VBG faites aux hommes : Des chiffres qui ne représentent que la partie émergée de l’iceberg

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VBG faites aux hommes : Des chiffres qui ne représentent que la partie émergée de l’iceberg
VBG faites aux hommes : Des chiffres qui ne représentent que la partie émergée de l’iceberg

Africa-Press – Burundi. A la veille du lancement des 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre (VBG), d’aucuns s’interrogent sur les VBG faites aux hommes. Des cas d’hommes assassinés, battus, chassés ou abandonnés, cas de suicide … sont quelques-unes des violences subies par les hommes dans les ménages. Iwacu a recueilli quelques témoignages.

« Depuis 2021 jusqu’à aujourd’hui, nous avons enregistré 30 cas d’hommes qui se sont suicidés dans la province de Kayanza. Parmi ces derniers, la commune Kayanza en compte 5 hommes morts de janvier à novembre 2022. Nos enquêtes nous ont révélé qu’à peu près de 90% de ces hommes se sont suicidés suite à des conflits familiaux », témoigne Boniface Nduwimana, président de l’Association « Homme en détresse » œuvrant dans la province de Kayanza.

Par ailleurs, ajoute-t-il, sur 18 collines enquêtées, 132 hommes ont quitté le toit conjugal. Et de constater que parmi ces cas, 108 hommes ont abandonné leurs foyers suite à des conflits dans les ménages, tout en précisant, en outre, que 96 hommes ont été chassés par leurs femmes.

Selon ce défenseur des droits des hommes, les violences conjugales et physiques augmentent du jour au lendemain dans cette province. Et ces chiffres qui font froid au dos sont loin de refléter la réalité sur terrain. « D’une façon générale, les hommes n’osent pas dire les violences qui leur sont faites », déplore M. Nduwimana.

Même constat du côté de Pie Mpayimana, coordinateur de l’association « Nturengaho ». Selon ce dernier, ce ne sont plus des femmes ou filles qui sont victimes des VBG. Actuellement, constate-t-il, il y a des hommes qui subissent des violences conjugales, physiques, des hommes qui sont battus. « Ici, je pars de quelques cas que nous accueillons. Des hommes qui nous disent qu’ils sont malmenés, maltraités par leurs femmes »Malheureusement, déplore-t-il lui aussi, les hommes n’osent pas révéler ce qui leur arrive dans les familles.

D’autres provinces ne sont pas épargnées

En commune Ruhororo, informe cet activiste des droits des hommes, au mois d’octobre, 2 hommes ont été poignardés à mort par leurs femmes dans une même nuit. La cause étant, révèle-t-il, une mauvaise cohabitation entre ces couples.

A. H., habitant de la colline Nyamaboko, en commune Kanyosha de la province Bujumbura, demande à ce que son mariage avec E. N., avec laquelle il a eu deux enfants, soit dissout et que la dot lui soit restituée. Cet homme ne révèle pas pourquoi son épouse l’a abandonné pour se marier ailleurs. Toutefois, il déplore que cette femme ait emporté avec elle, les biens du ménage et 400 mille BIF.

« Il m’est difficile de prendre en charge mes enfants. Je suis plongé dans une pauvreté sans nom », se lamente-t-il, en informant qu’il avait soumis son cas aux instances judiciaires mais qu’il n’a pas encore eu de réponse.

Dans la commune de Mutimbuzi, témoignent les leaders communautaires (hommes et femmes) dans les zones de Maramvya et Rubirizi, il existe des cas d’hommes qui subissent des violences conjugales et physiques, surtout pendant la récolte du riz.

Pendant cette période, déplorent-ils, des disputes éclatent dans les ménages au sujet de la gestion de la récolte. Des fois, font-ils savoir, des femmes abandonnent leurs maris après avoir vendu toute la récolte.

Des conséquences découlant des VBG ne manquent pas

Le président de l’Association de « Homme en détresse » fait un constat amer. Selon lui, lorsqu’un homme est perturbé dans un ménage, même le patrimoine familial est dilapidé.

