Les condamnés ont eux aussi des droits

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Les condamnés ont eux aussi des droits
Les condamnés ont eux aussi des droits

Africa-Press – Burundi. Les prisonniers ne sont pas incarcérés pour subir les pires sévices. Comme tout un chacun, ils ont des droits et doivent en jouir. A l’intérieur des prisons, il y a ceux qui sont chargés de faire respecter la loi, parfois à tort et à travers. En nous plongeant dans le vécu d’un ex détenu, voyons de près ce qui se passe derrière les murs de la prison centrale de Mpimba.

Un certain jeudi après-midi, j’ai deux raisons de m’inquiéter. La première est qu’un ami vient de me fixer un rendez-vous avec un homme que je ne connais pas. La deuxième, cet individu en question est un ex prisonnier. Dès lors, il y a une sombre question qui envahit mes neurones : « Quel est donc son motif d’incarcération ? » J’ose espérer que ce n’est pas un dangereux psychopathe qui s’est évadé de la prison.

Le rendez-vous est fixé à l’ETS Kamenge. Lorsque j’arrive sur le lieu, je vois un jeune homme qui approche la trentaine. Rapidement, il me tend sa boisson par politesse et me déniche une chaise pour m’asseoir. Ses bonnes manières me mettent à l’aise et rassurent ma méfiance des personnes ayant séjourné en prison.

Un autre mondeJonas (pseudonyme) a été incarcéré à la prison centrale de Mpimba en 2018, à l’âge de 23 ans. Il me relate sa vie en prison qui a duré une année et deux mois pour une raison qu’il ne désire pas mentionner. Cet homme se souvient du jour de son incarcération à Mpimba. « Ils disaient que c’est une prison réservée pour 1000 individus, mais nous étions à 4800 à mon arrivée. »

Ce qui est dommage, dit-il, c’est que les places se vendent : « Plus tu as de l’argent, plus les conditions de vie sont meilleures » Il existe plusieurs quartiers : Infirmerie, Isolement, Correction, Mineurs adultes, etc., où résident les différentes catégories de la population carcérale. Mais les prisonniers démunis dorment à même le sol. La place la moins chère est estimée à 50 000 francs Bu, une somme que beaucoup ne peuvent se permettre.

Ceux qu’ils appellent les « Généraux » sont les plus aisés et la plupart réside dans le quartier nommé Infirmerie. Pour faire partie de cette catégorie, il faut avoir beaucoup d’argent ou être connu du gouvernement. Les généraux règnent en empereurs et commandent à l’intérieur de la prison. « Barya amahera y’ibibamba » (Ils soutirent de l’argent aux nouveaux venus moyennant quelques services), s’indigne Jonas.

En prison, il y a les condamnés, c’est-à-dire, ceux qui ont été jugés et ont reçu une peine d’emprisonnement. Il y a également les prévenus, ce sont ceux qui n’ont pas encore été jugés et qui attendent leur verdict. Ces derniers n’ont pas beaucoup de droits. Alors que par exemple, les condamnés peuvent avoir le droit d’aller effectuer des travaux champêtres en dehors de la prison, eux ne peuvent pas. Jonas était dans la catégorie des prévenus, il n’avait pas beaucoup de droits. Pour qu’il puisse en avoir, c’était moyennant paiement.

Les droits des prisonniersCet ex détenu connaît quelques droits des prisonniers. Tout d’abord, le droit à l’alimentation. Chaque prisonnier est assigné à une portion de haricots et de la farine, même si quelquefois les stocks sont épuisés.

« À Mpimba, le droit de visite est respecté. Tous les mardis et jeudis, nous recevions nos proches. », affirme Jonas. Il cite aussi le droit à la prise en charge médicale gratuite. Les prisonniers ont également droit au culte et aux activités de loisirs. « En prison, je jouais au football, j’apprenais de la musique, je pratiquais le karaté. Il y avait aussi des avocats incarcérés qui nous apprenaient le droit, etc. »

À côté de ces points positifs, Jonas me raconte les faits sordides qui se déroulent dans les prisons. Des hommes qui abusent sexuellement des mineurs. En échange, ces adolescents reçoivent une somme d’argent. Cependant, Jonas souligne que les auteurs de ces pratiques sont sévèrement punis, car l’homosexualité est punie en milieu carcéral comme dans le reste du pays.

À propos de ces mineurs qui vivent dans les prisons, le texte de loi no 1/24 du 14 décembre 2017 portant révision du régime pénitentiaire mentionne dans son article 49 : « Les mineurs en conflit avec la loi sont placés dans des centres de rééducation. »

Jonas se souvient d’une autre pratique illégale : « Il y avait des membres des partis politiques qui semaient la zizanie dans notre établissement pénitentiaire alors que normalement pratiquer la politique en prison est interdit. »

Il m’apprend aussi qu’une personne pouvait s’enrichir en prison dans des commerces douteux. Vente des boissons alcoolisées, des drogues, etc. Néanmoins, tous ceux qui sont pris en flagrant délit sont sanctionnés par un allongement de leur peine.

« Le séjour en prison n’est pas bon sur un CV »« Il y a une prison à l’intérieur des prisons. », continue Jonas. Il m’explique que les généraux règnent en maître et prennent des mesures disciplinaires, si l’un des prisonniers viole la loi. Ils sont aidés par des prisonniers chargés de la sécurité qui jurent fidélité et obéissance aux généraux. Pourtant, ces derniers peuvent abuser de leurs fonctions en transgressant eux-mêmes la loi.

Le CICR (Comité International de la Croix-Rouge) est présent pour favoriser l’épanouissement des prisonniers en instaurant des activités bénéfiques aux prisonniers : « J’enseignais le secourisme, car il y avait la Croix-Rouge. »

En prison, il y a ceux qu’on surnomme les zigilis (les individus qui ont des troubles mentaux). Certains sont transférés au centre neuropsychiatrique de Kamenge. Conformément à l’article 53 du texte de loi portant révision du régime pénitentiaire : « Sur avis médical, les malades mentaux doivent être internés dans un centre hospitalier spécialisé. »

En dépit de cela, les établissements pénitentiaires sont contraignants, car les procédures judiciaires sont très lentes. Une personne peut être acquittée par la cour suprême, mais traîner en prison pendant des mois voire des années, à cause du retard d’un mandat d’élargissement délivré par le procureur. Mais surtout, « le séjour en prison n’est pas bon sur un CV. », note Jonas qui sait combien c’est dur de trouver un travail après la sortie de prison.

Aujourd’hui, Jonas s’est éloigné de tout ce qui pourrait le remettre en prison, afin d’apprécier la saveur de la liberté retrouvée.

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