Le fonctionnaire de l’Etat selon le « Très Honorable » Ndabirabe

8
Le fonctionnaire de l’Etat selon le « Très Honorable » Ndabirabe
Le fonctionnaire de l’Etat selon le « Très Honorable » Ndabirabe

Africa-Press – Burundi. Lors de la présentation du rapport de performance et d’exécution budgétaire pour le 2e trimestre, exercice 2022-2023 devant les élus du peuple à l’Hémicycle de Kigobe par le ministre des Finances, mercredi 25 octobre 2023. Le président de l’Assemblée nationale a traité les fonctionnaires de l’Etat de tous les maux. Accusés d’incompétence, de paresse… Pour lui, seule la bastonnade peut les ramener dans le droit chemin.

Persistance des retards dans la transmission des rapports, absence de suivi administratif, paresse, etc. Dans son intervention, Gélase Ndabirabe, président de la Chambre basse du Parlement n’est pas allé de main morte. Selon lui, l’incompétence de certains fonctionnaires de l’Etat dépasse l’entendement : « Comment peut-on se targuer d’être bardés de diplômes, des docteurs dans différents domaines ? Mais lorsque vient le moment de s’acquitter de leur tâche, au lieu d’accomplir leur travail, ils font recours aux consultants. Le comble, c’est qu’en retour, ces mêmes consultants mettent du temps. De quoi se demander si réellement le pays a des cadres compétents ? ».

Après la présentation du rapport par la commission permanente des comptes publics et des finances, des affaires économiques et de la planification de l’Assemblée nationale, cet organe a constaté avec amertume que malgré les recommandations émises, les rapports arrivent toujours avec des retards.

Pour le ministre, c’est suite à des difficultés rencontrées dans l’exécution du plan de travail et du budget annuel. D’autres facteurs sont entre autres le manque d’outils adéquats de suivi des performances, notamment l’absence d’outil digital approprié au niveau central et sectoriel ainsi que le manque de compétences, étant donné que la réforme est récente.

Le président de l’Assemblée nationale, Gélase-Daniel Ndabirabe n’a pas hésité à fustiger certains fonctionnaires « en surpoids, assis à ne rien faire à part manger de grosses omelettes : « Ils ont de gros ventre parce qu’ils ne foutent rien, ils passent leur temps à manger et boire dans leur bureau et c’est pourquoi il faut les secouer et pourquoi pas ne pas les soumettre à une séance de bastonnade ?». Une suggestion rappelant la vie impitoyable au maquis souvent évoquée par le président de l’Assemblée nationale.

M.Ndabirabe monte au créneau

Dans son intervention, en plus de l’incompétence, le retard dans le traitement des dossiers a retenu l’attention du président de l’Assemblée nationale. « Plus d’une fois, nous nous sommes posé la question de savoir où en est le processus de digitalisation ? Jusqu’à maintenant que des réponses vagues. A votre avis, pourquoi ? Sans doute, parce que les experts à qui nous avons confié la mission n’y voient pas directement leurs comptes. Ils ne veulent pas la transparence » Le pire, peste-t-il, c’est lorsque vient le moment de leur demander quand ils rendront le rapport.

« Ils te diront dans une semaine, deux, voire même des mois. Pour finir, demander l’appui des consultants », ironise M. Ndabirabe. Parmi les mauvaises habitudes à l’origine du retard du traitement des dossiers, le président de la Chambre basse du Parlement pointe aussi la fâcheuse tendance de répartition du travail en commissions : « Dans tous les ministères, on entend des histoires de commissions, à longueur des journées. Justement, à cause du manque de compétences ».

Et de lâcher : « Soyez-en rassuré ! Les élus du peuple vont en découdre avec les membres du gouvernement vu que ce sont eux qui viennent présenter les rapports ». « Nous vous demandons toujours la transparence et la cause de ces retards. Vous demandez des formations ? Quel genre de formations vont tirer ces fonctionnaires de la fainéantise ? La seule formation à mesure de les redresser, c’est celle de la bastonnade. Il n’y a pas d’autres choix. »