Et de donner un exemple : « Il joue au billard presque toute la nuit non pas parce qu’il aime ce jeu, mais parce il a peur d’être injurié ou battu par sa femme. Celle-ci pouvant le traiter de tous les noms comme celui d’entretenir des concubines. Il prolonge le jeu tout en offrant à boire à n’importe qui dans le but d’avoir des gens qui l’occupent afin que la nuit avance pour éviter des chamailleries avec sa femme une fois rentré tôt. D’où il trouve refuge dans l’alcoolisme. Et les ressources financières de la famille en pâtissent ».

Par ailleurs, ajoute M. Nduwimana, un homme perturbé dans son ménage peut développer, à la longue, une sorte de dépression parce qu’il lui devient difficile de gérer ses problèmes.« Au lieu de penser à ce qui fera vivre sa famille, vous remarquerez qu’il est presque devenu comme celui qui vit avec un handicap mental ».

Boniface Nduwimana fait observer des risques de se faire justice. « N’ayant pas l’habitude d’étaler les violences subies. Ils intériorisent tous ces maux. » Et de souligner que le poids de la culture y joue un grand rôle en évoquant le proverbe burundais qui dit que « Amosozi y’umugabo atemba aja mu nda », (Les larmes d’un homme coulent de l’intérieur).

A la longue, prévient-il, ces hommes sont dépassés par les événements et décident de se faire justice jusqu’à tuer leurs femmes ou vice-versa, ou à défaut, ils se suicident croyant trouver une solution à leurs problèmes.

Un cadre d’expression s’impose

Le défenseur des droits des hommes propose d’instituer la journée dédiée aux hommes au niveau national. « Puisque nous constatons qu’il existe des journées dédiées aux femmes et aux filles et qui leur donnent la force et l’audace d’étaler ou de dénoncer les violences qui leur sont faites, nous demandons que soit instituée une journée pour les hommes pour qu’ils en profitent pour dénoncer les violences qu’ils subissent ».

Il suggère d’organiser des formations visant à sensibiliser les citoyens sur la bonne cohabitation dans les familles et d’ouvrir des dialogues sur ces violences.

Même son de cloche du côté du coordinateur de l’Association « Nturengaho ». D’après lui, toute violence constitue une barrière au développement. M. Mpayimana propose une approche psychosociale communautaire incitant les hommes à dire ce qui leur arrive dans les ménages.

Il faut, insiste-t-il, prévoir une journée dédiée à l’homme à l’instar de celle dédiée à la femme. Une occasion, fait-il observer, qui sera offerte aux hommes de faire des révélations sur les violences qui leur sont faites. Une opportunité également qui sera faite aux femmes d’être conscientes des violences qui sont commises dans les foyers.

« Quand il y aura compréhension, il y aura aussi prévention parce qu’il y a des violences qui sont commises sans le savoir ».

Et de proposer : « Il faut aussi impliquer les hommes, travailler sur la masculinité positive. En les impliquant, c’est une façon de les aider, ceux qui sont censés être des victimes des violences de briser le silence ».

Toutefois, M. Mpayimana nuance et fait un clin d’œil aux hommes. « Il y a des hommes qui se croient détenir tout pouvoir en oubliant que les femmes ont, elles aussi, le droit sur le patrimoine familial afin de contribuer économiquement à l’épanouissement de la famille ».

Révision de la loi, une des solutions

Interrogés sur la législation, les deux activistes de la société civile convergent sur la révision des textes de loi. Ils estiment qu’il faut réanalyser les proverbes devenus rétrogrades.

M. Nduwimana propose de revoir la législation en rapport avec les VBG dans le but d’y insérer des dispositions réprimant quiconque commettrait l’infraction sans considération de son sexe et de réprimer ceux qui s’adonnent à la dislocation des foyers.

A propos de ces propositions, Iwacu a essayé de contacter le ministère en charge du Genre mais sans succès.

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