Vivre avec 90 mille Fbu par mois : la misérable vie d’un militaire à la retraite

48
Vivre avec 90 mille Fbu par mois : la misérable vie d’un militaire à la retraite
Vivre avec 90 mille Fbu par mois : la misérable vie d’un militaire à la retraite

Africa-Press – Burundi. Depuis 1995, l’armée a embauché beaucoup de jeunes, surtout les jeunes ruraux qui n’avaient pas pu poursuivre leurs études. Actuellement, la majorité de ceux qui ont intégré l’armée dans les années 95 est en retraite. Avec une pension mensuelle de 90 mille Fbu, Deo raconte son combat pour joindre les deux bouts du mois.

Sous un soleil de plomb, une matraque entre les jambes, Déo, 47 ans, est assis sur une brique devant une entreprise commerciale, et ce pendant de longues, languissantes heures. Tous les jours, à partir de 7 h, il occupe ainsi son poste de veilleur de jour, au centre-ville de Bujumbura.

Nous le retrouvons en train de manger un beignet acheté chez un jeune commerçant ambulant. Taciturne, Déo n’a aucune envie de parler de son travail. Nous insistons. Et ce post de sentinelle ? « Je ne suis pas une sentinelle. Je suis un malheureux soldat à la retraite.», tient-il à préciser, refusant de se définir comme un veilleur.

Nous acceptons alors de recueillir son témoignage en tant qu’homme de rang en retraite afin de ne pas le contrarier.

Une maigre reconnaissancePour l’ancien militaire, c’est une humiliation, une honte pour notre pays qu’un militaire qui s’est sacrifié pour le pays, mène une misérable vie pendant sa retraite : « Je perçois une pension mensuelle de 90 mille Fbu par mois, j’alloue 60 mille Fbu pour subvenir aux besoins de ma famille vivant au village, je dépense 20 mille pour payer mon loyer à Bujumbura. », explique Déo.

Et ce n’est pas tout, pour sa ration, il dépense 45 mille et 15 mille pour payer le minerval de son fils qui étudie dans une école à régime d’internat, sans compter le crédit qu’il rembourse chaque mois qui lui coûte 45 mille Fbu.

Déo se souvient de ses parents, cultivateurs au centre du pays qui l’encourageaient à faire du business. À peine adolescent, à l’âge de 16 ans, il a abandonné ses études pour faire du commerce de poules afin d’aider sa famille.

Après 4 ans dans le business, il a décidé d’intégrer l’armée comme ses amis du village. Il a d’abord passé différents tests écrits et physiques et les a bien réussis. Il a alors interrompu son activité, et a suivi une formation pendant six mois et, en 1996, il est devenu militaire de rang communément appelé homme de troupe. Déo se souvient encore de sa première rémunération, 8000 Fbu : « J’étais tellement fier de porter l’uniforme militaire. A l’époque, je trouvais que j’étais bien payé parce que dans la cantine militaire, une bière coûtait 150 Fbu.»

Selon ce retraité, sa rémunération a doublé en 2000. Il recevait 11000 Fbu de salaire et 6000 Fbu d’indemnité d’opération par mois. Il se souvient cependant que l’État avait fixé l’indemnité d’opération à 18 000 Fbu après quelques années.

La retraite presque dans la rue Déo a fini sa carrière militaire, après 26 ans, avec un salaire de 156 mille Fbu. Il a pris sa retraite malgré lui, avoue-t-il. A Cette époque, il était encore en bonne santé. « Quand j’ai pris ma retraite je pensais ne rien faire, enfin me reposer. Mais avec mes 90 mille Fbu, ce n’était pas suffisant. Et je me suis vite rendu compte que je devais travailler pour survivre », dit-il tristement.

Sa situation financière s’est empirée en 2021, malgré la maigre pension qu’il reçoit. Pire, le coût de la vie n’a cessé d’augmenter : « 90 mille Fbu de retraite, c’est quoi ? Ils se moquent de nous ! Regardez les prix : le kilo de haricot coûte plus de 3000 Fbu », s’emporte soudain Déo, dépité.

Et c’est ainsi, pour survivre, continue-t-il, qu’il s’est retrouvé sentinelle pour une société de gardiennage, avec une rémunération de 70 mille Fbu. Mais, sa situation n’a pas changé. Pour s’en sortir, en 2022, Déo a donc contracté un crédit de 700 mille remboursable en 2 ans, afin d’investir dans l’agriculture. « Uwo ivyago vyagiye, n’ivyatsi ntibimuha inzira », dit l’adage burundais, en raison des conditions climatiques désastreuses, Déo perdra tout son capital.

Aujourd’hui, Déo désespère de sa situation financière. « Comment pourrait-elle évoluer avec l’inflation que connait le pays ? », se demande-t-il. En attendant que la politique de l’Etat visant à accorder aux retraités le dernier salaire mensuel vienne à son secours, il croise les doigts et prie : « Il n’y a que ça à faire. Je confie mon sort à Dieu, dans l’espoir qu’un jour la situation change ou alors la mort viendra mettre fin à mes souffrances sur cette terre », conclut le militaire, un peu surpris de tout ce qu’il vient de nous confier.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burundi, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here