Centrafrique : ce qu’il faut retenir de l’affaire Hassan Bouba

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Centrafrique : ce qu’il faut retenir de l’affaire Hassan Bouba
Centrafrique : ce qu’il faut retenir de l’affaire Hassan Bouba

Africa-Press – CentrAfricaine. Arrêté le 19 novembre à la demande de la Cour pénale spéciale, le ministre centrafricain de l’Élevage a été extrait de sa cellule vendredi et reconduit chez lui. Mais sur ordre de qui ? C’est toute la question, et la possible réponse suscite l’indignation à Bangui.

C’est peut-être le feuilleton de cette fin d’année en Centrafrique. En début de matinée, vendredi 19 novembre, une dizaine de véhicules lourdement armés se présentent devant le ministère de l’Élevage, dans le centre-ville de Bangui. Des officiers de police judiciaire, mandatés par la Cour pénale spéciale (CPS), la juridiction hybride chargée de juger des crimes graves dans le pays, en sortent et font irruption dans le bureau du ministre, qui s’apprête à entrer en réunion.

Hassan Bouba est arrêté, menotté et conduit à la Section de recherches et d’investigations (SRI), l’unité de la gendarmerie compétente en pareilles situations. Mais l’information est tenue secrète pendant plusieurs heures, la CPS redoutant des représailles de la part de ses soutiens « armés et politiques ».

Pressions politiques

« La CPS travaillait sur le dossier depuis plusieurs mois, explique à Jeune Afrique une source interne. Les juges ont pensé qu’il était temps d’arrêter Hassan Bouba parce que l’on disposait de suffisamment de preuves pour l’inculper. » Notre interlocuteur raconte qu’aussitôt après l’interpellation, des pressions ont été exercées par des membres du gouvernement et de la présidence.

« On a reçu des appels de toutes parts, précise-t-il. Ils nous répétaient que la personne que l’on venait d’arrêter était un ‘chef rebelle allié’. » Et d’ajouter, bravache : « si représailles il y a, c’est aux forces de défense et de sécurité de faire leur travail. Hassan Bouba n’est pas la première personne à qui la CPS s’intéresse, et il ne sera pas la dernière. Nous nous devons de montrer à tous les chefs de guerre que, quelle que soit leur force, justice doit être rendue pour les crimes commis. »

Il faut dire que Hassan Bouba n’est pas n’importe qui. Il est le bras droit d’Ali Darass, le plus puissant des chefs de groupes armés que compte la Centrafrique. À la tête de l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), ce dernier a signé les accords de paix négociés à Khartoum fin février 2019. Hassan Bouba devient alors l’un des ministres du président Faustin-Archange Touadéra. En novembre 2020, lorsque l’UPC rejoint – dès sa création – la rébellion de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC, dont elle s’est officiellement retirée en avril 2021), Hassan Bouba reste au gouvernement.

Coup de théâtre !

Sitôt arrêté, le 19 novembre, le ministre a été placé en détention au camp de Roux. Mais le 26 novembre, coup de théâtre ! Ce jour-là, des officiers de police judiciaire l’emmènent répondre aux questions des juges d’instruction de la CPS. Mais ils en sont empêchés par des éléments de la garde présidentielle. Hassan Bouba est dans la foulée sorti de sa cellule et… ramené à son domicile du quartier PK5, à Bangui.

Une partie de la classe politique, du monde judiciaire et de la société civile s’en est aussitôt scandalisée. « J’ai un sentiment d’indignation quand je vois que ceux qui sont censés être les garants des lois les violent. L’orchestration de cette exfiltration vient du pouvoir en place », accuse l’opposant Jean-Serge Bokassa.

Dans l’entourage du président centrafricain, on dénonce « une manipulation », tout en contestant la régularité de la procédure engagée contre Hassan Bouba. « Même si on dit qu’elle est hybride, la CPS est une juridiction placée sous l’autorité du gouvernement, assure un proche de Touadéra. Comment se fait-il que le ministère de la Justice n’ait pas été informé de la décision de procéder à l’arrestation du ministre Hassan Bouba ? » Lui y voit « une stratégie de la communauté internationale visant à instrumentaliser la CPS pour mettre le président Touadéra dos au mur ». « Arrêter un allié à pareil moment revient à pousser les groupes armés qui étaient restés fidèles à l’accord de paix à se soulever », ajoute-t-il.

« Le chef de l’État n’a pas été informé de l’arrestation ni de la mise en liberté du ministre de l’Élevage », a par ailleurs affirmé Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du président centrafricain. De fait, le 19 novembre, au moment où Hassan Bouba était emmené par la police, un décret présidentiel annonçait que le ministre allait être décoré de l’ordre du mérite et qu’il recevrait sa médaille le 1er décembre.

Chef des opérations de l’UPC pendant plusieurs années, Hassan Bouba est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il est notamment soupçonné d’être l’un des donneurs d’ordre du massacre d’Alindao. Perpétré dans le sud-est de la Centrafrique en novembre 2018, il avait fait plus de 110 morts.

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