Corruption dans les milieux sécuritaires : Quand l’impunité des élites militaro-administratives ridiculise la lutte anti-corruption

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Corruption dans les milieux sécuritaires : Quand l’impunité des élites militaro-administratives ridiculise la lutte anti-corruption
Corruption dans les milieux sécuritaires : Quand l’impunité des élites militaro-administratives ridiculise la lutte anti-corruption

Africa-Press – CentrAfricaine. Des généraux aux fortunes immobilières inexplicables, des épouses transformées en magnats de l’immobilier… La lutte contre la corruption en milieu sécuritaire ressemble à une comédie à l’ivoirienne pour de nombreux observateurs centrafricains.

Réunis à Bangui dans le cadre d’un atelier sur la lutte contre la corruption dans le secteur de la sécurité, plusieurs responsables civils et militaires ont recommandé une série de mesures, parmi lesquelles figure la déclaration de patrimoine par les officiers supérieurs. Une proposition qui, en apparence, vise à instaurer la transparence, mais qui dans les faits apparaît largement déconnectée de la réalité.

Selon les organisateurs, un mécanisme de contrôle devrait être mis en place avec l’appui des inspections générales de l’armée. Des partenaires internationaux comme la MINUSCA ont également promis un soutien technique. Mais dans un pays où certains chefs militaires vivent dans un luxe criant, cette initiative sonne comme une mauvaise farce. Des immeubles par dizaines, des fermes, des réseaux d’influence étendus… Pendant ce temps, les initiatives anti-corruption ciblent souvent les maillons faibles, évitant soigneusement les gros poissons. Une situation qui transforme la lutte contre la malversation en une parodie pathétique, selon des sources de la société civile.

Des fortunes immobilières qui interpellent

Plusieurs généraux et hauts gradés sont pointés du doigt pour leur enrichissement suspect. Parmi eux:

– Le général Sakama, dont le nom circule régulièrement dans les cercles anticorruption, sans qu’aucune enquête ne semble aboutir.

– Le général d’armée Zéphirin Mamadou, en poste depuis 2019 et dont le mandat s’étend encore. Selon des sources internes, il posséderait dix immeubles de quatre étages, ainsi que plusieurs fermes à travers le pays.

– Son épouse, Patricia Mamadou, décrite comme une mafia à elle seule, disposerait de six à sept immeubles de six ou sept étages dans la capitale.

« Quand un officier supérieur gagne officiellement quelques centaines de milliers de francs CFA par mois mais possède des dizaines de milliards en biens immobiliers, il faut soit qu’il ait hérité d’un empire, soit qu’on nous explique d’où vient l’argent », ironise un analyste financier sous couvert d’anonymat.

La lutte anti-corruption: Un théâtre politique?

Alors que ces cas défraient la chronique, les autorités multiplient les ateliers et les déclarations d’intention sur la transparence. Mais sur le terrain, aucun haut responsable n’a été inquiété.

La Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance assure vouloir travailler de concert avec les organes de contrôle de l’armée. Mais le passé récent montre que ces inspections n’ont ni les moyens, ni l’indépendance nécessaires pour inquiéter les véritables centres de pouvoir au sein des forces armées.

Arthur Bertrand-Tolin, représentant de la Commission Défense et Sécurité à l’Assemblée nationale, admet lui-même que les lois sont votées mais rarement appliquées. Un constat que partagent de nombreux observateurs, pour qui ces ateliers ne servent qu’à justifier une présence internationale ou à débloquer des fonds.

Quant aux officiers concernés, aucun nom n’a été cité, aucune procédure n’a été ouverte. Les plus hauts gradés, intouchables, continuent de s’enrichir dans l’impunité, pendant que les institutions feignent de découvrir l’ampleur du problème.

La MINUSCA évoque la création d’équipes mixtes composées d’officiers internationaux et centrafricains pour renforcer les contrôles. Mais ce type de dispositif a déjà été annoncé à plusieurs reprises sans aucun résultat concret.

« Parler de corruption dans l’armée, c’est comme vouloir arrêter un éléphant avec une ficelle. Ces gens-là ont des protections jusqu’au plus haut niveau », lâche un ancien membre des forces de sécurité.

Une défiance grandissante de la population

Pendant ce temps, les pratiques de corruption ordinaire se maintiennent jusque dans les rangs inférieurs. Là encore, aucune action sérieuse n’est engagée. Si l’administration civile ne parvient pas à réguler la petite corruption quotidienne, comment peut-elle espérer affronter l’enracinement du système mafieux au sommet de l’institution militaire?

Parler de lutte contre la corruption dans un tel contexte frôle le déni. Tant que les responsables identifiés ne sont ni inquiétés ni même publiquement nommés, ce discours restera une vitrine sans fondement. Une distraction répétitive, sans effet sur la réalité.

Pour les citoyens ordinaires, cette situation alimente un profond cynisme:

– Les petites corruptions (policiers, douaniers, fonctionnaires) sont sanctionnées, mais les grandes mafias en uniforme prospèrent.

– L’absence de condamnations symboliques renforce l’idée d’un système à deux vitesses.

« C’est une comédie de mauvais goût. Ils veulent faire croire qu’ils agissent, mais en réalité, personne n’ose toucher aux chefs », résume un activiste de la société civile.

Si la corruption est un mal répandu dans de nombreux pays, son traitement différencié – petites mains traquées, élites intouchables – sape toute crédibilité des efforts affichés. Tant que les gros poissons ne seront pas inquiétés, ces campagnes resteront perçues comme de la communication politique, voire une mascarade pour satisfaire les bailleurs internationaux.

En attendant, les généraux et leurs proches continuent de bâtir leurs empires… littéralement.

Interpellé sur ces allégations, le ministère de la Défense n’a pas répondu à nos sollicitations. La MINUSCA, de son côté, affirme soutenir les réformes structurelles sans commenter les cas spécifiques….

Source: corbeaunews

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