“IA, entre excès de crainte et excès d’optimisme”

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“IA, entre excès de crainte et excès d’optimisme”
“IA, entre excès de crainte et excès d’optimisme”

Africa-Press – Burundi. L’intelligence artificielle peut manifestement être considérée comme une rupture majeure – comme beaucoup de ruptures l’ont été dans l’histoire des technologies”. Pour Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, “plus ancienne revue française née en 1894 en des temps républicains et qui fête donc cette année ses 130 ans”, tient-il à rappeler, “ce qui nous intéresse est d’analyser ce phénomène technologique et en quoi il peut transformer la société”. Lors de cette 2ème édition de la rencontre ouverte gratuitement au grand public, intitulée “Le Printemps des Technologies” avec la mairie de Saint-Raphaël du 22 au 24 mars, à laquelle Sciences et Avenir participera (lire encadré “IA, intelligence humaine et géopolitique”), seront ainsi évoqués les questionnements et les espoirs suscités par cette évolution technologique. Interview.

Sciences et Avenir: Pour cette 2ème édition du Printemps des Technologies, le thème de l’intelligence artificielle (IA) s’imposait à votre revue d’analyse des phénomènes politiques ?

Arnaud Benedetti: Oui, car c’est manifestement une rupture qu’on peut considérer majeure et le politique s’y retrouve directement confronté. Or, on a l’impression que cet enjeu technologique, si ce n’est insuffisamment pensé, peut être beaucoup plus subi qu’accompagné par le politique. Il s’agit donc d’en comprendre tous les enseignements et conséquences.

Est-ce que l’IA fait surtout peur ?

Pas forcément. Elle suscite des inquiétudes mais aussi des espoirs. On s’interroge sur les emplois qu’elle va détruire et dans le même temps sur ceux qu’elle va créer. Il y a aussi cette utopie technicienne – c’est assez frappant chez un certain nombre de politiques – selon laquelle elle apporterait des réponses politiques à de grandes questions. Comme un surinvestissement dans une foi en la technique. Il faut donc trouver un moyen terme entre deux excès, excès de crainte ou excès d’optimisme, la vérité, comme très souvent, étant entre les deux.

C’est pour cela que sont abordées aussi bien les questions de santé, d’éducation, d’économie…

Il faut en effet mieux comprendre les apports de l’IA dans tous ces domaines, qui constituent des enjeux majeurs pour le politique. En santé, on l’a bien vu avec la crise sanitaire – est-ce que l’IA va remplacer l’humain ? L’empathie lors des consultations est-elle plus forte avec un vrai médecin ou avec un système doté d’intelligence artificielle ? En économie et pour les entreprises, c’est évidemment très important comme déjà évoqué: est-ce que l’IA, comme le pensent certains économistes, est en mesure de créer de nouveaux gisements d’emplois ? Importance aussi en éducation, dont le gouvernement fait l’un de ses chantiers matrices pour les années à venir.

Il existe un Haut comité du numérique écoresponsable, un comité national d’éthique du numérique, un règlement sur les services numériques se met en place au niveau européen… Les parlementaires ont de quoi s’informer…

Oui, il y a toujours, toutes tendances politiques confondues, des parlementaires qui se saisissent de ces questions. Mais je suis frappé que la relation science-technologie et politique, que le lien entre scientifiques et politiques, soient moins fort en France qu’il ne peut l’être dans d’autres démocraties, Royaume-Uni, Allemagne… Ce qui manque peut-être le plus au politique, ce sont des outils d’anticipation, de veille, de prospective etc. qui lui permettent d’avoir une réflexion amont, avant que les techniques ne produisent leurs effets ou fassent apparaître de nouveaux produits.

Que faire pour combler ce manque ?

Je pose la question: est-ce que nos Académies jouent véritablement le rôle de conseil que d’autres jouent, je pense notamment à ce qui se pratique aux États-Unis ? Est-ce que le pouvoir politique décide de saisir l’Académie des sciences ou l’Académie des technologies pour lui rendre des avis sur certains grands sujets de prospective ? Je n’en suis pas du tout sûr, même si on a vu notamment l’Académie de médecine émettre de nombreux avis pendant la crise du Covid. Il faudrait que le politique se saisisse beaucoup plus qu’il ne le fait de ces grandes instances, afin de les associer à une vraie réflexion sur les politiques scientifiques et sur les conséquences de certains développements technologiques. Un des problèmes, qui se pose aussi bien dans le grand public que chez les politiques, étant de bien distinguer science et technologie. Cette dernière ne serait que de la science appliquée… Or, c’est bien plus compliqué que cela, et l’histoire nous montre que, parfois, l’ingéniosité est allée plus vite que la connaissance. L’objet des rencontres à Saint-Raphaël est aussi d’être pédagogique pour faire comprendre ces différences, afin d’aborder certains grands enjeux de manière rationnelle.

Pédagogie que vous pratiquez à la Revue politique et parlementaire ?

Un comité scientifique a en effet été intégré depuis cinq ans à notre comité éditorial car nous considérons que la science et la technologie, par le pouvoir de transformation qu’elles ont sur l’évolution des sociétés, sont des sujets éminemment politiques insuffisamment traités. Il faut les remettre au cœur du débat politique. Pour nous, il s’agit d’une question majeure, comme l’exprime notre publication de l’automne 2023 titrée “Le savant, le politique et le peuple. L’enjeu du siècle ?”.

La question est aussi au cœur de la géopolitique, comme l’indique l’intitulé d’une table ronde à laquelle Sciences et Avenir participe au « Printemps des technologies »…

Un point très important sur le plan géopolitique est de constater que des entreprises technologiques sont devenues des acteurs politiques capables de concurrencer les États voire les organisations supranationales – même si elles ne l’affirment pas en tant que tel. Pour ne prendre qu’un seul exemple, celui de Google, il faut mesurer l’investissement considérable de cette entreprise dans la recherche. Le système technicien, à un certain moment de son développement, échappe au contrôle politique. Dans les années 1950, l’historien et sociologue Jacques Ellul a eu des réflexions puissantes à ce sujet. Les politiques menées au sein de certaines entreprises ont des effets politiques, avec une grande force sur la scène internationale.

IA, intelligence humaine et géopolitique

Les lectrices et lecteurs de Sciences et Avenir – La Recherche (SA-LR), amateurs de compréhension de l’IA pourront retrouver Jean-Gabriel Ganascia, le spécialiste qu’ils lisent régulièrement dans nos colonnes, à 10h30 le 23 mars. Les amateurs d’intelligence… humaine, pourront entendre Yves Agid, Professeur émérite de neurologie et de biologie cellulaire, membre de l’Académie des sciences, en couverture du magazine n° 919 (Septembre 2023 – Alzheimer, Parkinson) à 15h30 le 23 mars, interrogé par la directrice éditoriale de SA-LR Dominique Leglu, qui participera par ailleurs à la table ronde intitulée “Les enjeux géopolitiques du numérique et des technologies” à 10h50 le 24 mars. A noter, sera en kiosque à partir du 21 mars, le n° 578 (avril-mai-juin) du trimestriel La Recherche, dont le dossier principal et la couverture sont consacrés à « L’intelligence artificielle ». Programme détaillé et inscription ici.

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