents et que lui n’a pas de voie de secours. « La première année, je ne pouvais pas supporter ce calvaire. A cause de cette galère, je n’ai pas pu réussir », lamente-t-il.

Si Jérôme dépense 2500 BIF chaque jour pour ses repas, il y en a d’autres qui ont un quotidien encore plus difficile que lui. Eloi* âgé de 25 ans, étudiant en bac3, qui ne compte que sur sa bourse pour vivre à Bujumbura, fait savoir comment il gère cette somme : « Pour le repas, je dépense 48 mille BIF chaque mois. Au petit déjeuner, je ne mange rien. Pour le déjeuner et le diner, j’utilise toujours 800BIF chez Gasongo. Avec les unités (MB), photocopie des syllabus et bien d’autres besoins assez primaires, je tombe autour de 80 mille BIF. »

Une voie de secoursJérôme a fini par réaliser qu’il perdait du temps. Avec ce budget de 60 mille BIF, il lui était difficile de terminer ses études. Il va se retrouver à la croisée des chemins, et l’idée de chercher un emploi lui procurant un revenu supplémentaire va lui frôler la tête.

Après une année de galère, Jérôme va alors décider de chercher à tout prix un emploi, en espérant que sa situation va s’améliorer. Il parvient à avoir un poste de serveur dans un restaurant au centre-ville de Bujumbura, avec un salaire de 60 mille BIF par mois.

Avec ce travail, Jérôme respire un peu, et se procure enfin 2 repas par jour. Cependant, avec la pauvreté dans laquelle sa famille vit, il doit assurer quelques besoins familiaux, comme faire soigner ses cousins de la campagne.

Bien que sa situation semble s’améliorer, Jérôme ne peut même pas se permettre le luxe de se payer un ticket de transport en commun au centre-ville de Bujumbura.

Comme tant d’autres, Jérôme avait beaucoup d’ambitions. Mais, ses ambitions ont cédé la place aux dures réalités de la vie d’étudiant de Bujumbura.

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