Économie, religion, armes… Comment Erdogan a fait de la Turquie un acteur incontournable en Afrique

14
Économie, religion, armes… Comment Erdogan a fait de la Turquie un acteur incontournable en Afrique
Économie, religion, armes… Comment Erdogan a fait de la Turquie un acteur incontournable en Afrique

Marie Toulemonde

Africa-Press – CentrAfricaine. Recep Tayyip Erdogan, dont nombre d’observateurs pronostiquent la réélection ce 28 mai, a fait de la Turquie un acteur majeur sur le continent, tant sur le plan économique que diplomatique, et même militaire. Décryptage en infographies.

L’activisme diplomatique de Recep Tayyip Erdogan a-t-il fini par payer ? Depuis 2003, date de son arrivée au pouvoir, le président turc – grand favori du second tour qui l’oppose à Kemal Kiliçdaroglu ce dimanche 28 mai – s’est attelé à faire de son pays un partenaire incontournable en Afrique. Force est de constater qu’au cours de ces deux décennies de règne d’Erdogan, l’influence de la Turquie s’est très fortement accrue sur les plans religieux, culturel, économique et surtout militaire, comme le montre la cartographie de Jeune Afrique.

Diplomatie humanitaire et religieuse

Erdogan a su multiplier les gestes à destination de ses partenaires. Ce fut le cas en 2011, lorsqu’Ankara était venu au secours de la Somalie, plongée dans la famine. Une diplomatie humanitaire qui s’accompagne souvent d’un volet religieux. En 2021, l’inauguration à Accra de la grandiose Mosquée Bleue – entièrement financée par la Turquie – en est l’une des incarnations les plus spectaculaires. Outre la construction d’édifices religieux, Ankara finance également des écoles ou des hôpitaux aux quatre coins du continent. Et multiplie les actions plus modestes, mais à très fort potentiel symbolique, comme en 2022 avec l’opération de distribution de nourriture lors de la rupture du jeûne en Côte d’Ivoire.

Si la Turquie est encore très loin de peser autant que les principaux partenaires traditionnels de l’Afrique – Chine, Inde, États-Unis, Union européenne… – cet art consommé de manier tous les leviers du soft power à sa disposition a permis à la diplomatie d’avancer ses pions sur le plan économique et, plus récemment, militaire.

La valeur des échanges commerciaux de la Turquie avec le continent a été multiplié par neuf en l’espace de deux décennies. Les conglomérats turcs s’imposent dans les secteurs clés de l’économie, avec quelques champions, à l’image de Turkish Airlines, ou des géants de la construction comme Summa, Limak ou encore AlBayrak.

Sur le plan sécuritaire, Ankara s’est rapprochée des capitales sahéliennes – au premier rang desquelles Bamako et Ouagadougou – via la signature d’accords militaires, la vente de matériels, en particulier des drones, ou encore l’implication dans des dispositifs de lutte antijihadiste. Une montée en puissance qui fait parfois grincer des dents dans les capitales occidentales. En 2020, le président français Emmanuel Macron avait même, dans un entretien accordé à Jeune Afrique, fait le parallèle entre les stratégies d’influence turques et russes en Afrique, accusant d’un même mouvement Ankara et Moscou de vouloir fragiliser le lien entre la France et les pays ouest-africains en « jouant sur le ressentiment postcolonial ».

« Troisième voie »

Paradoxalement, ce sont ces mêmes puissances occidentales qui ont, d’une certaine manière, poussé Ankara à se trouver de nouveaux alliés et débouchés. Ce fut le cas lorsque l’Union européenne a définitivement fermé la porte à une éventuelle intégration d’Ankara. Le succès actuel du drone Bayraktar TB2 (« porte-étendard ») en est un autre exemple : si l’industrie turque de l’armement s’est développée à un niveau qui lui permet de faire concurrence aux principaux acteurs traditionnels, c’est en raison d’un embargo imposé sur l’accès à certains matériels sensibles.

Considérée comme géopolitiquement plus « neutre » que la Chine ou la Russie, et perçue par de nombreux dirigeants africains comme moins arrogante que les anciennes puissances coloniales, la Turquie est aussi moins regardante que les États-Unis ou les pays européens sur les questions de droits humains, ou l’usage final des armes et matériels militaires vendus sur le continent. Une « troisième voie » dont Erdogan n’a cessé de se faire le héraut, au moins dans les discours.



La Source: JeuneAfrique.com

Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here