UCHRONIE | Et si le 8 mars n’existait plus ?

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UCHRONIE | Et si le 8 mars n’existait plus ?
UCHRONIE | Et si le 8 mars n’existait plus ?

Africa-Press – Burundi. Nous sommes en l’an 2073. Un demi-siècle est vite passé. Depuis 2023, la journée internationale des droits de la femme a cessé d’être célébrée. Une petite excursion dans ces années où la condition de la femme était précaire et ses droits allégrement bafouées.

Elle ouvre la porte. Une odeur âcre et suffocante l’accueille. Elle tousse. Une nuée de fumée noire traverse encore le bureau. Sur le sol : des papiers déchirés et des vitres brisées. Elle marche lentement pour ne pas se faire mal. Sur les murs, des écrits. En rouge. Elle devine que c’est du sang : « Tuzobica !!! » (On va vous tuer). Ce n’est pas la première fois que l’organisation Agateka kacu (Nos droits) est attaquée par des groupes d’extrémistes conservateurs. Chaque 8 mars, au Burundi, depuis des décennies, ils attaquent les organisations militantes pour les droits des femmes.

Au fond de ce bureau démoli, entre les débris de verre, à côté de la table basse, le corps d’une femme est allongé sur le sol. Marianne Nishimwe s’approche doucement. Elle remarque que la jeune femme respire encore. Elle sursaute ! C’est sa petite fille : Ella Nishimwe.

– « Mamy, je suis désolé. Je je…» balbutie Elsa.

– « Chut, tais-toi, je vais te soigner. Viens je t’emmène à la maison » réponds sa grand-mère, Marianne.

Sur la route vers la maison, le visage de Marianne est accablé d’une tristesse tandis que les larmes brouillent sa vue. Elle qui fût une grande militante féministe. Elle a inculqué sa fougue pour le combat des droits de la femme à ses enfants et petits-enfants.

– « Tout cela, c’est de ma faute. Je n’aurais jamais dû vous faire croire qu’on pouvait se libérer du joug de nos sociétés qui privilégient les hommes », lance Marianne avec regrets.

– « Non Mamy, tu as fait de ton mieux. En plus, les choses commençaient à s’améliorer. Tiens, n’est-ce pas que vous aviez droit à 30% de femmes dans le gouvernement ?», rassure Ella.

– « Oui. Mais, le combat n’était pas encore fini. À cette époque, on avait commencé à exiger que les filles puissent hériter. Hélas, c’était quasi-impossible dans ce Burundi si conservateur, macho et patriarcal », dit Marianne avec désolation à sa petite fille.

– « Au moins, vous pouviez encore célébrer le 8 mars… », répond Ella.

– « Bof, c’était devenu plus une fête de pagnes que d’activisme. Tiens, en 2023, pendant que les féminicides étaient sur une pente ascendante, les activistes semblaient s’être tus. Bien sûr, les médias se sont arrachés les tripes en réalisant des éditions spéciales sur ce fléau, mais en vain. Regarde, maintenant, le nombre de femmes qui meurent sous les coups de leur mari ! », ajoute Marianne.

– « Mais grand-mère, je ne comprends pas. C’était une époque où les mœurs semblaient évoluer, non ? », demande Ella.

– « Pas du tout hein ! Aux USA, par exemple, la Cour suprême a laissé en 2022, les Etats américains légiférer sur le droit à l’avortement. Un siècle en arrière ! Ceci a été un coup dur pour tous les mouvements pour les droits de la femme dans le monde…», explique Marianne.

Elles arrivent chez Marianne. Avant d’entrer, Ella fait une pause. Fixe sa grand-mère. « Penses-tu, Mamy, qu’on pourra encore célébrer la journée consacrée aux droits de la femme ? », demande-t-elle. Sa grand-mère met ses mains sur ses épaules et lui répond : « Non, ma fille. Mais, si je devais retourner 50 ans en arrière, je dirais à toute femme de ne pas arrêter le combat pour plus de droits en sa faveur, car il suffit d’un rien pour perdre le peu de progrès déjà atteint ».

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