Afritextile vs CNL : Votre commande est annulée !

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Afritextile vs CNL : Votre commande est annulée !
Afritextile vs CNL : Votre commande est annulée !

Africa-Press – Burundi. Inédit. Afritextile, une société privée spécialisée dans le secteur textile, accepte une commande du Congrès National pour la Liberté (CNL) pour la confection des pagnes en vue de la célébration du 4ème anniversaire du parti. La société empoche une quarantaine de millions de BIF. Mais, à la dernière minute, elle se rétracte et renonce à la commande ! Pour le CNL, c’est simplement un acte de sabotage.

« Le 23 janvier 2023, je me suis rendu à l’Afritextile et j’ai rencontré le directeur commercial. Je lui ai dit que nous voulons des pagnes pour le parti CNL. Je n’ai pas voulu lui dire la vraie date parce que je voulais qu’ils fassent vite. Je lui ai dit que nous les voulons le 4 février. Il a rétorqué que la commande sera assurée plutôt le 6 février », confie E.M qui était chargé de cette commande.

Le marché est conclu. D’après ce militant du CNL, le directeur commercial lui a demandé le design pour pouvoir fixer le prix. Chose dite, chose faite. « Le lendemain, je lui ai remis le design et je lui ai demandé le pro forma et les formalités de paiement. Il a préparé le proforma, mais il a été prudent, car il l’a montré au directeur général. Ce dernier l’a signé. C’était 44. 440.000 BIF. » Le 25 janvier, la somme de 23 millions de BIF est déposée sur le compte de la société Afritextile.

Les déboires

Le bon de commande mentionnait que la durée de livraison était d’une semaine. « Le 2 février, j’ai demandé pourquoi je n’ai pas encore reçu l’échantillon pour validation. On m’a dit que le directeur général rechigne à signer le copy order pour approuver la commande. Je l’ai cherché, mais il m’évitait tout le temps. » E.M s’est rabattu sur les amis et les proches du directeur général d’Afritextile, Gilbert Nzeyimana, pour faire avancer le dossier. « Il avait promis de confectionner les pagnes. »

Le 4 février arrive. Selon E.M, le directeur général leur a annoncé que la société manque le colorant rouge. M. Nzeyimana aurait demandé : « Est-ce qu’ils ne peuvent pas abandonner la couleur rouge ? » Ce que les Inyankamugayo (militants du CNL) refuseront : « C’est la couleur de leur parti. Ça n’aurait plus aucun sens. Le directeur général me dit que le colorant rouge sera disponible le 7 février. J’ai accepté, mais en lui signifiant qu’on doit avoir les 2000 pièces au plus tard le 9 février. Il a accepté. »

D’après E.M, M. Nzeyimana a commencé à ne plus as décrocher le téléphone. « Par après, il nous a dit que le colorant rouge est introuvable et que nous pouvons reprendre notre argent. Après plusieurs visites, on m’a remis nos chèques le 14 février. »

D’après des informations recueillies au sein de l’Afritextile, sur les 5 personnes qui signent sur le copy order, 4 ont signé, mais le directeur à refuser de signer pour approuver la confection des pagnes du CNL. « J’aurais pu demander des dommages et intérêts. Commercialement, c’est impensable. S’il y avait un problème de couleur rouge, il n’aurait pas accepté commande et notre argent et le garder plus de 3 semaines. »

Agathon Rwasa hausse le ton

Le CNL s’est rabattu sur une autre société dans un pays voisin. « Si ceux qui sont au pouvoir et ceux qui aspirent à y accéder veulent réellement le bien de la population, ils doivent mettre fin à toute forme d’exclusion. Elle est à la source de tous les conflits. Il faut également savoir que tout pouvoir a une fin. Échafauder des plans, faire toutes sortes de calculs pour se maintenir au pouvoir, il y aura un jour où cela va prendre fin. »

Agathon Rwasa, président du CNL, s’étonne : « Comment une société peut accepter l’argent d’un client s’il sait qu’il ne va pas honorer ses engagements ? J’étais à Muyinga et on m’a demandé de discuter avec Taluk, propriétaire de la société Afritextile, mais le directeur général avait pris la décision de refuser notre commande. »

Le DG s’explique

« Pour vous dire la vérité, il y a une couleur dans leur design qu’on n’a avait pas. De plus, l’importation prend du temps parce qu’il y a des frais qu’on n’a pas pu régler à temps faute de devises. Pour ne pas les retarder, on a décliné tout simplement. Il n’y a aucune mésentente. En période électorale, nous honorons leurs commandes. » Ce que réfute Agathon Rwasa. « Ce sont des mensonges. On avait même des réticences, mais on pensait qu’ils pouvaient transcender cela. »

Pour le directeur général, il n’y a aucune raison pour ne pas confectionner les pagnes du CNL. « Il a reçu des rapports erronés. Ce sont des spéculations politiques et on ne peut pas s’immiscer là-dedans. Si même demain ils changent la couleur et mettre la couleur orange, on peut le faire », indique le directeur général.

Est-ce le moment de faire du chichi ?

« Nous n’avons jamais eu un problème de colorant depuis le début de l’année », confie un employé de la société Afritextile. Pour eux, le seul problème est qu’ils sont tout le temps envoyés en chômage technique à cause faute de commandes. « Du 3 mars au 7 mars, nous n’avions aucune commande. Nombre d’employés étaient en chômage technique. Dieu aidant, nous sommes en train de confectionner des pagnes pour un Congolais et nous venons d’avoir une commande du CNDD-FDD », renchérit un autre travailleur de l’Afritextile.

