Africa-Press – Burundi. Les radios RPA et Izamba et la télévision Renaissance ne peuvent désormais plus diffuser leurs programmes depuis Kigali, où ces médias burundais en exil avaient trouvé refuge. Une interdiction non-officielle, tout comme l’était leur autorisation de diffuser.
L’annonce est tombée comme un couperet, mercredi 24 mars. Une « autorité rwandaise » a convoqué les responsables des radios RPA et Inzamba et celui de la télévision Renaissance pour leur annoncer qu’ils devaient cesser d’émettre depuis le territoire rwandais, où ces médias burundais en exil avaient trouvé refuge au lendemain de la crise de 2015. L’annonce n’a fait l’objet d’aucun communiqué officiel de la part des autorités rwandaises, qui n’avaient d’ailleurs délivré aucune autorisation formelle de diffusion à ces médias.
Sommés d’arrêter d’émettre « avec effet immédiat », les trois médias – qui emploient une centaine de journalistes burundais ayant fui la répression qui s’est abattue sur une partie de la population lors des manifestations contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza, en 2015 – , se sont immédiatement conformés à cette demande transmise oralement, et ont annoncé dans un bref communiqué l’interruption de leurs programmes.
« Nous avions été avertis dès octobre dernier, juste après une rencontre entre les ministres burundais et rwandais des Affaires étrangères », précise à Jeune Afrique Innocent Muhozi, directeur de la télévision Renaissance. Kigali donnerait donc ainsi des gages à Gitega, qui avait fait de la fermeture de ces médias la priorité de ses demandes dans le cadre du lent et difficile rapprochement amorcé ces derniers mois.
Et ce, un mois seulement après un affrontement qui a opposé les forces burundaises et rwandaises, le 28 février dernier. Mais Innocent Muhozi assure que le « contact » qui a annoncé la décision a assuré qu’il n’était « pas question d’extrader et encore moins de chasser qui que ce soit ».
Satisfecit de Gitega
Le gouvernement burundais, qui demande par ailleurs l’extradition de certains de ces journalistes en exil, n’en savoure pas moins une victoire. « C’était une insulte au journalisme. Ils ne méritaient pas le nom de médias. Tout ce que ces médias de la haine diffusaient était des messages visant à diviser les Burundais », a ainsi tranché Willy Nyamitwe, responsable de la communication à la présidence burundaise.
Fin janvier, le président burundais Évariste Ndayishimiye avait bien tendu la main aux médias, jugeant qu’il était « urgent de trouver une solution aux différends entre certains médias et l’État ». Mais s’il avait enjoint au Conseil national de la communication d’ouvrir le dialogue, il en avait d’emblée exclu les médias « sous sanctions ».
« Une vision paternaliste des médias »
Une « vision paternaliste des médias », selon Alexandre Niyungeko, directeur de la radio Inzamba, qui estime qu’Évariste Ndayishimiye considère que la presse doit « jouer le rôle de caisse de résonance pour le pouvoir, et ne jamais dénoncer ce qui va mal. »
« Internet n’a pas de frontières »
« Ils ont voulu tromper le monde avec la libération des quatre journalistes du groupe de presse Iwacu qui avaient par ailleurs été abusivement emprisonnés, avec un dialogue avec les médias qui n’en était pas un, ou encore avec la grâce présidentielle du 5 mars pour plus de 5 000 prisonniers qui n’est toujours pas appliquée… Mais le monde n’est pas dupe », estime Innocent Muhozi. « Ils veulent une chose et son contraire. Comment prétendre vouloir un dialogue avec les médias et nous pourchasser, y compris à l’extérieur du pays ? », s’interroge-t-il.
« Le pouvoir CNDD-FDD n’a qu’une obsession depuis 2015 : que les médias indépendants se taisent à jamais, pour continuer à violer allègrement les droits de l’homme sans que le monde le sache », attaque quant à lui Bob Rugurika, directeur de la Radio publique africaine, qui assure être d’ores et déjà en quête de solution pour continuer à diffuser.
« Nous émettons sur internet depuis que nous sommes en exil. Nous sommes en train d’analyser diverses alternatives qui peuvent s’offrir à nous, et bientôt, nous reprendrons notre travail, assure-t-il. Nous trouverons certainement une terre d’accueil, surtout qu’internet n’a pas de frontières. »