Africa-Press – Burundi. Décidément Domitien Ndayizeye ne fait rien comme les autres. Alors que le cas de feu président Buyoya ne faisait plus la Une des médias, voilà que ‘’l’homme au tournevis’’ remet le sujet sur le tapis en se faisant photographier sur la tombe de son défunt prédécesseur. Pourquoi les restes de l’ancien président, comme ceux de feu roi Mwambutsa, mais pour des raisons totalement différentes, n’ont pas encore été rapatriés ? Voilà la question qui a germé dans le cerveau de ce blogueur à la vue de cette fameuse photo.
Une photo montrant le président Ndayizeye en train de se recueillir sur la tombe de feu président Buyoya a suscité l’effervescence sur les réseaux sociaux. Même le très populaire Umuhinga Yingenga y est allé de sa petite de phrase : « Président Domitien Ndayizeye yaragiye kunamira President Pierre Buyoya ». Comme si cet acte posé par Ndayizeye était une piqure de rappel que les séquelles du passé restent vives dans les cœurs des Burundais. Une salve de réactions ont fusé suite au tweet, plutôt neutre, de @yigenga. Mais quelles leçons pouvons-nous tirer de cette photo ?
La fameuse photo nous a brusquement rappelés qu’un ancien président de la République a été enterré loin de sa terre natale. Nous redécouvrons aussi qu’il a été enterré au milieu des autres tombes, dans une passable austérité. Peu pour un chef de l’Etat, même si sa gouvernance ou son mode d’accession au pouvoir peuvent toujours susciter des polémiques. Malgré tout ça, il reste et restera toujours un ancien président du Burundi, qu’on le veuille ou pas.
Ces morts qui ne sont pas revenus…Sur l’épitaphe de la sépulture de l’illustre personnalité est marqué sobrement « Ici réponse dans la Paix du seigneur Président Pierre Buyoya, 24.11.1949 à 18.12.2020 ». A l’austérité de sa pierre tombale s’ajoute la parcimonie dans les mots. Feu Buyoya est enterré au cimetière chrétien de Bamako-Cura au Mali, parce qu’il n’a pas été possible de rapatrier sa dépouille comme cela a été le cas pour son prédécesseur, feu président Bagaza. Même les restes du tristement célèbre Michel Micombero ont été rapatriés et reposent chez lui à Murambi (Rutovu). Pourquoi cela n’a pas été possible pour Buyoya ? Nous n’allons pas nous attarder sur ce fait parce qu’il a été suffisamment commenté, celui qui veut y revenir n’a qu’à ouvrir ce lien. Faut-il encore rappeler que d’autres présidents africains ont été inhumés en terres étrangères ? Ici, je citerai Mobutu Sese Sseko de la RDC enterré au Maroc, Amadou Ahidjo du Cameroun et Hissène Habré du Tchad qui reposent toujours au Sénégal, la liste n’est pas exhaustive.
« L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive » La mort est immuable, elle nous attend tous. Les Burundais disent à ce propos : « Twese tuzopfa ntawuzorusimba », ce qui nous rappelle froidement la condition humaine toujours précaire : nous ne sommes que des passants dans ce monde, même si certains n’hésitent plus à parler de l’immortalité, mais ça c’est une autre histoire. Ndayizeye, en simple humain, n’a fait qu’accomplir un geste que les proches et les partisans de Buyoya veulent sûrement poser : rendre hommage à un être humain cher qui est disparu et qui a laissé un grand vide.
N’en déplaise à ceux qui y voient un acte politique. « L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive », chantait Lamartine. C’est le même Buyoya qui avait passé le témoin à Ndayizeye dans la cadre de l’Accord d’Arusha. Sûrement qu’ils ont travaillé ensemble et fraternisé. Quoi de plus normal qu’il aille se recueillir sur sa tombe s’il est de passage à Bamako ? Un président hutu qui se recueille sur la tombe d’un prédécesseur tutsi, voilà en réalité ce que notre société n’a pas encore réussi à inscrire dans la catégorie des choses ‘’normales’’. Et c’est dommage mais c’est compréhensible dans un contexte où la réconciliation boîte (le mot est peut-être faible).
Rapatrier les restes des anciens chefs d’Etat est-ce important ?Vous souvenez-vous de la bataille rangée qui s’est engagée entre les membres de la famille de Mwambutsa lorsqu’il a été question de rapatrier ses restes et de l’enterrer avec les honneurs ? Le différend est allé jusque dans les tribunaux suisses et la justice a tranché en faveur des dernières volontés du défunt roi qui voulait que son corps soit enterré en Suisse, au grand dam du gouvernement de feu président Nkurunziza qui s’était impliqué dans cette affaire.
Mais une question cruciale se pose : le rapatriement des anciens chefs d’Etat morts en exil peut-il œuvrer en faveur de la réconciliation ? Cette question, nous l’avons posé à Bosco Harerimana, expert en justice transitionnelle et résolution pacifique des conflits. Voici sa réponse : « Rapatrier les dépouilles des anciens dirigeants est important, d’autant plus qu’on ne sait pas encore où certains ont été enterrés, ici je fais allusions au Roi Ndizeye Charles. Quand quelqu’un a accédé aux hautes fonctions du pays, c’est bien qu’il soit enterré au pays. Dans la logique de vérité, pardon et réconciliation, c’est cruciale pour la période post conflit. C’est bien que ceux qui ont présidé à la destinée du pays aient leurs tombes au pays ». Et de conclure: « Birafasha imice itandukanye y’abanyagihugu kwiyumvanamwo no kunywana ».
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