D’après les employés d’Afritextile, c’est la première fois que Afritextile rejette une commande. « On est tombé des nues. Dans notre service, on n’était même pas au courant de cette commande. Nous sommes plus de 900 employés, est-ce qu’ils vont renvoyer tous les Inyankamugayo ? »

Et de se remémorer les avantages qu’ils n’ont pas reçus parce que la direction arguait une période de vache maigre. « On recevait des gratifications, mais la source est tarie. Manque de commandes. On nous avait promis 5% de notre salaire pour 4 ans. On devait les avoir au début de ce mois, rien en vue. Problème d’un chiffre d’affaires qui dégringole », raconte un employé.

« Ce sont les travailleurs qui souffrent. Nous sommes des commerçants. Comment un commerçant peut refuser de l’argent à cause des velléités politiques ? Laissons la politique aux politiciens. Nous voulons du travail. Ça montre une autre image de notre entreprise », scande un employé de l’Afritextile. « Justement, comment refuser les commandes alors que nous n’avons pas à faire ! Ce sont des spéculations politiques. Nous sommes des commerçants. »

Sommaire

Hamza Burikukiye : « Des allégations infondées. »

« Des déclarations à prendre avec des pincettes », a réagi le représentant légal de Capes+. Sachant que la mission principale d’Afritextile consiste à produire pour vendre, cet activiste de la société civile se demande comment cette entreprise aurait refusé la commande. « Ils peuvent ne pas s’être entendus sur les prix ou bien Afritextile était dans l’incapacité de répondre à cette offre pour des raisons internes », opine-t-il.

Sinon, argue M. Burikukiye, rattacher cela à des fins politiques, peut-être assimilée à une tactique politicienne ou tout simplement un moyen de vouloir salir l’image de cette usine pour des raisons non avouées.

Dans pareils cas, pour ne pas tomber dans des illusions ou fausses imaginations, cet activiste conseille d’attendre un démenti ou des éclaircissements de l’usine, ainsi couper court à toutes spéculations.

Abdoul Kassim : « Une honte pour l’entreprise. »

Le président du UPD-ZIGAMIBANGA estime que ce qui s’est passé comme annoncé par le président du Parti CNL est une honte pour l’entreprise et pour le pays. « Le Burundi a suffisamment vécu les intolérances, les discriminations et les haines de tout acabit au point de ne plus retomber dans ces travers », fait-il remarquer.

Si tel est le cas, il juge : « Une enquête doit établir à qui incombe les responsabilités, ainsi punir les fauteurs de troubles ; Avant de conclure : « Sinon, tout le monde devrait parler d’une seule voix pour dénoncer ces cas d’intolérance politique ».

Faustin Ndikumana : « Le conseil d’administration de l’entreprise doit se réunir pour plancher sur le cas »

Le président de Parole et Changement des Mentalités (Parcem) trouve insensé qu’une entreprise comme Afritextile avec les difficultés financières auxquelles elle fait face puisse refuser d’exécuter une commande suite à des considérations politiques, surtout qu’il n’y avait aucune concurrence. « A l’ère où nous sommes, c’est un comportement de bas-étage, un indicateur du sous-développement mental dans lequel croupissent certains Burundais qui ne devraient plus avoir de place ».

Pour lui, si la ségrégation, la politisation du milieu du business tendent à s’ériger en règle, c’est une preuve irréfutable que nous sommes en train de régresser. « Si tel est le cas, les gestionnaires de cette entreprise devraient produire une demande d’explication immédiate.

Sinon, le Conseil d’administration devrait se réunir pour plancher sur le cas, au cas échéant mener une enquête pour établir les responsabilités, ainsi punir les coupables ». Sinon, estime-t-il, au-delà du manque à gagner, une pareille décision est de nature à porter atteinte à la cohésion sociale et à l’unité nationale, car, elle divise la population.

Kefa Nibizi : « Une autre forme d’intolérance politique. »

Très surpris, le président du Codebu Iragi rya Ndadaye comprend mal comment une société commerciale refuse de vendre ses produits, surtout que c’était une commande importante. « Quand bien même la société n’aurait pas été apte à honorer ladite commande, le mieux aurait été d’en aviser le parti à temps. Au besoin, recourir à une sous-traitance ».

D’après M. Nibizi, ce comportement ne peut être expliqué que par deux raisons : il y a des gens qui supportent mal le multipartisme. La 2e raison, c’est la peur. « En tant que 2e force politique, il est normal que tout rassemblement national des membres du Cnl soit perçu comme une menace pour le Cndd-Fdd ». Et de laisser entendre : « En exécutant ledit marché, peut-être que les responsables d’Afritextile se sont dit qu’ils seraient en en train de donner un coup de main au Cnl. Une fausse idée, parce qu’en tant qu’entreprise, la fonction première, c’est de vendre sans distinction aucune.

Selon lui, c’est un comportement qui cache mal une autre forme d’intolérance politique. En plus de faire perdre des millions de BIF à l’entreprise, l’image de la boîte est ternie.

Léonce Ngendakumana : « Une absurdité »

« Avec les problèmes financiers auxquels fait face la société Afritextile. C’est injustifiable et incompréhensible », tranche l’ancien député du Sahwanya Frodebu.

Si tel est le cas, sur le plan politique, ceci est un signe évident que le Cndd-Fdd a peur du Cnl. « En agissant ainsi, il ne fait aucun doute que les responsables de cette société ont subi des pressions. Dans pareil cas de figure, ils se devaient de sauver la face au risque de subir la colère de certains ténors du parti de l’Aigle ».

Dans tous les cas, M. Ngendakumana estime que c’est une preuve qui montre à suffisance que l’espace démocratique est encore verrouillé. « Si à deux ans des législatives, une entreprise refuse de fabriquer des pagnes parce qu’elles sont du parti de l’opposition, qu’en sera-t-il lorsque viendra le moment de battre campagne ? »

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