Africa-Press – Burundi. Deux processus travaillant le peuple burundais handicapent son développement humain. Sa résignation induite par la peur de la mort violente, consécutive à la répression des manifestations anti-troisième mandat de feu président Pierre Nkurunziza, est une tendance lourde. Même les privilégiés ne sont pas en reste. Sont éloquents, à cet égard, le rétropédalage du parti Sahwanya-Frodebu qui se désolidarise de Léonce Ngendakumana dans la foulée de la sortie du communiqué du ministère de l’Intérieur accusant le parti CNL de « coalition et d’association avec les organisations terroristes ainsi que le « ni concepteur ni signataire » du parti Uprona vis-à-vis de la lettre de ce ténor du parti du Héros de la démocratie, datée du 2 janvier 2024, adressée aux Garants et amis de l’Accord d’Arusha pour sa réhabilitation, sa mise en œuvre et son suivi. La perspective de l’exil forcé, d’une arrestation arbitraire et/ou d’une incarcération ont aussi entamé le courage des anciens partis au pouvoir, leurs représentants tournant le dos à un accord auquel ils adhèrent sans réserve.
Cultiver l’esprit du « pourquoi pas ? » passe en mode off par le gel mortifère de la résignation qui change le rapport des Burundais à la divinité. Ils implorent la Providence de les sortir du gouffre – neuf ans durant que le Burundi dispute la place du pays le plus pauvre du monde au Soudan du Sud -, submergés par un sentiment d’impuissance permanente et générale. Plus la lueur d’espoir des Burundais vacille, plus leur croyance en une prière rentable vire au trait culturel dominant. « Si tu te jettes dans un puits, l’heureuse Providence n’est pas tenue de venir t’y chercher », rétorque la sagesse anglaise.
Le second processus est le rabougrissement des esprits par la soustraction des cours et la simplification des programmes constituant l’ADN du système fondamental et post-fondamental. Et les résultats attendus sont au rendez-vous. La langue de Molière est devenue une barrière infranchissable chez certains étudiants qui demandent à leurs professeurs d’alterner le français et le kirundi pour une meilleure assimilation du cours. Cultiver le goût de la facilité – moteur de la régression – fera le lit du raccourci dans leur vie d’adulte : vouloir emprunter une trajectoire ascendante ici et maintenant.
Qui plus est, ledit système s’évertue à tuer dans l’œuf les capacités d’innovation des jeunes apprenants. L’esprit entrepreneurial ne peut prendre son envol pour explorer de nouveaux domaines ou envisager d’autres manières de penser sans stimulation du difficile ou du paradoxe prenant en défaut nos préjugés, nos structures et nos modes de fonctionnement.
In fine, un tel système éducatif érode la capacité des citoyens à poser un diagnostic sur les difficultés qui les assaillent au quotidien et à appréhender les orientations des politiques publiques. La possibilité d’émergence de citoyens vecteurs d’aspirations démocratiques s’évapore, consolidant ainsi la servitude volontaire des citioyens uniquement accaparés par la satisfaction de leurs préoccupations matérielles. Reste à savoir si cette réforme vise à former des dominants agressifs, des dominés agressifs ou des fluctuants.
Pour impulser une dynamique du développement sur le socle de la liberté d’action, il faut cultiver la dissidence, le goût du débat. Ce faisant, on sort du cercle vicieux de la circularité des idées pour entrer dans la circulation des idées.
Guibert Mbonimpa
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