Autre problème soulevé par le président de l’Assemblée nationale, c’est la problématique liée au suivi administratif. « En principe, si tu demandes à quelqu’un de faire un travail, il faut un suivi. Toutefois, le constat, c’est qu’il n’y a pas de suivi dans tout le pays. On donne un travail à un fonctionnaire X et il croise les doigts. Et lorsqu’ on lui demande le rapport, il avance qu’il n’a pas encore terminé, il n’en est qu’au draft. Le comble, c’est quand on lui demande de présenter le « draft », rien du tout. Il n’a rien encore fait ! Et pourtant, il ne manque pas de s’esclaffer à longueur de journée parlant du tout et de rien avec ses collègues autour d’une tasse de thé… » Avant de lâcher : « Mes chers, la solution c’est la bastonnade. Une bastonnade à la machine. »

Faisant allusion à la Chine dont la population est réputée bosseuse, M. Ndabirabe déplore la paresse qui s’érige en mode de vie chez certains fonctionnaires. « Allez voir les boutiques au centre-ville, à 17 heures, elles sont quasi toutes fermées. Ailleurs dans les autres pays de l’EAC par exemple, à cette heure, c’est l’occasion idéale pour vendre. Mais au Burundi, comment est-ce qu’on va atteindre les objectifs en dormant ? » Selon lui, un très grave problème, surtout que ceux qui mangent plus qu’ils ne travaillent, leur nombre va crescendo. « Ce que nous observons, c’est le résultat de tous ces maux. Des gens qui veulent s’enrichir aux dépens de la sueur d’autrui ».

Signalons que conformément à l’article 63 de la loi organique n°1/20 du 20 juin 2022 portant révision de la loi organique n°1/35 du 4 décembre 2008 relative aux finances publiques, le gouvernement transmet trimestriellement au Parlement des rapports de performance programmatique et d’exécution budgétaire.

Keffa Nibizi : « Avant tout dépolitiser l’administration publique »

D’entrée de jeu, le président de Codebu Iragi Rya Ndadaye salue la nouvelle dynamique que tentent d’amorcer l’Assemblée nationale et le Sénat. « Une chose est sûre, il est clair qu’il n’y a plus de compromis. Les deux chambres du Parlement n’ont pas de jouer pleinement leur rôle de contrôle de l’action gouvernementale, en hésitant pas d’émettre des critiques sévères à l’endroit de l’exécutif », réagit-il très satisfait. Une approche, selon lui, qui permet de comprendre les causes de ce qui ne va pas, ainsi proposer ensemble des pistes de solutions.

Concernant les griefs pointés du doigt par le président du Parlement, à l’origine des retards de la non-intégration de la réforme du budget-programme, M.Nibizi indique que cela peut découler de plusieurs raisons, en tête desquelles : le niveau de formation des fonctionnaires qui a sensiblement diminué. « Le président de l’Assemblée nationale a beau s’en prendre aux fonctionnaires du ministère des Finances. Malheureusement, c’est une situation qui tend à se généraliser dans tous les ministères ».

Un autre facteur, d’après lui, à l’origine de cette incompétence, la façon dont ces cadres sont recrutés. Sachant qu’actuellement, le recrutement se fait sur base d’appartenance politique, népotisme, clientélisme, ce politique trouve qu’il sera toujours difficile d’atteindre certains résultats.« L’urgence, c’est de dépolitiser l’administration publique, organiser des concours afin que soient embauchés les plus méritants ». Avant de conclure : « En aucune manière, le militantisme ne doit être un baromètre dans le recrutement des fonctionnaires de l’Etat ».

Abdoul Kassim : « Pour qu’elles soient bien assimilées, certaines notions requièrent plus de temps »

Bien que nuancé, le président de l’UPD Zigamibanga n’est pas de l’avis du président du Parlement. « Certaines notions compte tenu de leur complexité, surtout si elles sont nouvelles, afin qu’elles soient bien assimilées, des fois, requièrent plus de temps. C’est le cas pour la réforme de budget-programme », tente-t-il de justifier. Selon lui, le ministre des Finances émettant le souhait de renforcer les capacités à l’endroit des fonctionnaires de son ministère, il ne fait point de doute que quelque part, il lui aussi a compris que ce besoin.

Pour éviter des interprétations biaisées, ce politique estime que le Parlement devrait diligenter une mission parlementaire dans tous les ministères. Autrement, explique-t-il, dans la plupart des cas, l’avènement des nouvelles technologies, suppose un temps d’adaptation. Concernant la fâcheuse tendance de certains ministères de recourir aux consultants, M.Kassim indique que cela est lié à l’absence de spécialisation des filières disponibles dans les universités du pays.

D’après lui, la seule manière de ne plus souvent recourir aux consultants, le gouvernement devrait réformer son système éducatif, innover davantage.

