Lettre d’un Burundais aux Congolais: le salut ne viendra pas des sommets

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Lettre d’un Burundais aux Congolais: le salut ne viendra pas des sommets
Lettre d’un Burundais aux Congolais: le salut ne viendra pas des sommets

Africa-Press – Burundi. Le sommet extraordinaire des Chefs d’Etats de l’EAC qui a eu lieu à Bujumbura le 4 février n’a pas convaincu (certains) quant à sa capacité à apporter des solutions aux problèmes de la RDC et du Burundi. C’est le contenu de cette lettre que ce blogueur burundais adresse au peuple congolais, mais également aux Burundais d’en tenir compte.

Mes chers frères congolais, samedi matin, je me suis réveillé de bonne humeur. Ma joie était due aux très bonnes nouvelles d’ici chez nous: les chefs des Etats membres de l’EAC dont le rwandais P. Kagame s’étaient tous déplacés pour se réunir à Bujumbura en un dit 20ème sommet extraordinaire. Pour nous, c’était l’occasion de célébrer un évènement exceptionnel au niveau des relations internationales de notre pays. Je ne sais pas pour vous, mais je ne me doute pas que vous avez de grandes attentes pour ce grand rendez-vous.

Oui, vous avez bien compris, c’était la fête pour nous parce que cela fait plus d’une dizaine d’années, pour des raisons malheureuses, que certains de ces visiteurs n’ont pas foulé le sol burundais. Quant à vos attentes, en rapport avec la crise qui sévit dans votre pays, j’ai plutôt un mauvais pressentiment : je n’attends vraiment rien de ce sommet. Pour deux raisons.

C’est dur d’être vulnérableJe commence par mon triste témoignage. En octobre 2022, j’étais en mission de travail en RDC. J’ai eu quelques jours à Kinshasa pour après me diriger vers Mbandaka, dans la province de l’Equateur. Durant mes quatre passages (2 entrées et 2 sorties) à l’aéroport de Kin, quelques faits m’ont laissé sans mot: à chacun de mes passages, que ce soit à Kin ou à Mbandaka, j’ai rencontré des agents qui semblaient être chargés de la sécurité du trafic, mais qui passaient (presque) tout leur temps à soudoyer tout passager. Ils ont même un nom pour ça : « service ou action volontaire ». Au début, je pensais qu’il s’agissait d’une contribution de tout un chacun à la reconstruction du Congo, malheureusement.

Le jour de mon départ pour l’Equateur, j’étais époustouflé de voir combien l’on doit se battre pour faire le Check in pour les vols locaux. Il y avait une telle pagaille que même une des portes de l’aéroport s’en est vu défoncée, brisée. J’ai approché un des agents de la sécurité pour lui demander de rétablir l’ordre, arguant qu’il en est capable, il m’a regardé d’un regard dédaigneux avant de me cracher cru sur le visage : « Ici c’est au Congo, c’est comme ça ! ». Heureusement pour moi, un ami congolais s’est battu pour que j’obtienne mon ticket d’avion.

Ce jour-même, la compagnie a oublié d’embarquer avec mon bagage. Figurez-vous que j’ai passé toute une semaine sans mes effets. Mon ami a dû consentir des dépenses supplémentaires pour m’acheter une nouvelle chemise et un nouveau pantalon, me permettant ainsi d’alterner ce que je portais sur moi.

Chers frères, avec un niveau pareil de désorganisation, lequel témoigne d’une vulnérabilité intrinsèque du fonctionnement de votre nation, comment voulez-vous que les étrangers respectent votre pays? Après ce voyage, j’ai compris pourquoi même de petits groupes armés veulent faire la loi sur le sol congolais. Le saviez-vous? Chez nous, on dit : « Quand il n’y a pas de porte sur une maison, le froid entre ». A vous de voir.

Une RDC séduisante : l’attrait du mal En marge à sa participation à ce 20ème sommet extraordinaire des Chefs des Etats membres de l’EAC, le président kenyan William Ruto a twetté : « Il est grand temps que le monde sache que la richesse du sous-sol congolais appartient absolument aux Congolais et que son exploitation devrait améliorer leurs conditions de vie au lieu de leur provoquer des problèmes » (Ndlr). Je suis du même avis sur le fait que l’exploitation du sous-sol congolais est ce qui est à la base des combats armés qui sévissent en permanence à l’Est de la RDC. Cependant, détrompez-vous Mr William Ruto, le monde le sait bien. Sinon, où est-ce que ces groupes armés trouveraient les soutiens nécessaires pour s’installer stablement comme ça ?

Chers frères et sœurs congolais, ne soyez pas des proies à de belle parole. Demandez aux belles filles que vous rencontrez partout, combien de garçons leur font la cour. Tout le monde voudrait les charmes de ces belles et seuls leurs parents souhaiteraient bien les préserver. Arrivez-vous à faire l’analogie avec ce que vit la RDC ? Je ne suis pas fort en géopolitique, c’est pourquoi j’utilise cette illustration. Encore une fois, c’est à vous de voir.

Des sommets, il y en aura encoreHonnêtement, chers frères et sœurs congolais, je n’attends rien de ce 20ème sommet EAC pour vous. Ce n’est qu’un sommet numéro 20. Amusons-nous à compter seulement. Il finira par un communiqué ou une déclaration, avec probablement quelques accords à l’appui, mais rien de tout ça ne jouera à votre faveur. Les intérêts du Congo doivent être cherchés ailleurs. Quand bien même il y aurait une petite accalmie après ce sommet, les problèmes du Congo ne finiront pas pour autant.

En revanche, les autorités congolaises ont la grande responsabilité d’organiser et assainir les conditions de vie des Congolais. La RDC a beaucoup de fils et filles bien instruits, mais qui restent à l’étranger, M. Tshisekedi et son gouvernement doivent mettre en place et en œuvre une politique qui attire ces cerveaux à venir contribuer au développement du Congo. Enfin, la lutte contre la corruption, une éducation de qualité et la négociation des accords d’échanges gagnant-gagnant entre le Congo et les nations étrangères, tant sur l’exploitation du sous-sol congolais que sur d’autres affaires, doivent faire le moteur du combat politique des leaders congolais. Sans cela, les souffrances du Congo et son peuple sont loin de disparaître.

Pour clore ma missive, mes très chers frères et sœurs, je vous notifie que tous ces conseils émanent d’un fils de l’un des pays les plus corrompus au monde, avec une économie tout aussi pitoyable que la vôtre. Nous sommes donc les mêmes, cette lettre vaut autant pour mon pays, le Burundi. C’est une bonne chose que les relations internationales se réchauffent, mais rien ne sert de rendre sa cruche séduisante en l’enduisant de nectar, lorsque le poison de son intérieur n’est pas encore bien lavé.

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