Gaspard Kobako : « C’est une autocritique »

Pour Gaspard Kobako, homme politique, ces gens cités par Gélase Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale sont des cadres de l’Etat. « Et la quasi-totalité est issue du parti au pouvoir », tranche-t-il.

Pour lui, ce ne sont pas des petits fonctionnaires, des instituteurs, etc. « Ce sont eux qui les ont nommés à ces postes. Ils les connaissent bien. Ils sont de la même formation politique et issue des partis qui leur sont proches. Donc nul doute qu’à ce niveau, il a dit vrai. Ce sont leurs cadres. C’est donc une autocritique. »

Pour cet opposant, au lieu de se limiter aux critiques, aux commentaires, ils n’ont pas qu’à les remplacer par des technocrates. « Ils sont nombreux dans ce pays. L’idéal serait que les gens soient nommés non pas parce qu’ils sont militants, mais parce qu’ils sont capables, compétents. » Au regard de ce qui passe, M. Kobako ne cache pas son pessimisme : « Le chef de l’Etat ne cesse de faire des mises en garde à l’endroit des fonctionnaires, des magistrats en particulier. Cependant, ils sont tellement habitués à la corruption qu’ils en sont devenus malades carrément ».

Il déplore que beaucoup de gens ne soient pas engagés du fait de leurs compétences, mais sur base de leur appartenance partisane. Pour M.Kobako, il faut éviter deux poids, deux mesures dans les administrations publiques. « Il faut de la bonne gouvernance. Il faut redorer l’image de la fonction publique burundaise. »

Quand le président de la République ose affirmer qu’il pleure pour le peuple burundais, conclut-il, c’est un appel à l’aide, c’est qu’il est plus que nécessaire qu’il soit appuyé.

Aloys Baricako : « Le problème, c’est le népotisme »

Pour Aloys Baricako, président du parti Rassemblement National pour le Changement (RANAC), quand le président de l’Assemblée Nationale parle de compétences qui ne sont pas réellement observables dans certains services étatiques, c’est vraiment une lapalissade. « Si le Burundi regorge autant de gens qui sont qualifiés dans différents domaines et en mesure de bien rendre service à la nation, pourquoi ne pas les embaucher ? Le problème se situe plutôt au niveau du népotisme ».

Ce politique déplore le fait que le recrutement des fonctionnaires de l’Etat ne tienne pas compte des critères objectifs, mais se fasse sur base du clientélisme politique, du régionalisme et du népotisme.

M.Baricako souligne un autre problème : « Presque toutes les autorités étatiques se sont lancées dans le commerce. Dans cas, vous comprenez que la priorité pour le fonctionnaire X sera son business. Le service public a été donc relégué au second plan. »

Le président du RANAC trouve que le président de l’Assemblée Nationale ne pouvait pas se plaindre : « S’il a la latitude en tant que représentant du peuple de demander à l’autorité compétente de démettre tout fonctionnaire de l’Etat qui n’est pas en train de rendre service à la nation selon l’éthique et la déontologie du travail, pourquoi ne le fait-il pas ? »

Pour que le Burundi puisse avoir une bonne administration publique, M. Baricako suggère de mettre de côté toute tendance partisane en matière de recrutement et chercher les compétentes dans toutes les catégories socio-politiques.

Simon Bizimungu : « Un homme qu’il faut à la place qu’il faut »

Simon Bizimungu, secrétaire général du parti Congrès National pour la Liberté (CNL), soutient que le constat de Daniel Gélase Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale, est une évidence : « Les retards des rapports sont liés à l’incompétence de certains fonctionnaires de l’administration publique, la paresse et le manque de déontologie professionnelle de certains fonctionnaires de l’Etat. »

Toutefois, ce député du CNL indique que nul ne peut ignorer que le président de l’Assemblée nationale est la 2e haute personnalité du pays. Il a donc les prérogatives de faire voter une motion de censure contre ces fonctionnaires de l’Etat irresponsables.

Cet élu du peuple considère que le président de la chambre basse du Parlement a voulu donner un message aux chefs hiérarchiques de ces fonctionnaires et surtout à ceux qui les ont recrutés.

« Si réellement nos dirigeants veulent développer le pays, il est grand temps d’avoir un homme qu’il faut à la place qu’il faut. Surtout, éviter de placer les gens dans des fonctions en tenant compte du militantisme partisan », conclut-il.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burundi, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here